Microplastiques dans le corps humain : pourquoi les mesurer reste un défi scientifique

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Comment quantifier la présence de micro- et nanoplastiques (MNPs) dans les tissus biologiques humains, animaux ou végétaux ? La question paraît simple. Elle ne l’est pas. Alors que l’analyse de l’eau ou des sols permet une extraction relativement directe des particules plastiques, le passage au vivant bouleverse entièrement la méthode.

Vous ne travaillez plus avec un liquide à évaporer, mais avec une matrice complexe, variable, souvent de faible volume, et rarement homogène. Entre un foie humain, un morceau de pomme et un muscle de palourde, les protocoles de traitement doivent être adaptés au cas par cas. C’est ici que la recherche actuelle cherche à poser des jalons.

Des matrices biologiques aux comportements multiples

Chaque tissu vivant constitue une matrice distincte, avec des propriétés physico-chimiques spécifiques. Dans le fruit, la cellulose domine. Dans les tissus animaux, ce sont les lipides et les protéines. Chez les mollusques, des fragments de coquilles viennent interférer dans l’analyse. Et dans les végétaux ligneux, la lignine impose une digestion radicalement différente.

Ces différences rendent impossible l’adoption d’une méthode unique de préparation. Le terme utilisé est clair : il faut “digérer” la matrice pour libérer les MNPs sans les détruire. Or, chaque digestion peut modifier, masquer ou altérer les particules recherchées.

Formes et surfaces : des paramètres souvent négligés

Dans la majorité des études, les microplastiques sont supposés sphériques. Or, cette hypothèse fausse l’interprétation des résultats. Un fragment fibreux n’a pas le même comportement qu’un granulé. Sa surface n’offre pas les mêmes anfractuosités. Sa mobilité dans les fluides biologiques n’est pas comparable.

Et surtout, la forme conditionne l’interaction avec les toxiques ou les pathogènes. Certains polymères, à géométrie irrégulière, peuvent héberger des contaminants chimiques ou microbiens dans leurs cavités, créant ainsi un effet cocktail insoupçonné.

Un manque de protocoles standardisés qui freine toute avancée

Il n’existe aucune norme internationale permettant de traiter, extraire et caractériser les MNPs dans un tissu biologique. Cela constitue un blocage majeur : aucune étude ne peut être comparée rigoureusement à une autre.

Le professeur Baoshan Xing, de l’Université du Massachusetts Amherst, résume la situation : “C’est un casse-tête. Mais c’est aussi une formidable opportunité pour progresser.” Avec son équipe internationale, il propose aujourd’hui une série de bonnes pratiques méthodologiques, afin de poser les bases d’un protocole de référence.

Des pistes concrètes pour dépasser l’impasse actuelle

  • D’adapter le protocole à chaque matrice biologique. La digestion enzymatique ne sera pas la même pour un tissu adipeux que pour un fruit.
  • D’identifier précisément les types de polymères, leurs tailles, leurs formes et leurs surfaces. Ces paramètres influencent le comportement des MNPs dans le corps humain.
  • D’utiliser l’intelligence artificielle pour classifier les particules, compte tenu de la diversité quasi infinie des formes et propriétés de surface observées.

Bientôt une détection fiable et reproductible ?

Bien que nous soyons encore loin de comprendre l’impact sanitaire réel des MNPs, le verrou technique de la détection constitue l’étape incontournable. Sans méthode reproductible, aucune quantification fiable n’est possible. Sans quantification, aucune étude toxicologique ne peut aboutir à des conclusions robustes.

L’absence actuelle de normes ouvre un champ d’innovation scientifique immense. Grâce à une approche pluridisciplinaire – combinant chimie analytique, biologie, modélisation et science des matériaux – les premières briques d’un cadre méthodologique global sont en train d’être posées.

Une lecture assistée par algorithme ?

L’usage de l’apprentissage automatique pour interpréter la complexité morphologique des MNPs est une avancée prometteuse. Face à la diversité des formes, des textures et des tailles, l’œil humain atteint rapidement ses limites.

Les chercheurs suggèrent donc d’automatiser la reconnaissance des signatures plastiques à l’aide d’algorithmes entraînés sur des bases de données visuelles. Cela permettrait non seulement un gain de temps considérable, mais aussi une standardisation des analyses entre laboratoires.

Une discipline en quête de maturité

Nous sommes à l’aube d’un tournant. Le champ d’étude des micro et nanoplastiques dans les tissus biologiques est jeune, fragmenté, mais hautement stratégique.

L’absence de norme est une faiblesse méthodologique, mais aussi le levier potentiel d’une structuration internationale de la discipline.

La question n’est pas uniquement environnementale ou sanitaire : elle est aussi analytique. C’est en forgeant une science de la mesure des MNPs dans le vivant que nous pourrons, demain, évaluer leur effet réel sur notre santé.

Crédit : Zhao et coll., 10.1038/s44222-025-00335-0

Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1038/s44222-025-00335-0

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Eric GARLETTI
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