À compter du 1er juillet 2025, la division Airbus Defence and Space opérera sous une nouvelle organisation, conséquence directe de plusieurs années de tensions industrielles, notamment dans le secteur spatial. Cette restructuration vise à renforcer l’efficacité opérationnelle face à un environnement technologique et géopolitique devenu nettement plus tendu.
Une réorganisation déclenchée par deux années de charges exceptionnelles
L’annonce remonte à octobre 2024. En réponse à plusieurs centaines de millions d’euros de pertes enregistrées sur les exercices 2023 et 2024, principalement dans le segment des Systèmes Spatiaux, Airbus a décidé d’opérer une refonte complète de ses structures internes.
Les charges évoquées ne relèvent pas d’un accident industriel isolé mais bien d’un ensemble de retards, de surcoûts techniques, et d’un positionnement jugé trop rigide face à la montée des constellations privées et aux logiques de « new space ». Le modèle historique fondé sur des plateformes lourdes et une ingénierie centralisée montre ses limites.
2 043 postes supprimés, sans licenciement contraint
L’entreprise a annoncé la suppression de jusqu’à 2 043 postes, en ciblant essentiellement les fonctions dites « overhead » : les strates intermédiaires de management et les doublons organisationnels. Ce choix vise à rendre plus agile l’allocation des ressources en rapprochant les centres de décision des besoins métier réels.
Airbus a confirmé qu’aucun licenciement contraint ne sera engagé. Les suppressions passeront par des dispositifs de départ volontaire, des reclassements internes et des mesures d’accompagnement spécifiques validées avec les partenaires sociaux à l’échelle européenne.
Trois lignes de métier à responsabilité intégrée
La nouvelle organisation repose sur une segmentation plus directe des activités, regroupées autour de trois piliers : Air Power, Space Systems et Connected Intelligence. Chaque entité disposera désormais d’une responsabilité de bout en bout ou “end-to-end” en anglais, de l’ingénierie amont à l’exécution opérationnelle.
Cette approche vise à réduire les frictions entre les centres de compétence historiques, souvent organisés de manière matricielle, et à raccourcir les délais de réaction en contexte de crise technologique ou politique.
Un pari sur la remontée des budgets de défense
En toile de fond, Airbus table sur une tendance structurelle : la hausse généralisée des budgets de défense en Europe, catalysée par la guerre en Ukraine, la montée des tensions en Asie-Pacifique et la redéfinition des stratégies spatiales nationales.
Le PDG Mike Schoellhorn l’a rappelé : l’enjeu n’est plus seulement industriel, il est stratégique. L’Europe doit disposer d’une base industrielle de défense capable de livrer plus vite, avec des coûts contrôlés, sans dépendance extérieure excessive.
Un signal envoyé à la communauté scientifique et industrielle
Au-delà des aspects sociaux ou économiques, cette réorganisation est aussi une alerte pour les chercheurs, ingénieurs et partenaires technologiques : l’industrie spatiale publique européenne n’est plus à l’abri des logiques d’adaptation brutale.
La pression mise sur les coûts, les délais, les performances des plateformes et la robustesse des chaînes d’approvisionnement devient un facteur central dans la sélection des partenaires. Les projets à faible TRL ou sans démonstrateur rapide risquent d’être relégués au second plan.
Vers un nouveau cycle technologique ?
En parallèle de cette réorganisation, Airbus intensifie ses investissements sur certains segments émergents : miniaturisation des satellites, militarisation de l’orbite basse, surveillance intelligente des théâtres d’opération via fusion de données multispectrales.
Cette réorientation est guidée par une volonté d’alignement avec les standards de performance des agences militaires et les logiques de compétitivité du marché dual. Elle exige des laboratoires et centres de R&D une agilité accrue dans les phases de maturation technologique.
Une mutation symptomatique d’une industrie en recomposition
Cette restructuration ne peut être lue isolément. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large, qui voit l’ensemble des industriels du secteur spatial repenser leurs modèles de production, de financement, et de partenariat, sous la pression conjuguée des cycles politiques, de l’innovation américaine et de la démultiplication des usages orbitaux.
Pour les chercheurs en sciences de l’ingénieur, les économistes industriels ou les experts en politique spatiale, cette séquence est à observer de près. Elle constitue une étude de cas précieuse sur la manière dont une grande organisation technologique tente de survivre à un basculement systémique.
Source : Communiqué de presse d’Airbus Defense and Space
Image : La fusée décolle à travers les nuages et s’envole dans l’espace lointain. Lancement réussi du vaisseau spatial. Planète terre depuis l’orbite (Freepik)