Première mondiale et véritable exploit pour la recherche chinoise avec la preuve d’existence d’un atome kamikaze qui se suicide en trois temps

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L’atome kamikaze d’aluminium-20 qui explose en trois temps.

Un atome qui se suicide en trois étapes, c’est possible ça ?
C’est bien ce que vient de découvrir une équipe de chercheurs chinois et européens : un isotope d’aluminium jusqu’alors inconnu, baptisé aluminium-20, qui ne tient pas en place plus de quelques millisecondes avant de se désintégrer violemment en trois protons. Une première mondiale mais un nouveau casse-tête pour la physique nucléaire !

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L’aluminium-20, ce passager clandestin de la matière

Imaginez un noyau atomique tellement instable qu’il ne se contente pas d’émettre un simple électron ou une particule alpha comme le ferait un isotope classique. L’aluminium-20 a choisi une voie bien plus théâtrale : il se démantèle par émission successive de trois protons, en cascade.

L’aluminium stable que l’on trouve dans la nature (le fameux aluminium-27) comporte 13 protons et 14 neutrons. L’aluminium-20, lui, n’en possède que 13 protons et seulement 7 neutrons. Autant dire qu’il est au bord du précipice nucléaire, situé bien au-delà de ce que les physiciens appellent la “ligne de goutte à protons”, une frontière théorique où les noyaux ne peuvent plus contenir leurs protons supplémentaires.

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Une chasse au fantôme dans un accélérateur allemand

Pour débusquer ce noyau fantôme, les chercheurs du Chinese Academy of Sciences ont eu recours à l’un des outils les plus puissants d’Europe : le Fragment Separator du centre GSI à Darmstadt, en Allemagne. Cette installation est capable de produire des noyaux exotiques par bombardement de cibles avec des ions lourds, puis de les trier en temps réel.

L’astuce employée ici s’appelle “décroissance en vol” : les noyaux sont générés dans un faisceau ultra-rapide, et on observe ce qu’ils deviennent au moment précis où ils s’effondrent. En analysant les trajectoires et les angles des particules émises, l’équipe a pu confirmer l’existence d’aluminium-20, et surtout documenter son mode de désintégration inédit.

Trois protons, deux noyaux, une surprise

L’aluminium-20 se désintègre d’abord par émission d’un seul proton, donnant naissance à un autre noyau instable : le magnésium-19. Ce dernier ne reste pas en place non plus, et éjecte à son tour deux protons simultanément. C’est la première fois qu’un enchaînement direct de ce type est observé dans un noyau léger : 1 proton émis, suivi d’une émission double.

Pour les amateurs de physique, c’est un coup de projecteur sur des mécanismes quantiques encore mal compris car cette désintégration remet en question un pilier de la symétrie nucléaire : l’isospin. Les noyaux miroir, comme l’aluminium-20 et le néon-20 (qui a le même nombre total de nucléons, mais des protons et neutrons inversés), devraient se comporter de façon symétrique. Ce n’est visiblement pas le cas ici… Ce qui n’arrange pas les physiciens.

Une symétrie qui vacille

Les mesures de l’équipe ont montré que l’énergie de désintégration de l’aluminium-20 est nettement inférieure à ce que prédisait la symétrie d’isospin. Ce décalage suggère une rupture de symétrie fondamentale. Autrement dit, ce noyau nous murmure que nos modèles ont des failles, et que des forces subtiles, probablement liées à l’interaction forte, viennent déséquilibrer les équilibres attendus.

Encore plus intrigant : les calculs théoriques prévoient que le spin-parité (une combinaison des propriétés de rotation et de symétrie) de l’aluminium-20 n’est pas identique à celui du néon-20, son miroir. Une anomalie qui pourrait bien être la pointe émergée d’un iceberg nucléaire.

Illustration d’une émission de trois protons par un noyau d’aluminium-20.Crédit : Xiaodong Xu
Illustration d’une émission de trois protons par un noyau d’aluminium-20.
Crédit : Xiaodong Xu

Une longue histoire d’atomes hors normes

Depuis les débuts de la radioactivité au XIXe siècle, nous connaissons les grandes familles de désintégrations : alpha, bêta, gamma, capture électronique, fission…. Toutes ont leur place dans les manuels. Mais à mesure que nos instruments se perfectionnent, l’univers nucléaire dévoile des comportements exotiques.

Dans les années 1970, on découvre l’émission d’un seul proton. Au tournant des années 2000, des noyaux instables commencent à livrer deux protons simultanément. Aujourd’hui, on observe même des désintégrations à quatre voire cinq protons, des processus rarissimes, souvent éphémères, qui nécessitent des équipements de pointe et des collaborations internationales massives.

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Combien d’isotopes encore inconnus ?

À ce jour, on connaît plus de 3 300 noyaux différents. Pourtant, moins de 300 sont stables. Tous les autres finissent par se désintégrer, souvent en une fraction de seconde. L’aluminium-20 vient s’ajouter à cette galaxie d’éphémères. Il n’est sans doute qu’un avant-goût de ce que nous réserve le paysage nucléaire au-delà des frontières de stabilité.

L’enjeu de ces recherches n’est pas seulement théorique. Comprendre les mécanismes de désintégration permet de mieux modéliser l’intérieur des étoiles, de prédire la synthèse des éléments lourds, voire de construire des réacteurs plus propres et plus efficaces. Chaque noyau étrange est une pièce du puzzle.

Nom Nombre de protons Nombre de neutrons Stabilité Type de désintégration
Aluminium-27 13 14 Stable Aucun
Aluminium-20 13 7 Très instable Triple émission de protons
Magnésium-19 12 7 Instable Émission double de protons
Néon-20 10 10 Stable Aucun

 

Dans cette course au bord du précipice nucléaire, l’aluminium-20 est une découverte éclatante. Pas pour sa longévité, ni pour ses applications immédiates. Mais pour ce qu’il révèle des tensions cachées dans le noyau atomique, là où nos lois commencent à se fissurer.

Source : “Isospin Symmetry Breaking Disclosed in the Decay of Three-Proton Emitter 20Al” by X.-D. Xu, I. Mukha, J. G. Li, S. M. Wang, L. Acosta, M. Bajzek, E. Casarejos, D. Cortina-Gil, J. M. Espino, A. Fomichev, H. Geissel, J. Gómez-Camacho, L. V. Grigorenko, O. Kiselev, A. A. Korsheninnikov, D. Kostyleva, N. Kurz, Yu. A. Litvinov, I. Martel, C. Nociforo, M. Pfützner, C. Rodríguez-Tajes, C. Scheidenberger, M. Stanoiu, K. Sümmerer, H. Weick, P. J. Woods and M. V. Zhukov, 10 juillet 2025, Physical Review Letters.
DOI: 10.1103/hkmy-yfdk

Image : Symbole d’atome sur fond noir (Freepik)

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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