Vous pensiez que marcher sur les greens était bénéfique ? L’étude publiée en mai 2025 dans JAMA Network Open démontre qu’habiter près d’un golf pourrait augmenter le risque de développer la maladie de Parkinson. Non, il ne s’agit pas de swings mal exécutés, mais d’un facteur bien plus insidieux : les pesticides.
Les chercheurs ont croisé les données du Rochester Epidemiology Project avec la cartographie de 139 terrains de golf dans le Minnesota et le Wisconsin. Résultat : vivre à moins d’un mile d’un terrain de golf augmente de 126 % les probabilités de développer la maladie (OR ajusté = 2,26 ; IC 95 % : 1,09-4,70). L’association est encore plus marquée dans les zones où l’eau potable provient de nappes phréatiques vulnérables.
Une méthodologie rigoureuse pour isoler le facteur environnemental
L’approche est un modèle de rigueur épidémiologique : 419 cas incidents de Parkinson diagnostiqués entre 1991 et 2015 ont été comparés à plus de 5 000 témoins appariés. Les chercheurs ont intégré plusieurs couches de données :
- Adresse de résidence 2 à 3 ans avant les premiers symptômes (pour anticiper le délai d’effet environnemental)
- Distance exacte au golf le plus proche (calculée à partir d’images satellites)
- Source d’eau potable : nappes phréatiques, puits privés ou eaux de surface
- Vulnérabilité géologique du sol (karst, roches perméables, faible profondeur)
Ce niveau de précision a permis d’identifier une corrélation robuste entre contamination potentielle des eaux souterraines et survenue de la maladie.
Des chiffres qui font réfléchir
Voici ce que montre l’analyse statistique, ajustée pour l’âge, le sexe, les revenus du foyer et la densité urbaine :
- À 1–2 miles d’un golf : +198 % de risque (OR = 2,98 ; IC 95 % : 1,46-6,06)
- À 2–3 miles : +121 % (OR = 2,21)
- À 3–6 miles : +92 % (OR = 1,92)
Au-delà de 6 miles, le risque chute drastiquement.
L’eau, vecteur probable de l’exposition
L’étude explore un autre canal d’exposition : l’eau du robinet, issue de nappes phréatiques. Les résultats sont sans appel :
- Habiter dans une zone desservie par de l’eau souterraine issue d’un secteur avec golf double le risque de Parkinson comparé aux zones sans golf (OR = 1,96).
- Les zones vulnérables géologiquement sont les plus exposées : +82 % de risque par rapport aux zones non vulnérables.
Et ce n’est pas tout : dans ces mêmes zones, même après ajustement pour la distance au golf, le risque persiste, suggérant une contamination persistante et diffuse de l’eau.
Une exposition indirecte mais constante
Les pesticides pointés du doigt ? Les habituels suspects : paraquat, rotenone, chlorpyrifos, MCPP, 2,4-D, maneb, etc. Tous reconnus pour leur toxicité neuronale via stress oxydatif, atteinte mitochondriale et apoptose des neurones dopaminergiques.
À noter : les golfs américains reçoivent jusqu’à 15 fois plus de traitements phytosanitaires qu’en Europe.
Dans cette étude, 86 % des cas de Parkinson vivaient dans une zone où l’eau potable provenait de nappes phréatiques, et 90 % de ceux vivant à moins de 3 miles d’un golf étaient reliés à un même système de distribution d’eau. On parle donc d’une exposition partagée et quotidienne, parfois pendant plusieurs décennies.
Une hypothèse complémentaire : la contamination de l’air
L’équipe évoque également une exposition aérienne : les effets sont plus prononcés dans les zones urbaines. Cela pourrait s’expliquer par un confinement des particules dans des milieux denses ou un usage accru de pesticides en zones densément peuplées pour des raisons esthétiques.
Des implications pour les politiques publiques
Ce travail soulève des questions de santé environnementale urgentes. Il ne s’agit pas d’un plaidoyer contre le golf, mais d’une alerte sur la nécessité de mieux contrôler l’usage des pesticides dans les zones habitées et d’analyser de manière systématique la qualité de l’eau dans les zones à risque.
La piste de l’exposition chronique par les réseaux d’eau municipaux mérite désormais une surveillance sanitaire plus active. Il est également nécessaire de renforcer les modèles prédictifs multi-sources pour identifier les zones à exposition combinée (air + eau).
Pour aller plus loin
Si vous travaillez sur les maladies neurodégénératives, cette étude offre une base robuste pour explorer les effets cumulatifs d’expositions environnementales mixtes. L’analyse des données géospatiales croisées à des bases médicales permet d’approcher des réponses que les études de cohorte seules n’auraient pu déceler.
Cette étude ne prouve pas une causalité, mais elle trace une carte des risques bien plus précise que ce que l’on pouvait anticiper à partir des seules sources d’exposition agricole. Il est désormais probable que la topologie urbaine et les aménagements de loisirs deviennent eux aussi des paramètres d’évaluation des risques de Parkinson.
Pour en savoir plus : https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2833716