La Chine produit son premier baril d’uranium dans la plus grande mine jamais construite sur son sol
Le 12 juillet 2025, en plein cœur de la Mongolie intérieure, un premier baril d’uranium naturel a été extrait sans qu’un seul morceau de roche ne remonte à la surface. Un an jour pour jour après le début des travaux, la Chine vient d’activer le plus grand projet minier d’uranium de son histoire : le National Uranium No.1, un champ de forage automatisé, intelligent, sans poussière, et qui pourrait bien redéfinir l’équilibre mondial de l’approvisionnement nucléaire.
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La Chine dévoile sa nouvelle mine gigantesque dédiée à l’extraction de l’uranium
Oubliez les pelleteuses, les gravats et les carrières béantes. Le site d’Ordos, dans le bassin nord de la Chine, fonctionne grâce à une technologie appelée récupération in situ au CO₂/O₂. Le principe ? Injecter des fluides sous pression directement dans la roche pour dissoudre l’uranium là où il se trouve, puis le pomper à la surface dans une solution. Aucune excavation, aucun rejet solide, pas de poussière radioactive à manipuler.
Résultat : moins de déchets, moins de CO₂, plus de rendement. Et surtout, une automatisation presque totale, avec commandes centralisées à distance et analyse des données en temps réel. Une première dans le monde minier chinois.
Une mine qui marque un tournant industriel
Le président de la China National Uranium Corporation (CNUC), Yuan Xu, ne cache pas son enthousiasme : « C’est la première application complète de notre technologie de troisième génération. » Concrètement, cela signifie que la Chine entre dans une nouvelle ère, celle de l’exploitation verte, intelligente et sécurisée de l’uranium. Ce projet est à la fois une démonstration de puissance technologique et un levier stratégique dans le développement de l’atome chinois.
D’ici peu, cette technologie sera déployée à grande échelle dans d’autres bassins nordiques comme Songliao, Erlian ou Yili. L’objectif est clair : garantir l’autonomie de la Chine en uranium, tout en exportant ce savoir-faire auprès de pays partenaires.
Une réorganisation géologique du pays
Historiquement, la Chine extrayait son uranium dans des gisements granitiques du sud, souvent plus difficiles d’accès et plus polluants à exploiter. Mais depuis vingt ans, les prospections ont révélé l’existence de gisements bien plus riches dans les formations sableuses du nord.
En 2023, le pays a publié les dix plus grandes découvertes uranifères de la décennie, avec plus de 2,8 millions de tonnes estimées. Le bassin d’Ordos, là où se trouve le projet No.1, est désormais la première réserve nationale. Il devient le pilier du programme nucléaire chinois à long terme.
Objectif : un tiers d’uranium “made in China”
Aujourd’hui, la Chine alimente 58 réacteurs nucléaires, pour une puissance cumulée de 56,93 GWe. Elle en construit actuellement 32 supplémentaires, qui ajouteront 34,2 GWe. Et des dizaines d’autres sont à différents stades de planification.
Pour faire tourner tout cela, il faut des tonnes d’uranium chaque année, matière première du cycle du combustible. La stratégie chinoise repose sur une règle des trois tiers :
- 1/3 extrait localement,
- 1/3 issu de mines détenues à l’étranger (comme au Niger, au Kazakhstan ou au Zimbabwe),
- et 1/3 acheté sur le marché mondial.
Avec l’entrée en production de No.1, la part nationale va augmenter, réduisant la dépendance aux importations, notamment face aux incertitudes géopolitiques sur les chaînes d’approvisionnement.
L’uranium, nouveau levier d’influence internationale
Ce projet est aussi un signal politique. À l’heure où les tensions s’exacerbent sur les matières premières critiques, la Chine affiche sa capacité à sécuriser seule une ressource clé de la transition énergétique. Et comme pour ses réacteurs à bas coût ou ses panneaux solaires, elle prévoit d’exporter sa technologie minière.
En clair, les futures mines d’uranium en Asie centrale, en Afrique de l’Est ou en Amérique latine pourraient bientôt être forées à la chinoise, avec supervision depuis Pékin, machines locales, et ingénieurs formés au standard No.1.
C’est une manière douce, mais très efficace, de tisser une influence énergétique durable.
Pendant ce temps, où en est la France ?
Face à cette montée en puissance, la France reste extrêmement dépendante de ses fournisseurs étrangers. Selon les chiffres 2023, l’uranium consommé dans les réacteurs français venait :
- à 27 % du Kazakhstan,
- à 20 % du Niger,
- à 18 % de l’Ouzbékistan,
- et seulement à environ 10 % de sources européennes (dont l’Ukraine).
Or, entre les coups d’État au Sahel, les tensions en Asie, et la volatilité des marchés, cette dépendance pourrait devenir un talon d’Achille stratégique, surtout si la filière nucléaire nationale est relancée.
La France dispose pourtant de quelques ressources, notamment en Nouvelle-Calédonie et en métropole, mais aucune extraction n’est aujourd’hui active. Et malgré des projets de recyclage, la demande brute en uranium vierge va augmenter avec le programme EPR2.
Ce qu’il faut retenir :
- Lieu : Bassin d’Ordos, Mongolie intérieure
- Méthode : récupération in situ CO₂/O₂ (pas d’extraction physique)
- Production : premier baril d’uranium extrait en juillet 2025
- Réserves nationales estimées : 2,8 millions de tonnes
- Stratégie chinoise : 1/3 domestique, 1/3 à l’étranger, 1/3 marché libre
- Objectif : exporter la technologie et sécuriser l’alimentation nucléaire mondiale
Alors que l’atome revient en force dans les politiques énergétiques, l’uranium s’impose comme une matière première stratégique, au même titre que le lithium ou le gaz naturel. Et dans cette nouvelle ruée vers l’atome, la Chine creuse l’écart, sans même creuser la terre.
Source : Chinese National Nuclear Corporation