La Chine teste les moteurs de son futur “monstre” lunaire.
La Chine continue de donner des nouvelles de son projet spatial. La Longue Marche 10 vient en effet de passer son tout premier essai grandeur nature avec son premier étage qui a réussi à allumer ses moteurs pendant 30 secondes. Un laps de temps qui peut paraître court mais qui constitue une étape indispensable pour envoyer un équipage sur la Lune d’ici 2030.
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Premier test en conditions réelles réussi pour la Longue Marche 10
L’engin est resté au sol. Il ne s’agissait pas d’un lancement, mais d’un test “statique”. En clair ? On allume les moteurs à fond, mais on attache la fusée à la rampe pour qu’elle ne décolle pas. Un peu comme si vous faisiez rugir une Formule 1 sur un banc d’essai. Sauf qu’ici, on parle de sept moteurs YF-100K qui tournent en chœur pour 900 tonnes de poussée, soit plus que le poids de deux Airbus A380 remplis à ras bord.
Ce n’était en outre qu’un tiers de la puissance finale puisqu’il ne s’agissait que du premier étage, sans les deux énormes propulseurs latéraux. À terme, la fusée comptera 21 moteurs et générera presque 3 000 tonnes de poussée au décollage !
Autant dire que le béton du pas de tir a intérêt à être en forme.
Une fusée plus grande qu’un clocher d’église
Elle mesure 92 mètres de haut. C’est plus qu’un immeuble de 30 étages ou environ la moitié de la Tour Montparnasse. Avec ce type de gabarit, on parle d’une fusée “superlourde”, la première de ce type en Chine. Son but ? Transporter vers la Lune 27 tonnes de matériel, ou un vaisseau habité, ou un module d’atterrissage, selon les missions.
À terme, la Chine prévoit de lancer deux Longue Marche 10 coup sur coup : l’une pour envoyer les astronautes dans le vaisseau Mengzhou, l’autre pour envoyer le module d’atterrissage Lanyue. Les deux se retrouveront en orbite lunaire, s’arrimeront, puis descendront ensemble vers la surface.
Tout cela, avant la fin de la décennie.
Le retour de la base lunaire (avec échantillons en prime)
Cette fois, la Chine ne veut pas juste planter un drapeau, sourire à la caméra, et repartir. L’objectif est d’installer une station scientifique permanente, au pôle Sud de la Lune, là où la lumière est quasi constante et où la glace d’eau pourrait servir de ressource. Ce projet, appelé ILRS, est mené en partenariat avec la Russie et d’autres pays qui pourraient rejoindre l’aventure.
On parle ici d’exploration durable, de prélèvement d’échantillons, de production d’énergie, voire d’exploitation minière lunaire. Un laboratoire extraterrestre à 384 000 kilomètres de la Terre. Rien que ça.
Une débauche d’ingénierie bien ancrée dans le réel
Ce n’est pas la première fois que la Chine teste ses moteurs. En 2024, trois YF-100K avaient déjà été allumés ensemble. Sauf que cette fois, il a fallu utiliser une véritable aire de lancement. Les bancs d’essai classiques ne supportaient pas une telle poussée.
Guo Wei, un des responsables du programme, l’a reconnu sans détour : « Les bancs d’essai existants ne pouvaient pas supporter les charges énormes générées par la poussée de la fusée, donc l’équipe a utilisé une rampe de lancement réelle pour effectuer l’essai de près de 1 000 tonnes de poussée », a-t-il déclaré au China Daily.
Et le test n’a pas servi qu’à faire du bruit. Les ingénieurs ont surveillé la coordination des moteurs, la gestion des surcharges, les systèmes d’arrêt d’urgence, mais aussi des éléments plus discrets comme les nouveaux matériaux thermorésistants appliqués autour des tuyères. Autrement dit : tout a été passé au peigne fin.
La version réutilisable est déjà en préparation
La Longue Marche 10 est un lanceur one-shot, à l’ancienne”. Pas de récupération des étages. Ce lanceur est 100 % consommable, comme les fusées de l’époque d’Apollo.
Une autre version, la Longue Marche 10A, est en revanche déjà en chantier. Elle sera plus petite (67 mètres), utilisera les mêmes moteurs, et pourra être récupérée et relancée. Un peu comme les Falcon 9 de SpaceX. La Chine espère ainsi réduire les coûts des vols en orbite basse, notamment pour approvisionner sa station spatiale Tiangong.
Une nouvelle course lunaire… avec plusieurs lignes de départ
La Chine n’est pas seule à viser la Lune. Les États-Unis, l’Inde, le Japon, l’Europe et même les Émirats arabes unis ont tous remis leur compas sur notre satellite. Le programme le plus avancé à ce jour reste le programme Artemis, piloté par la NASA. Son objectif est clair : faire atterrir des astronautes américains près du pôle Sud lunaire avant fin 2026, avec l’aide de la capsule Orion, du lanceur géant SLS et d’un module lunaire développé par SpaceX.
En parallèle, l’Inde a posé une sonde au pôle Sud en 2023 avec Chandrayaan-3, un exploit symbolique qui a repositionné New Delhi dans le paysage spatial mondial. Le Japon, avec son agence JAXA, collabore avec la NASA sur la future station orbitale lunaire Gateway, et planche sur un robot sauteur pour explorer les cratères. L’Europe, elle, fournit des modules de service pour Orion et discute de futures missions habitées via l’ESA.
En résumé : sur le papier, Artemis est en tête. La NASA a déjà lancé la mission Artemis I avec succès en 2022, sans équipage, et prépare Artemis II pour 2025. La Chine est juste derrière, avec une cadence industrielle impressionnante, des technologies qui montent vite en puissance, et un objectif d’atterrissage en 2030. Si tout se passe bien, ce sera la première vraie confrontation technologique habitée sur la Lune depuis la guerre froide. Et cette fois, elle se joue entre Pékin et Washington.
Caractéristiques de la Longue Marche 10 (version lunaire)
Élément | Donnée |
Hauteur | 92 mètres |
Nombre total de moteurs | 21 (YF-100K) |
Poussée au décollage | Environ 2 700 tonnes |
Charge utile vers orbite lunaire | 27 tonnes |
Premier alunissage habité prévu | Avant 2030 |
Objectif long terme | Base lunaire ILRS (pôle Sud) d’ici 2035 |
Version réutilisable en développement | Longue Marche 10A (67 mètres) |
Il y a à peine quinze ans, la Chine envoyait son premier module Tiangong en orbite. Aujourd’hui, elle fait trembler la Terre en rêvant de coloniser la Lune. Elle ne rêve pas à moitié : son calendrier est serré, sa technologie avance vite, et ses fusées commencent à grogner sérieusement.
Alors, est-ce que les prochains pas sur la Lune seront chinois ? Ce qui est sûr, c’est que la course est relancée et qu’elle s’annonce féroce !
Source : South China Morning Post
Image : Les 3 YF-100K allumés et testés ensemble en 2024.