Les données recueillies par l’institut Discurv montrent un écart net entre la Fête des mères et celle des pères. 88 % des Français achètent un cadeau pour leur mère, contre 67 % seulement pour leur père. Pourtant, le budget moyen reste équivalent : 76 € pour le père, 77 € pour la mère.
Cette symétrie budgétaire masque une dissymétrie d’attention. Offrir un cadeau à son père reste moins systématique, malgré des moyens engagés similaires.
Une géographie du geste affectif
Les comportements varient considérablement selon les régions. En Nouvelle-Aquitaine et en Île-de-France, les pères reçoivent davantage, avec des budgets qui dépassent les 100 €. Dans ces régions, le geste cadeau est plus soutenu qu’ailleurs. À l’opposé, des territoires comme la Bretagne, les Hauts-de-France ou la PACA enregistrent des montants moyens inférieurs à 60 €.
Mais plus que le montant, l’écart père/mère est révélateur. En Occitanie par exemple, les papas reçoivent en moyenne plus que les mamans (63 € contre 58 €), tout comme en Bourgogne-Franche-Comté. Ces inversions suggèrent une évolution locale des représentations.
Les Français n’oublient pas… ou presque
75 % des répondants affirment célébrer à la fois les deux fêtes parentales. Pourtant, 20 % confessent avoir déjà oublié la Fête des pères. Ce chiffre interroge : pourquoi cette asymétrie mnésique ? L’hypothèse dominante tient à la pression sociale. La Fête des mères bénéficie d’un ancrage plus fort dans les médias, la publicité et le marketing.
En d’autres termes, la visibilité différentielle produit un effet d’entraînement cognitif : ce que l’on voit, on s’en souvient. Ce que l’on tait, on néglige.
Les langages de l’amour : deux schémas parentaux distincts
Interrogés sur leur manière de témoigner leur amour, les Français mettent en avant les “moments de qualité”. Un Français sur deux choisit cette modalité comme premier langage de l’amour.
Mais lorsque l’on regarde le détail, les écarts se creusent. Pour les mères, le contact physique (30 %) et les petites attentions (37 %) sont privilégiés. Pour les pères, ce sont les mots gentils (25 %) et les cadeaux (31 %) qui dominent.
Cette différenciation est constante dans les données comportementales. Les rôles affectifs ne sont pas perçus de la même manière selon le parent concerné.
Dire ou écrire : le mode d’expression émotionnelle varie
Autre donnée significative : les Français préfèrent dire “je t’aime papa” en face (19 %) plutôt que l’écrire (12 % par carte, 11 % par SMS). Ce choix de l’oralité suggère une quête de sincérité directe, sans médiation.
Les jeunes adultes (18-35 ans) s’illustrent par une plus grande facilité à verbaliser leur affection. 24 % d’entre eux disent “je t’aime” à leur père en face, contre seulement 17 % chez les plus de 35 ans. Ce différentiel générationnel indique un déplacement progressif des normes d’expression émotionnelle.
Le cadeau reste un marqueur culturel, pas un réflexe universel
Les types de cadeaux varient fortement. Les vêtements et accessoires arrivent en tête (14 %), suivis des gourmandises, puis des cadeaux personnalisés, notamment les produits photo.
Les fleurs, emblème des Fêtes des mères, sont quasi absentes pour les pères (2 %). Cette sous-représentation ne tient pas à une interdiction sociale explicite, mais à une norme implicite qui associe la fleur au féminin. Ce biais genré mérite d’être interrogé, tant il reflète la résistance de certains symboles à la neutralité.
Une lecture sociologique du déséquilibre
À travers les données de CEWE et de Discurv, se dessine une cartographie des gestes affectifs différenciés. Les pères sont célébrés, mais avec moins de systématicité, moins de spontanéité, moins de visibilité.
Ce que révèle cette étude, ce n’est pas un désamour, mais une hiérarchisation culturelle des attentions, construite historiquement. Le déséquilibre n’est pas monétaire. Il est perceptuel. Et il façonne nos comportements sans que nous en ayons toujours conscience.