Le pari (très sérieux) des Danois d’une centrale nucléaire dans un conteneur.
Une start-up danoise veut développer un réacteur nucléaire qui tient dans un conteneur maritime. Pas de dôme en béton, pas de vapeur qui s’échappe, pas de centrale plantée au bord d’un fleuve mais une boîte d’acier, de la taille d’un semi-remorque, capable de produire de la chaleur pour alimenter une usine ou produire de l’électricité pendant des années et l’Europe y croit avec un financement de 20 millions d’euros débloqué.
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Le Danemark veut lancer un mini-réacteur au thorium à pression ambiante
Le cœur du concept : un réacteur au thorium à sels fondus, conçu par la société Copenhagen Atomics. ici, pas de barres de combustible solides, pas de pression colossale dans le circuit primaire, tout se passe dans un mélange liquide, un peu comme une soupe très chaude, où circule du thorium dissous dans du sel fondu.
Ce réacteur fonctionnerait à pression atmosphérique. Autrement dit : il ne risque pas d’exploser. Pas besoin d’enceinte de confinement en béton armé, pas de turbines géantes. Juste un module compact, qu’on pourrait (presque) poser dans un champ.
Une énergie propre qui recycle les déchets nucléaires
Le thorium, c’est un peu “l’outsider” dans l’univers nucléaire. On en trouve partout, il est trois fois plus abondant que l’uranium, et il ne provoque pas de réaction en chaîne tout seul. Il doit d’abord être transformé en uranium 233, sous l’effet des neutrons. C’est plus lent, mais aussi beaucoup plus stable.
Ces réacteurs danois peuvent aussi utiliser une partie des déchets radioactifs qu’on stocke aujourd’hui pour des millénaires. Ils consomment notamment les transuraniens (plutonium, neptunium) qui posent les pires problèmes de stockage à long terme. Autrement dit : on pourrait produire de l’énergie en nettoyant l’héritage du nucléaire du XXe siècle !
Du prototype au réacteur prêt à fissionner
Copenhagen Atomics ne sort pas de nulle part. L’équipe a déjà construit deux prototypes à l’échelle 1, sans matière fissile, pour valider tous les composants : les pompes, les échangeurs de chaleur, les circuits de sel, les systèmes de purification… Et ça tourne : plus de 10 000 jours d’exploitation cumulée sans accroc.
Grâce à l’argent du Conseil européen de l’innovation, l’entreprise prépare désormais un troisième prototype, celui qui ira jusqu’à la fission, en collaboration avec l’Institut Paul Scherrer, en Suisse. Un jalon décisif pour passer de la démonstration à l’électricité réelle.
100 mégawatts dans une boîte en acier
Un réacteur Copenhagen Atomics, c’est 100 mégawatts thermiques dans un caisson métallique. De quoi faire tourner une usine, une raffinerie ou une unité de dessalement pendant des décennies. L’idée n’est pas de remplacer les centrales géantes, mais de créer des flottes de petits réacteurs modulaires, livrés par camion ou par bateau, installés rapidement et sans gros travaux.
Un premier modèle commercial est prévu dès 2028. Ensuite, l’objectif est clair : multiplier les unités pour couvrir les besoins en chaleur industrielle, là où aujourd’hui on brûle encore du charbon ou du gaz.
Un service, pas une vente
Un argument de poids : le client n’achètera pas le réacteur. Pas de chèque à six zéros, le système fonctionnera sur un modèle “à la consommation”. Le client paye l’énergie consommée, et la filiale UK Atomics s’occupe de tout : construction, exploitation, maintenance, démantèlement.
Ce modèle évite l’un des freins majeurs du nucléaire : le coût initial exorbitant. Et avec un prix de l’électricité annoncé sous les 45 euros par mégawattheure, on entre dans une zone où même les renouvelables classiques commencent à froncer les sourcils.
Une petite boîte contre une industrie géante
Sur le papier, le projet est bluffant. Simple, modulaire, recyclable, économique. Un peu comme un iPhone face à un téléphone à cadran. Le fait qu’il vienne du Danemark, un pays sans nucléaire historique, est un joli clin d’œil. Cela prouve qu’avec une bonne idée et un peu de courage, on peut revisiter les grands piliers énergétiques.
Le thorium a longtemps été écarté. Trop différent, trop “nouveau”, trop peu rentable dans un monde habitué à l’uranium enrichi. Pourtant, il pourrait bien devenir l’allié inattendu de la transition énergétique, aux côtés du solaire, de l’éolien et de l’hydrogène.
Le premier réacteur commercial est encore en chantier mais si tout se passe comme prévu, dans quelques années, l’énergie nucléaire pourrait tenir dans un conteneur, sans danger, sans déchets… et sans milliards d’euros d’investissement.
Source : https://www.copenhagenatomics.com/news/copenhagen-atomics-awarded-funding-by-eic-accelerator



