De mystérieuses structures à 3000 mètres de profondeur sous le Pacifique pourraient émettre pour plus de 5 milliards d’euros annuels d’hydrogène

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Un souffle d’hydrogène géant sous le Pacifique : bienvenue à Kunlun, la centrale invisible de la planète

Sous plus de 3 000 mètres d’eau, loin de toute côte, quelque part à l’ouest de la fosse de Mussau, les scientifiques chinois viennent de tomber sur une anomalie géologique aussi immense que discrète. Un endroit où le sol marin respire de l’hydrogène en continu. Et pas qu’un peu puisque qu’il libèrerait des quantités cent fois plus importantes que dans les sites connus jusqu’ici !

Les scientifiques chinois l’ont appelé Kunlun, comme la chaine de hautes montagnes qui longe les provinces du Xinjiang et du Tibet et qui a une place très importante dans la mythologie chinoise.

Sauf que ce Kunlun ci  est invisible, tapi dans les profondeurs du Pacifique. Une usine d’hydrogène naturelle, aussi grand qu’une ville, oubliée dans les abysses depuis des millions d’années.

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Ce que les géologues chinois ont vu et que personne n’attendait

Quand l’équipage du submersible Fendouzhe s’est glissé dans les cratères du champ hydrothermal Kunlun, ils ne s’attendaient pas à ce que le paysage soit aussi chaotique, aussi sculpté. Une vingtaine de dépressions, dont certaines dépassent le kilomètre de diamètre, s’alignent là, comme si la Terre avait soufflé sous la peau de l’océan.

À mesure qu’ils descendaient le long des parois abruptes, jusqu’à 130 mètres de profondeur pour certaines, ils ont découvert des failles béantes, des strates minérales figées dans l’ébullition, et au fond, des fluides chauds qui s’échappent lentement, riches en gaz: de l’hydrogène pur en quantité phénoménale.

Des scientifiques chinois découvrent d’étranges formes de vie à 9 450 mètres de profondeur

Une fuite d’hydrogène qui bouscule toutes les cartes

Grâce à des spectromètres embarqués capables d’analyser les fluides sur place, l’équipe a mesuré des concentrations d’hydrogène entre 5,9 et 6,8 millimoles par kilo de fluide hydrothermal.

Pour expliquer le choc des scientifiques, on va faire un peu de mathématiques.

En croisant ces données avec la vitesse de l’écoulement et la surface du site, les chercheurs ont conclu que le site devait relâcher près de 500 milliards de moles d’hydrogène rejetées chaque année, soit environ environ 1,008 million de tonnes… C’est environ 5 % de tout l’hydrogène produit par tous les systèmes sous-marins du globe !

Si on reste dans une logique “bêtement” mercantiliste, au prix actuel de l’hydrogène vert cela reviendrait à une manne de 5,04 milliards d’euros par an.

Et si la vie avait commencé là ?

Ce gaz, pour nous, c’est de l’énergie mais pour la nature, c’est bien plus que ça. C’est le moteur chimique de la vie primitive. Au fond des cratères de Kunlun, les chercheurs ont observé une faune étrange, discrète, organisée autour de ces fuites. Des crevettes translucides, des anémones accrochées aux roches brûlantes, des vers qui n’ont jamais vu la lumière du jour.

Ici, pas de photosynthèse. La vie se nourrit de chimie. Elle transforme l’hydrogène, l’oxyde, le respire. Elle reproduit, en quelque sorte, les premières respirations de notre planète.

C’est peut-être là que réside la vraie richesse de Kunlun : non pas dans le gaz qu’il expulse, mais dans l’histoire qu’il raconte. Une histoire vieille de quatre milliards d’années. Celle de la Terre avant l’oxygène. Celle d’une planète encore jeune, mais déjà vivante.

Ce champ remet tout en question, en silence

Jusqu’à présent, on pensait que les grands champs d’hydrogène naissaient uniquement près des dorsales océaniques, là où la croûte terrestre s’ouvre. Kunlun montre que ce n’est plus vrai. Ce système est isolé, loin des dorsales, sur une plaque tectonique complexe.

Il prouve que la serpentinisation (réaction entre l’eau et certaines roches riches en fer) peut produire d’énormes quantités d’hydrogène loin des grandes zones de friction.

La planète a donc plus de “poumons” que prévu. Elle expire son hydrogène un peu partout. Il suffit juste d’avoir les bons instruments pour l’écouter.

Cette méga-foudre a attendu 8 ans avant que les scientifiques ne se rendent compte qu’elle avait battu le record du monde de longueur pour un éclair avec 828 km

Ce que Kunlun pourrait changer pour demain

À l’heure où l’hydrogène est présenté comme le carburant de l’avenir, cette découverte fait l’effet d’un coup de projecteur sur un réservoir naturel oublié. Kunlun pourrait devenir un modèle pour comprendre, et peut-être un jour exploiter, ces sources d’hydrogène “brut”, issues de la chimie de la Terre.

Attention toutefois, cette découverte n’est pas une invitation à forer les océans. C’est un rappel que certaines ressources sont là, depuis toujours, disponibles, sans extraction destructrice, ni pollution. À condition de les respecter.

Au-delà des questions d’énergie, Kunlun est surtout un miroir tendu à l’origine. Un bout de la Terre d’avant, qui respire encore, lentement, profondément, au fond du monde.

Source :

Lianfu Li et al. ,A large intraplate hydrogen-rich hydrothermal system driven by serpentinization in the western Pacific: Kunlun.Sci. Adv.11,eadx3202(2025).DOI:10.1126/sciadv.adx3202

Image : Le Fendouzhe pendant son exploration de la fosse des Mariannes en 2020.

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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