Une start-up canadienne revient dans la course à la fusion nucléaire avec 22 millions d’euros.
General Fusion, start-up canadienne engagée dans la quête de l’énergie par fusion nucléaire, vient d’obtenir 22 millions de dollars américains (soit environ 20 millions d’euros) pour poursuivre ses travaux. Un sursaut bienvenu pour une entreprise qui, quelques mois plus tôt, était à deux doigts de la faillite.
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Un prototype au cœur du redressement du canadien General Fusion
Au centre de la stratégie de General Fusion : la Lawson Machine 26, ou LM26 qui pourrait devenir l’un des premiers réacteurs à fusion opérationnels au monde.
Ce démonstrateur de taille réduite est conçu pour atteindre l’équilibre scientifique, c’est-à-dire produire autant d’énergie que celle injectée pour démarrer la réaction.
Le LM26 fonctionne avec du deutérium, un isotope lourd de l’hydrogène, et s’appuie sur une technique bien particulière : la fusion par cible magnétisée, ou Magnetized Target Fusion (MTF). L’idée : confiner le plasma avec un champ magnétique, puis le compresser violemment grâce à une coque de lithium liquide, activée par des pistons à vapeur.
L’objectif final est d’obtenir, à l’intérieur du réacteur, des températures de plusieurs dizaines de millions de degrés et des pressions équivalentes à celles du cœur du Soleil. À ce stade, les noyaux d’hydrogène fusionnent pour donner de l’hélium et libèrent une quantité d’énergie colossale.
Une survie obtenue de justesse
Il y a quelques mois encore, l’entreprise était au bord du gouffre. En mai 2025, son PDG Greg Twinney avait publié une lettre ouverte désespérée, appelant à l’aide. Faute de fonds, General Fusion avait dû licencier une partie de ses employés et suspendre certains projets.
Ce nouvel investissement, porté notamment par Segra Capital et PenderFund, lui donne une bouffée d’air. « Grâce à notre réseau d’investisseurs fidèles et à un nouveau souffle dans notre gouvernance, nous sommes prêts à relancer la machine », affirme aujourd’hui Twinney dans un communiqué.
Deux nouveaux membres ont d’ailleurs été nommés au conseil d’administration, avec pour mission de redynamiser la stratégie et rassurer les partenaires. Car la bataille ne fait que commencer.
Objectif : atteindre 1 keV, puis 10 keV
Avant de rêver au Saint Graal de la fusion, le seuil du “breakeven”, General Fusion s’est fixé deux jalons intermédiaires : 1 keV puis 10 keV. Ces valeurs correspondent à l’énergie moyenne des particules dans le plasma, mesurée en kiloelectronvolts.
En atteignant ces étapes, l’équipe veut valider la stabilité du plasma, la tenue du confinement magnétique, et l’efficacité de la compression. Ce sont des données clés, qui permettront de concevoir le futur démonstrateur quasi-commercial prévu au Royaume-Uni.
L’ensemble des résultats issus de LM26, actuellement en construction à Richmond, alimentera la modélisation de cette prochaine machine. L’ambition affichée est claire : relier le plus rapidement possible l’expérimentation à la mise en réseau d’une centrale à fusion commerciale dans les années 2030.
Une technologie différente de l’ITER
Contrairement au projet européen ITER, basé sur le tokamak (un anneau magnétique confiné), General Fusion développe un système pulsé et compressif, bien plus compact. Le plasma ne circule pas en boucle continue, mais est confiné brièvement puis écrasé pour initier la réaction.
Ce choix permet, en théorie, de réduire la taille et le coût des installations, et de s’affranchir de certains défis techniques liés à la stabilité du plasma dans les tokamaks.
Le cœur du système, la coque de lithium liquide, agit à la fois comme paroi, absorbeur de chaleur et modérateur de neutrons. Une idée ingénieuse, mais encore non démontrée à pleine échelle.
Un projet fragile dans un écosystème concurrentiel
La quête de la fusion nucléaire attire de nombreux acteurs, et pas seulement des États. On recense aujourd’hui plus de 30 start-up dans le monde, avec des approches aussi variées que :
- Commonwealth Fusion Systems (spin-off du MIT, tokamak à supraconducteurs)
- TAE Technologies (champ électrique et faisceaux de particules)
- First Light Fusion (impact inertiel par projectiles)
- Helion Energy (champ magnétique oscillant)
- Tokamak Energy (aimants à haute température)
General Fusion mise sur une voie hybride, entre le magnétisme du tokamak et l’inertie de la fusion par laser. Ce positionnement original attire certains investisseurs, mais il demande encore des preuves concrètes, notamment sur la répétabilité des cycles de fusion, la résistance des matériaux, et la gestion thermique à haute fréquence.
Des millions pour quelques microsecondes
Chaque tentative de fusion dans LM26 ne durera que quelques microsecondes, l’équivalent d’un battement de cils. Dans ce laps de temps, le plasma devra atteindre plusieurs millions de degrés, rester stable, et déclencher une réaction de fusion.
Le pari est audacieux, mais la mécanique est bien connue : la nature nous le montre tous les jours dans le Soleil. Encore faut-il répliquer ce processus en miniature, à l’échelle d’une installation contrôlée, sans explosion ni fuite.
Si General Fusion parvient à atteindre ce stade, elle rejoindra un cercle encore très fermé. À ce jour, seuls quelques laboratoires (comme le NIF en Californie) ont démontré un gain net d’énergie, et toujours pour une durée extrêmement brève.
Les données clés à retenir
Élément | Détail |
Montant du financement | 22 millions de dollars (≈ 20 millions €) |
Technologie utilisée | Fusion par cible magnétisée (MTF) |
Réacteur actuel | LM26 (prototype à demi-échelle) |
Objectifs intermédiaires | 1 keV puis 10 keV |
Lieu de construction | Richmond, Colombie-Britannique |
Carburant | Deutérium (hydrogène lourd) |
Compression | Coque de lithium liquide + pistons |
Objectif à long terme | Centrale commerciale dans les années 2030 |
Source : General Fusion