Les ouragans changent de trajectoire : pourquoi se forment-ils de plus en plus au sud de l’Atlantique Nord ?

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Les ouragans ont changé d’adresse : pourquoi ils frappent désormais plus au sud

Depuis plus de 40 ans, les satellites nous racontent une drôle d’histoire. Celle d’un glissement. Pas tectonique, non. Atmosphérique. Les ouragans, ces énormes machines à vent et à pluie, naissent aujourd’hui plus au sud qu’avant. Comme si la nature avait changé le point de départ de ces monstres climatiques sans prévenir personne. Mais pourquoi ce déménagement ? Et surtout, quelles nouvelles régions vont trinquer ?

Les cyclones ont pris leurs valises direction l’équateur

Imaginez une carte de l’Atlantique. Pendant des décennies, les ouragans se formaient entre 15° et 25° de latitude nord, à peu près à hauteur des Antilles “classiques”. Désormais, ils apparaissent plus souvent autour de 10° à 15°. C’est-à-dire plus près de l’équateur, donc plus près de certaines îles qui jusque-là dormaient tranquilles.

Cette dérive n’est pas une lubie passagère : elle a été mesurée très sérieusement à partir des données satellites récoltées depuis 1979. On parle d’un glissement de 300 à 500 kilomètres vers le sud. Et dans ce cas, ce n’est pas une bonne nouvelle pour ceux qui se pensaient à l’abri.

De l’eau chaude et du vent calme : le cocktail préféré des ouragans

Pour qu’un ouragan naisse, il faut de l’eau chaude… mais pas trop de remous en altitude. Si les vents en haut et en bas de l’atmosphère tirent chacun de leur côté, le cyclone ne peut pas s’organiser. Il s’effondre sur lui-même, comme une toupie qu’on secoue.

Ce phénomène, appelé cisaillement vertical, est une sorte de tue-l’amour pour les ouragans. Sauf que dans certaines régions subtropicales, ce cisaillement a diminué. Pourquoi ? Parce que le réchauffement climatique n’agit pas partout au même rythme. Les pôles se réchauffent plus vite que les tropiques, et cette différence perturbe la dynamique des vents. Résultat : des cieux plus calmes au sud, parfait pour couver un cyclone.

Un réchauffement qui signe sa présence

Est-ce que ce déplacement pourrait être juste un caprice du climat naturel ? Une anomalie qui finirait par s’effacer ? Les chercheurs ont voulu trancher en faisant tourner 39 modèles climatiques différents, du fameux projet international CMIP6. Ils ont simulé deux mondes : un avec les émissions humaines, l’autre sans.

Et devinez quoi ? Dans le monde sans CO₂, le glissement vers le sud… n’a pas lieu. Conclusion limpide : ce déplacement est une réponse directe aux gaz à effet de serre. Le climat, chauffé par nos usines et nos voitures, a modifié les règles du jeu.

C’est un peu comme si le terrain de foot avait bougé de quelques centaines de mètres pendant le match.

Des îles qui entrent dans la zone rouge

Ce changement a des conséquences bien concrètes. Des îles comme la Barbade, la Grenade ou Sainte-Lucie, plutôt tranquilles face aux ouragans jusque-là, se retrouvent désormais en première ligne. Et vu la violence potentielle d’un cyclone, l’impact peut être énorme.

Un seul ouragan majeur peut provoquer plus de 1,5 milliard d’euros de dégâts dans une petite île. Et ce, en moins de 24 heures. Toits envolés, routes coupées, hôpitaux inondés… Le coût humain et économique est colossal.

Les États-Unis, eux, ne sont pas totalement épargnés. Certains secteurs, comme le sud du Texas, pourraient voir moins d’ouragans directs. Mais d’autres régions comme la Louisiane ou la Floride pourraient subir des phénomènes plus imprévisibles et plus violents.

Bref, ce n’est pas une question de quantité, mais de qualité. Et ici, “qualité” veut dire intensité.

Prévoir, adapter, construire autrement

Les cartes de risque doivent être révisées. Ce n’est pas une recommandation, c’est une évidence. Si les cyclones changent d’adresse, les plans d’urbanisme, les systèmes d’alerte, les assurances et même les schémas d’évacuation doivent s’ajuster.

Prenons un exemple simple : l’aéroport de Sainte-Lucie est situé à seulement 3 mètres au-dessus du niveau de la mer. Si un ouragan majeur frappe de plein fouet avec une onde de tempête, il pourrait être submergé en quelques heures.

Des maisons plus résistantes, des réseaux électriques souterrains, des abris anticycloniques, et des systèmes d’alerte anticipés à l’échelle locale seront indispensables pour faire face à cette nouvelle donne météorologique.

Et chez nous ? Les Antilles françaises dans la ligne de mire

En métropole, on observe ça à distance. Mais en Guadeloupe, en Martinique ou en Guyane, on sent déjà le vent tourner. L’ouragan Maria, en 2017, avait donné un avant-goût de cette intensification : des vents de plus de 250 km/h, des maisons arrachées, des récoltes anéanties… et près de 2 milliards d’euros de dégâts.

Les modèles climatiques montrent que la fréquence des ouragans dans cette zone pourrait doubler d’ici 2050. Autant dire que la question n’est plus “si”, mais “quand”. Et même si les Antilles françaises sont mieux préparées que certaines îles voisines, elles doivent encore renforcer leurs défenses.

Ce ne sont pas des phénomènes rares qui deviennent plus probables. Ce sont des phénomènes probables qui deviennent plus puissants.

Source de l’étude : http://dx.doi.org/10.1038/s41612-025-00923-2

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Eric GARLETTI
Eric GARLETTIhttps://www.eric-garletti.fr/
Je suis curieux, défenseur de l'environnement et assez geek au quotidien. De formation scientifique, j'ai complété ma formation par un master en marketing digital qui me permet d'aborder de très nombreux sujets.

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