Un réacteur nucléaire qui digère ses propres déchets ? Une startup française entre dans la danse
Imaginez un réacteur nucléaire capable de produire de l’électricité pendant vingt ans… tout en consommant ses propres déchets. C’est l’ambition affichée par Stellaria, une jeune pousse française issue du CEA et de Schneider Electric. Avec 33 millions d’euros déjà levés, dont 10 millions injectés via le plan France 2030, elle s’apprête à bousculer les règles du jeu de l’atome.
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La start-up française Stellaria veut développer un réacteur au sel fondu et à neutrons rapides
Le nom du projet : Stellarium. Il s’agit d’un réacteur de quatrième génération, utilisant des neutrons rapides et un combustible liquide à base de sels fondus de chlorures. Contrairement aux réacteurs “classiques” à eau pressurisée, ce type de réacteurs fonctionne en cycle fermé. Autrement dit, il recycle ses propres déchets à l’intérieur du système.
Les neutrons rapides permettent de transmuter des déchets radioactifs à vie longue en éléments bien moins dangereux. Une première à l’échelle industrielle si cela fonctionne. Le Stellarium ambitionne même de détruire plus de déchets qu’il n’en génère !
Une technologie plus simple qu’il n’y paraît
La force du Stellarium ne réside pas dans une surenchère technologique, mais dans un choix assumé : limiter le nombre d’innovations pour maximiser la robustesse du concept. L’appareil utilise la convection naturelle pour se refroidir, sans besoin de pompe active. Il repose également sur une architecture à quatre barrières de confinement physique, soit une de plus que les réacteurs actuels.
Autre particularité : aucun rechargement pendant 20 ans. Le cœur fonctionne en continu, en entretenant lui-même sa réaction grâce à l’isogénération. C’est un peu l’équivalent nucléaire du feu qui s’alimente tout seul avec ses propres cendres.
Des performances impressionnantes sur le papier
Selon Stellaria, la densité énergétique du réacteur serait 70 millions de fois supérieure à celle d’une batterie lithium-ion. À taille équivalente, le Stellarium pourrait donc alimenter une ville de 400 000 habitants, et remplacer des centrales à charbon ou à gaz dans des zones industrielles très gourmandes en énergie.
Les fondateurs visent une première réaction de fission d’ici 2029, et une exploitation commerciale à partir de 2035.
Un calendrier serré, mais crédible : les choix techniques reposent en grande partie sur des concepts éprouvés, remis au goût du jour avec des outils modernes.
Un projet qui attire les investisseurs
Le dernier tour de table, de 23 millions d’euros, a été mené par At One Ventures (États-Unis) et Supernova Invest (France). Ils ont été rejoints par les partenaires historiques comme CEA Investissement, Schneider Electric, Technip Energies et Exergon.
Laurie Menoud, partenaire chez At One Ventures, justifie son engagement par trois leviers : la sécurité passive, des coûts d’installation modérés, et une mise à l’échelle rapide. À une époque où les projets nucléaires traditionnels s’embourbent souvent dans des retards coûteux, ces atouts sont surveillés de près.
Une dynamique industrielle déjà en route
Stellaria prévoit de doubler ses effectifs pour accélérer la R&D sur son site de Grenoble. L’entreprise prépare également une Demande d’Autorisation de Création (DAC) pour une Installation Nucléaire de Base (INB), étape incontournable du parcours réglementaire.
Côté déploiement, un démonstrateur industriel grandeur nature sera construit pour valider les performances du Stellarium. Des partenaires comme Schneider Electric et Technip Energies sont prêts à accompagner l’industrialisation sur le long terme.
Pour Giuseppe Sangiovanni d’Exergon, ce réacteur coche les cases d’une électricité pilotable et bas carbone, capable de répondre aux besoins croissants en Europe et au-delà. Bref, une nouvelle pièce dans le puzzle énergétique de demain, à suivre de très près.
Les autres start-ups du nucléaire en France
Dans cette redéfinition du nucléaire français du XXIe siècle, newcleo trace aussi sa route. Cette startup franco-italiano-britannique, fondée en 2021, s’est faite une place dans le paysage en misant sur également sur les SMR (Small Modular Reactors ou petit réacteurs modulaires) conçus pour être déployés plus rapidement et en série. Elle va même plus loin et parle désormais d’AMR, des Advanced Modular Reactors, capables de fonctionner avec des combustibles alternatifs et des fluides caloporteurs comme le plomb fondu. Avec déjà plus de 400 millions d’euros levés, Newcleo prévoit de construire un premier démonstrateur d’ici 2030.
La start-up Naarea développe par ailleurs un projet de micro-réacteur, le XAMR, d’une puissance de 40 MWe qui utiliserait sensiblement la même technologie que celle du Stellarium.
De son côté enfin, Jimmy Energy explore une voie encore plus compacte avec des mini-générateurs nucléaires à haute température, capables de fournir de la chaleur industrielle décarbonée à des sites isolés ou énergivores. Ces projets, autrefois réservés aux laboratoires, sortent désormais des cartons grâce à l’appui d’investisseurs et de programmes publics. Une nouvelle génération d’acteurs français émerge, qui veut faire du nucléaire non plus une exception lourde et centralisée (comme les EPR par exemple), mais une solution agile, modulaire et recyclable.
Source : https://www.stellaria.fr/en/levee-de-fonds-stellaria-2025/