Singapour et Airbus ont initié un partenariat stratégique pour explorer le potentiel du “crewed-uncrewed teaming” sur hélicoptère moyen-lourd. L’objectif : combiner le savoir-faire humain et les capacités autonomes pour décupler les performances opérationnelles.
Le cadre de cette collaboration repose sur l’intégration du système HTeaming à bord du H225M de la Republic of Singapore Air Force (RSAF), en lien direct avec le drone Flexrotor d’Airbus. Ce démonstrateur vise à tester en conditions réelles l’interopérabilité entre équipages humains et systèmes autonomes.
HTeaming : un système modulaire pour une coopération temps réel
HTeaming est conçu comme une interface modulaire entre un aéronef habité et un drone autonome, dans une configuration dite “homme-machine embarquée”. L’équipement se compose d’un modem, de quatre antennes, d’un logiciel de mission et d’une tablette embarquée pour la commande du drone.
En termes d’architecture, le système s’appuie sur des liaisons radio bidirectionnelles et un traitement embarqué à faible latence, ce qui permet une supervision humaine complète du drone tout en préservant ses capacités d’autonomie tactique. La commande manuelle reste possible à tout moment, mais peut être déléguée au système selon des scénarios prédéfinis.
Objectif : augmenter la conscience de situation sans alourdir la charge cognitive
L’un des défis majeurs dans ce type d’intégration est la gestion de l’information en environnement complexe. Lors d’une opération de reconnaissance ou de sauvetage, les équipages doivent déjà traiter une volumétrie importante de données. Ajouter un drone dans la boucle nécessite une ergonomie système rigoureusement pensée.
Les ingénieurs de DSTA et d’Airbus abordent ce problème via une approche dite “centrée sur la mission”. Le drone n’est pas un capteur supplémentaire : il devient une extension dynamique du regard et de l’action de l’équipage. Il peut s’éloigner pour explorer une zone, servir de relai de communication, cartographier un site ou même guider un appui feu.
Un démonstrateur pour valider l’efficacité opérationnelle
Le programme de démonstration comprendra des scénarios représentatifs des missions typiques du H225M, notamment la recherche de survivants, l’extraction en environnement dégradé, et l’appui à des forces au sol.
Chaque phase sera documentée par des mesures objectives : bande passante utilisée, latence, précision de positionnement, charge cognitive estimée des opérateurs. L’objectif n’est pas de “remplacer” des opérateurs, mais de documenter comment le système peut améliorer les résultats tout en respectant les contraintes humaines et techniques.
L’exemple du Flexrotor : un choix tactique assumé
Le drone Flexrotor n’a pas été choisi au hasard. Il présente une autonomie étendue, une capacité de décollage vertical et une vitesse de croisière suffisante pour suivre l’hélicoptère dans certaines phases.
Sa modularité permet d’embarquer différents types de charges utiles : électro-optiques, infrarouges, LIDAR ou même systèmes de relai de signal. En associant ce type de capteur mobile à un hélicoptère piloté, les ingénieurs cherchent à construire une architecture opérationnelle résiliente et réactive.
Le H225M : une plateforme éprouvée, adaptée à l’expérimentation avancée
Développé à partir du Super Puma, le H225M est déjà déployé dans plusieurs armées pour des missions critiques, dont certaines de nuit en conditions météorologiques instables. Il dispose d’une avionique numérique intégrée, d’une capacité d’emport élevée et d’un rayon d’action élargi, ce qui en fait une base robuste pour tester des systèmes complexes comme le HTeaming.
Sa compatibilité avec des architectures ouvertes facilite l’intégration du système de commande du drone sans recourir à une refonte complète de l’électronique embarquée.
Bientôt du pilotage augmenté ?
La question fondamentale qui sous-tend ce partenariat n’est pas technologique. Elle est doctrinale. Comment organiser la répartition des tâches entre équipage humain et drone ? Qui décide quoi, quand, et comment ? Quelle confiance accorder à l’algorithme en situation d’urgence ?
En fournissant un banc d’essai réel, ce projet vise à répondre à ces questions dans un cadre contrôlé. La collaboration entre DSTA, RSAF et Airbus permet de croiser les compétences : ingénierie logicielle, aérodynamique, ergonomie, analyse comportementale.
Ce type de projet illustre la mutation progressive des plateformes aéroterrestres vers un paradigme collaboratif entre humains et machines, fondé non sur le remplacement, mais sur l’extension des capacités.