L’or ne fond pas à 18 700 degrés (sous certaines conditions).
On connaissait l’or pour sa brillance, sa valeur, sa stabilité chimique. On le découvre aujourd’hui capable de résister à des températures que l’on pensait fatales à tout matériau solide : 18 700 °C ! Le plus surprenant, c’est qu’il reste intact, sans fondre, sans se désintégrer. Une prouesse qui secoue la physique des hautes températures.
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Une température jusqu’ici impossible à capturer
Jusqu’à présent, mesurer précisément la température d’un matériau chauffé dans des conditions extrêmes relevait presque du fantasme. On savait estimer la pression ou la densité dans un plasma ou au cœur d’un matériau comprimé, mais la température, elle, échappait toujours. Elle se devinait, se calculait, parfois avec des marges d’erreur astronomiques.
Dans un laboratoire de pointe installé en Californie, une équipe de chercheurs du SLAC National Accelerator Laboratory, en partenariat avec l’Université du Nevada, a réalisé une expérience “différente” des méthodes traditionnelles pour “chauffer” la matière. Ils ont utilisé un laser ultra rapide pour chauffer une feuille d’or ultra fine, épaisse de quelques dizaines de nanomètres, à une vitesse telle que la matière n’a tout simplement pas eu le temps de réagir. Dns la foulée, ils ont envoyé une salve de rayons X, qui ont permis, pour la première fois, de mesurer sans ambiguïté la température exacte des atomes.
Un métal au bord du chaos… qui ne cède pas
Ce qu’ils ont observé les a laissés sans voix. L’or, ce métal que l’on croyait bien connaître, a supporté une montée à 18 700 °C tout en conservant sa structure cristalline. Autrement dit, il n’a pas fondu.
Ce comportement est radicalement différent de tout ce que l’on connaissait. Pour rappel, l’or fond à 1 064 °C. Dans cette expérience, il a tenu presque 14 fois plus chaud, et s’est contenté de vibrer. Rien de plus. Pas d’effondrement. Pas de transition de phase. Comme si la chaleur était montée trop vite pour l’atteindre vraiment.
Ce phénomène s’appelle le superchauffage solide. Il est rare, et surtout, il n’avait jamais été observé dans des conditions aussi extrêmes.
Le temps, facteur de stabilité
Pourquoi l’or ne s’est-il pas transformé en liquide ou en gaz ? Tout simplement parce que le chauffage a été fulgurant. La matière, pour fondre, a besoin d’un minimum de temps. Elle doit désorganiser ses atomes, casser les liens qui les maintiennent ensemble. Ici, le laser a injecté l’énergie en un clin d’œil, et la structure atomique est restée figée, incapable de suivre.
Tom White, physicien impliqué dans l’expérience, a résumé l’exploit avec une touche d’humour très scientifique :
« Nous n’avons violé aucune loi de la thermodynamique. Nous avons juste agi plus vite qu’elle. »
Ce n’est pas une pirouette. C’est une réalité. Le résultat ne remet pas en cause les lois de la physique, il en révèle des zones grises. Des frontières floues où les extrêmes se jouent des règles établies.
Et si tout notre modèle s’effritait ?
Depuis les années 1980, les physiciens s’appuient sur un principe fort : au-delà d’une certaine température, tout solide finit par se désintégrer. L’expérience du SLAC montre qu’il existe une brèche sur ce principe. Un moment suspendu où le matériau, chauffé à une vitesse extrême, échappe temporairement à son destin.
Cette découverte n’était même pas l’objectif de départ. Les chercheurs souhaitaient juste valider une nouvelle méthode de mesure. Ils ont mis un pied au bord d’un précipice théorique, et constaté que le sol tenait encore.
Une méthode, des applications et des promesses
Ce qu’ils tiennent désormais, c’est une clé expérimentale. Une méthode qui permet de prendre la température de la matière dans les conditions les plus extrêmes, avec une précision inédite. Cette avancée pourrait transformer notre compréhension de nombreux environnements : les noyaux planétaires, les matériaux des réacteurs à fusion, les objets stellaires, les chocs thermiques extrêmes.
D’autres matériaux sont amenés à être testés comme le tungstène, le carbone ou d’autres. Qui sait combien d’entre eux résisteront eux aussi à l’impensable ?
Matériau | Point de fusion (°C) | Température testée (°C) | État observé |
---|---|---|---|
Or (classique) | 1 064 | 1 064 | Liquide |
Or (expérience SLAC) | 1 064 | 18 700 | Solide superchauffé |
L’or comme messager de l’inattendu
Le plus fascinant dans cette histoire, c’est qu’elle part d’un métal que l’on pensait parfaitement connu. L’or, matière des bijoux, des circuits imprimés, des lingots. Et c’est lui qui nous révèle que les matériaux n’ont pas encore livré tous leurs secrets.
Bob Nagler, l’un des chercheurs de l’équipe, a eu cette phrase, simple, lucide et pleine d’ouverture :
« Si cette toute première expérience nous permet déjà de remettre en question une théorie vieille de quarante ans, je suis curieux de découvrir ce que les prochaines vont nous apprendre. »
Il n’y a rien à ajouter. Si ce n’est que, parfois, une simple feuille d’or, frappée par la lumière, peut faire vaciller tout un pan de la science.
Source :
White, T.G., Griffin, T.D., Haden, D. et al. Superheating gold beyond the predicted entropy catastrophe threshold. Nature 643, 950–954 (2025).
https://doi.org/10.1038/s41586-025-09253-y
Image :
Des chercheurs de l’instrument MEC (Matière en conditions extrêmes) du SLAC ont utilisé un laser pour surchauffer un échantillon d’or. Ils ont ensuite envoyé une impulsion de rayons X ultra-brillants provenant de la source cohérente de lumière Linac (LCLS) à travers l’échantillon, afin de mesurer la vitesse, et donc la température, des atomes en vibration dans ce dernier.
(Crédit : Greg Stewart / Laboratoire national d’accélérateur SLAC)
Ça fait un peu penser à la surfusion des liquides (à l’envers).
Non mais… ce n’est pas la chaleur qui fait fondre. C’est l’énergie. La quantité de calories apportées.
Elle est fonction de la puissance (chaleur appliquée ici) et du temps.
Si le temps est “un clin d’oeil (pas très quantifiable), l’énergie apportée est minime…
Bien sur que dans ce cas aucune loi de la thermodynamique n’est violée. Ni dépassée en vitesse.