Des diamants venus de l’espace… fabriqués sur Terre.
La lonsdaléite ou diamant hexagonal est un minéral qui est, avec le diamant et le graphite, l’une des trois formes cristallisées naturelles du carbone.. Il ne naît pas dans les profondeurs terrestres comme ses cousins classiques, mais lors de chocs d’une violence inouïe, comme par exemple quand une météorite percute la Terre à plusieurs kilomètres par seconde. Dans ces instants apocalyptiques, la roche est broyée, chauffée à plus de 1 000 °C et soumise à des pressions colossales qui réorganisent les atomes de carbone. Des chinois viennent de réussir pour la première fois à en reproduire en laboratoire et c’est un sacré exploit !
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Le diamant hexagonal, une énigme de 50 000 ans résolue
Tout commence en Arizona, il y a environ 50 000 ans. La météorite du Canyon Diablo s’écrase, laissant derrière elle un cratère et, enfouis dans ses débris, des diamants à la structure jamais vue. Au lieu de s’empiler en cubes bien rangés, comme des Lego, les atomes adoptent un motif en alvéoles. Ce simple changement géométrique leur conférerait une dureté jusqu’à 60 % supérieure à celle des diamants traditionnels. Autant dire qu’un outil taillé dans cette matière pourrait découper sans broncher ce qui mettrait à genoux l’acier le plus résistant.
Pourquoi les reproduire est un casse-tête
Fabriquer un diamant cubique en laboratoire, on sait faire. Reproduire un diamant hexagonal, c’est une autre histoire. Les diamants naturels naissent à environ 150 km de profondeur, dans des conditions de chaleur et de pression constantes. En revanche, la lonsdaléite se forme dans la brutalité d’un impact spatial, et reproduire cette violence contrôlée est un défi technique. Depuis plus de soixante ans, chaque tentative se solde par des cristaux cubiques ou des mélanges indésirables de graphite et de diamant. Certaines expériences, comme le bombardement de graphite à la poudre noire, ont permis d’entrevoir la structure hexagonale… sans jamais l’obtenir pure.
La méthode des chercheurs chinois
Pour contourner l’obstacle, les scientifiques du Centre de recherche avancée en sciences et technologies à haute pression et de l’Institut d’optique et de mécanique de précision de Xi’an ont joué la carte de la pureté. Ils ont sélectionné un graphite monocristallin d’une propreté presque absolue, réduisant les risques que la structure bascule vers le cubique. Puis ils l’ont soumis à une pression uniforme dans toutes les directions, à des températures extrêmes, tout en observant la transformation en direct grâce aux rayons X. Le résultat ? Des cristaux hexagonaux de 100 micromètres, soit l’épaisseur d’un cheveu, parfaitement formés.
Une preuve qui change la donne
C’est la première fois que l’on obtient la preuve tangible que la lonsdaléite peut exister comme structure stable et distincte. Jusqu’ici, nombre de scientifiques pensaient que ce que l’on voyait dans les météorites n’était qu’un assemblage désordonné de phases différentes. Cette confirmation ouvre la porte à une nouvelle génération de matériaux superdurs, capables de rivaliser, et peut-être surpasser, le diamant traditionnel dans bien des applications.
Pourquoi l’industrie ne peut pas s’en passer
Car le diamant, et vous ne le saviez probablement pas, est bien plus qu’une pierre précieuse : c’est une arme technologique. Sa dureté record en fait un revêtement idéal pour les forets de forage pétrolier ou les lames de découpe de céramique, qui voient ainsi leur durée de vie exploser. Sa conductivité thermique exceptionnelle le rend précieux dans l’électronique, où il sert à évacuer la chaleur des composants de puissance. On l’emploie aussi pour polir les lentilles optiques de précision ou sculpter des alliages récalcitrants. Là où l’acier ou le carbure de tungstène s’usent, le diamant, lui, continue de mordre dans la matière.
Le marché mondial du diamant industriel en chiffres
Chaque année, plus de 150 millions de carats, soit environ 30 tonnes, de diamants industriels sortent des usines du monde entier. La quasi-totalité est synthétique : extraire des diamants naturels pour l’industrie coûterait une fortune. La Chine règne sans partage sur ce marché avec plus de 90 % de la production mondiale, suivie de loin par la Russie, les États-Unis et quelques pays africains. Pour les fabriquer, deux méthodes dominent : le HPHT (haute pression, haute température) et la CVD (déposition chimique en phase vapeur). Ici, pas question de carats ou de pureté optique : seule compte la performance technique.
Source :
Yang, L., Lau, K.C., Zeng, Z. et al. Synthesis of bulk hexagonal diamond. Nature (2025). https://doi.org/10.1038/s41586-025-09343-x
Image : Fragment de la météorite Canyon Diablo.