Une puce pour sonder le multivers… et soigner le cancer.
Dans un coin de laboratoire, une puce en silicium pas plus grande qu’un timbre. À première vue, rien d’extraordinaire. Pourtant, ce petit bout de matière pourrait remplacer des infrastructures comme le Large Hadron Collider (LHC), ce projet monstre du CERN de 27 kilomètres de circonférence enfoui sous la frontière franco-suisse.
Derrière ce projet, Aakash Sahai, ingénieur et chercheur à l’Université du Colorado Denver. Son ambition ? Créer un accélérateur de particules miniature, capable de générer des champs électromagnétiques si intenses qu’ils pourraient révéler les secrets les plus profonds de la matière… et même tester des théories comme celle du multivers chère à Stephen Hawking !
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Du CERN à la taille d’une clé USB
Aujourd’hui, pour atteindre ces puissances, il faut des tunnels immenses, des aimants supraconducteurs, et des milliards d’euros. Sahai, lui, veut tout ramener à l’échelle d’un composant électronique.
L’idée repose sur un phénomène fascinant : les oscillations d’un gaz d’électrons quantiques à l’intérieur d’un matériau conçu pour résister à des flux d’énergie extrêmes. Ces mouvements ultra-rapides, canalisés avec précision, produisent des champs électromagnétiques d’une intensité jamais atteinte dans un dispositif aussi petit.
Avec l’aide de son doctorant Kalyan Tirumalasetty, il a mis au point un matériau à base de silicium qui non seulement supporte l’impact d’un faisceau de particules à haute énergie, mais reste structurellement stable grâce à une gestion fine de la chaleur générée.
Des tests grandeur nature… version miniature
Pour valider le concept, l’équipe est passée par le SLAC National Accelerator Laboratory en Californie, là où l’on manipule certains des faisceaux les plus puissants au monde. Et le pari a tenu : le dispositif a encaissé l’énergie sans se désintégrer, tout en produisant les champs recherchés.
Résultat : un accélérateur qui, au lieu de s’étendre sur des kilomètres, tient sur la paume de la main… et peut être intégré directement dans un système optique ou électronique.
Ce que ça change pour la science… et pour la médecine
Si la technologie tient ses promesses, les impacts pourraient être immenses. Côté physique fondamentale, on pourrait enfin tester certaines hypothèses impossibles à explorer avec les outils actuels : détection de particules exotiques, étude des structures de l’espace-temps, ou recherche de signes d’univers parallèles : le fameux “multivers”, dont Hollywood s’est emparé maintes fois. Pour les chanceux qui n’auraient jamais vu un Marvel de leur vie, en physique, le multivers désigne l’idée que notre univers ne serait qu’un parmi une infinité d’autres. Chaque univers aurait ses propres lois physiques, ses constantes fondamentales et, peut-être, ses formes de matière et de vie. Cette notion n’est pas née dans les livres de science-fiction mais dans la cosmologie moderne, en particulier avec la théorie de l’inflation éternelle : après le Big Bang, l’espace se serait étendu par “bulles” indépendantes, chacune devenant un univers distinct. Dans d’autres approches, comme l’interprétation à mondes multiples de la mécanique quantique, chaque événement quantique pourrait engendrer une nouvelle branche de réalité. Tester l’existence d’un tel multivers serait un bouleversement scientifique majeur, car cela impliquerait que notre “tout” n’est en réalité qu’une partie d’un ensemble bien plus vaste.
Côté plus réaliste, l’invention pourrait avoir des applications concrètes en médecine, Sahai rêve déjà d’un laser gamma capable de cibler une cellule cancéreuse jusqu’à son noyau atomique, sans toucher aux tissus voisins. Une précision qui permettrait d’opérer au niveau du noyau des atomes, une échelle où les forces qui façonnent la matière prennent le dessus.
Une aventure commencé il y a 7 ans et une invention déjà protégée
Tout a démarré en 2018, quand Sahai publiait ses premiers travaux sur les accélérateurs d’antimatière. Sept ans plus tard, le concept a mûri, les prototypes fonctionnent, et les tests à SLAC se succèdent. L’objectif ? Améliorer la stabilité du matériau et affiner la technique laser pour qu’un jour, cette technologie passe des bancs de laboratoire… à des usages concrets, en physique comme en médecine.
Sahai y croit : « Ce n’est pas pour demain matin, mais de mon vivant, c’est très probable. »
L’université a pris les devants : brevets déposés aux États-Unis et à l’international. Le chemin vers des applications concrètes sera long, mais la direction est tracée. Comme le dit Tirumalasetty, « les ingénieurs ne se contentent pas de comprendre la nature, ils fabriquent les outils pour la transformer ».
Ces outils, si petits soient-ils, pourraient changer la manière dont on fait de la science, bien au-delà des laboratoires actuels.
Source : “Extreme Plasmons” by Aakash A. Sahai, 19 mai 2025, Advanced Quantum Technologies.
DOI: 10.1002/qute.202500037