La Chine atteint un niveau de pureté exceptionnel de 99,99997 % pour de l’hélium.
La dernière découverte chinoise ne vous parlera probablement pas et pourtant elle pourrait changer le quotidien des hôpitaux, des usines de semi-conducteurs et même des agences spatiales. En effet pour la première fois dans son histoire, la Chine a réussi à extraire de l’hélium à une pureté exceptionnelle de 99,99997 %.
On vous explique ici pourquoi cet exploit va encore une fois propulser la Chine sur un marché très prometteur et stratégique de l’énergie : celui de l’hélium ultra-pur.
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Pourquoi l’hélium ultra-pur à 99,99997% produit par la Chine est un exploit ?
On ne le voit pas, on ne le sent pas, on ne le respire pas. Pourtant, sans hélium, pas de IRM, pas d’accélérateurs de particules, pas de moteurs de fusée pressurisés, ni de fabrication de puces électroniques. Ce gaz noble est inerte, très léger, et surtout extrêmement froid : il bout à –269 °C. C’est l’un des rares éléments capables de maintenir des aimants supraconducteurs à des températures proches du zéro absolu.
En médecine, en recherche fondamentale ou en électronique de pointe, sa pureté est un critère vital et atteindre une pureté dite “6N9” (pour “99,99997 %”) est comme viser la Lune avec un cerf-volant : le moindre courant d’air peut tout faire échouer !
Vacree Technologies : six ans de R&D pour une pureté record en Chine
Basée à Yan’an, Vacree Technologies travaille depuis 2019 sur une solution pour s’affranchir des limitations des méthodes classiques. Elle vient de réussir là où la majorité du monde industriel échouait encore : produire de l’hélium ultra-pur à partir de gaz naturel très pauvre en hélium (moins de 0,05 %).
La méthode est un cocktail d’ingéniosité thermodynamique :
- Déshydrogénation catalytique pour éliminer l’hydrogène,
- Séparation par membranes et adsorption modulée en pression pour retirer l’azote et le méthane,
- Et enfin raffinage à ultra-basse température pour purger les dernières traces de néon.
Résultat : une pureté de 6N9 validée par des laboratoires indépendants. 400 000 mètres cubes d’hélium ultra-pur pourront être produits chaque année.
Une autonomie stratégique pour Pékin
L’hélium est un cas à part dans les ressources énergétiques. Contrairement au pétrole ou au gaz, il ne se renouvelle pas. Une fois relâché dans l’atmosphère, il monte et s’échappe… dans l’espace. Perdu à jamais. Chaque fuite est donc un gaspillage irréversible.
Maîtriser sa collecte, sa purification et son stockage est devenu un enjeu de souveraineté énergétique et scientifique. La technologie dévoilée par Vacree pourrait donc réduire la dépendance chinoise, mais aussi alimenter ses grands programmes : Tokamaks, satellites, intelligence artificielle quantique…
Depuis plusieurs années, le marché mondial de l’hélium subit des tensions croissantes. Les États-Unis, le Qatar et l’Algérie détiennent la majorité des réserves, et les prix flambent à chaque crise logistique.
Or, la Chine dépendait jusqu’ici des importations pour l’hélium de très haute pureté, notamment pour son industrie des semi-conducteurs, sa recherche nucléaire et ses ambitions spatiales.
Avec ce système, Pékin reprend le contrôle d’un gaz essentiel, d’autant plus que ses gisements de gaz naturel sont peu concentrés en hélium (0,03 à 0,05 %, contre 1 à 7 % dans les grands champs mondiaux).
Un marché mondial en ébullition
Le marché mondial de l’hélium est estimé à environ 6 milliards d’euros en 2025, avec une croissance prévue de 6 à 8 % par an selon plusieurs analystes, notamment IDTechEx et MarketsandMarkets. D’ici 2035, il pourrait ainsi atteindre entre 10 et 12 milliards d’euros, porté par :
- la multiplication des IRM dans les pays émergents,
- l’essor de l’industrie spatiale privée (SpaceX, CNSA, ArianeGroup…),
- la montée en puissance des puces électroniques avancées (5 nm et moins),
- et les besoins croissants en cryogénie supraconductrice (Tokamaks, calcul quantique, etc.).
À noter que l’hélium ultra-pur (6N et plus) représente une niche haut de gamme mais stratégique, représentant moins de 10 % des volumes mais plus de 25 % de la valeur, en raison des coûts de purification extrêmes.
Avec sa technologie 6N9, la Chine pourrait ainsi capter une part très lucrative de ce segment, aujourd’hui dominé par les États-Unis (Air Products), l’Allemagne (Linde) et le Qatar.
Une pépite technique à suivre de près
Derrière ce dispositif, un homme : Rong Chengxu, ingénieur en chef du projet. Pendant six ans, lui et son équipe ont assemblé les briques d’un puzzle thermochimique de haute précision, repoussant à chaque étape les limites des dispositifs d’adsorption, de membranes et de cryogénie.
L’innovation ne tient pas à un composant miracle, mais à l’agencement intelligent d’une chaîne de procédés optimisée à la molécule près. Une approche systémique qui pourrait inspirer d’autres pays en quête d’indépendance sur les gaz industriels critiques.
Pays ayant atteint le grade 6N ou supérieur d’hélium ultra-pur
Pays | Entreprises impliquées | Niveau de pureté atteint | Utilisations principales |
🇺🇸 États-Unis | Air Products, Praxair (Linde) | 6N à 6N9 | Spatial (NASA), IRM, cryogénie haute énergie |
🇩🇪 Allemagne | Linde Group | 6N | Industrie des semi-conducteurs, laboratoires européens |
🇷🇺 Russie | Gazprom, Rosatom (petite échelle) | 6N (rarement 6N9) | Réacteurs rapides, physique fondamentale |
🇨🇳 Chine | Vacree Technologies (2025) | 6N9 | Souveraineté technologique, spatial, fusion nucléaire |
En pratique, atteindre du 6N9 signifie qu’il ne reste qu’un atome impur pour 3,3 millions. Très peu d’installations dans le monde sont capables d’un tel raffinement, notamment à partir de gaz contenant aussi peu d’hélium (0,03 à 0,05 % en Chine).
La nouveauté ici, c’est que la Chine a réussi cette performance avec un gisement pauvre, ce que les autres pays n’ont pas eu à faire, car ils exploitent des champs naturellement riches (1 à 7 %). C’est donc un exploit à la fois technologique et géologique.
Cela place désormais la Chine dans le club ultra-fermé des nations capables de produire de l’hélium ultra-pur de manière continue et indépendante.
Source : https://en.vacree.com
Image : Caissons de distribution cryogéniques de VACRE