Ce mini-réacteur nucléaire américain vendu au Royaume-Uni pourrait bouleverser le paysage énergétique.
Et si le futur du nucléaire tenait dans un container ? C’est peut-être bien ce que suggère l’annonce tombée ce 19 septembre 2025. L’entreprise américaine NANO Nuclear Energy vient de vendre son micro-réacteur baptisé ODIN à la start-up Cambridge AtomWorks, issue de la prestigieuse université britannique. Montant du deal : 6,2 millions de dollars (environ 5,8 millions d’euros).
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Le micro-réacteur ODIN : petit gabarit, grandes ambitions
ODIN, c’est un réacteur de nouvelle génération fonctionnant avec un uranium enrichi à hauteur de 20 %. Ce type de combustible, baptisé HALEU (High-Assay Low-Enriched Uranium, en français « Uranium faiblement enrichi à haut titre »), est plus dense en énergie que l’uranium utilisé dans les centrales classiques (qui tourne souvent autour de 3 à 5 %), ce qui lui garantit une meilleure autonomie et des réacteurs plus compacts.
ODIN utilise un système de convection naturelle, c’est-à-dire que la chaleur se déplace toute seule dans le réacteur grâce aux différences de densité des fluides. Pas besoin de pompes complexes. Même en cas d’arrêt brutal, la chaleur résiduelle continue de se dissiper sans intervention humaine, ce qui améliore la sûreté passive de l’ensemble. Pour limiter l’usure, la pression du liquide de refroidissement est volontairement faible, ce qui évite de trop solliciter les composants.
Un réacteur qui tient dans un camion
Techniquement, ODIN est un micro-réacteur modulaire transportable, conçu pour produire de 1 à 10 MW d’électricité (de quoi alimenter une ville française de 18 500 habitants comme Lourde). Il peut tenir dans un conteneur maritime standard et être déployé rapidement dans des zones isolées ou dans des contextes militaires, industriels ou d’urgence. C’est donc une technologie de niche, mais avec un potentiel croissant dans le contexte de la transition énergétique.
Cambridge AtomWorks, qui rachetait jusqu’ici de l’expertise pour aider à concevoir ce réacteur, récupère désormais l’intégralité des brevets, plans et droits d’exploitation. L’entreprise britannique prévoit de l’adapter au marché européen, avec une perspective claire : devenir l’un des pionniers du nucléaire décentralisé.
Pourquoi ce rachat maintenant ?
Pour NANO Nuclear, il s’agit d’un choix stratégique. L’entreprise se recentre sur ses autres micro-réacteurs, notamment KRONOS, LOKI et ZEUS, tous refroidis par gaz. Ces modèles partagent des technologies communes, ce qui permet de mutualiser les efforts de R&D. ODIN, avec son architecture à liquide à basse pression, était un peu l’outsider du lot. Le céder à un partenaire qui connaît bien la technologie permet d’accélérer le calendrier des deux entreprises.
Au passage, cette décision s’inscrit dans un paysage nucléaire mondial en pleine effervescence : les États-Unis, la Chine, la Russie, mais aussi les Émirats et la Corée du Sud investissent massivement dans les SMRs (Small Modular Reactors) et MMRs (Micro Modular Reactors). L’Europe, elle, avance à petits pas… sauf au Royaume-Uni, qui semble vouloir jouer sa carte à fond.
Un laboratoire roulant pour le nucléaire du futur
La vente d’ODIN ne se limite pas à un contrat commercial. C’est une prise de position politique et scientifique. Ce type de micro-réacteur servira aussi de plateforme d’expérimentation pour tester de nouveaux matériaux, comme les sels fondus, issus des centrales solaires thermiques, aujourd’hui en test conjoint avec le MIT. L’idée ? Voir s’ils résistent aux conditions extrêmes d’un réacteur nucléaire, et pourraient devenir des fluides caloporteurs ou des batteries thermiques dans les futures centrales.
NANO Nuclear explore aussi un concept baptisé ALIP (Annular Linear Induction Pump), une pompe sans pièce mobile, idéale pour des systèmes miniaturisés. Bref, on est ici à la croisée de la science-fiction et de la science appliquée. Et tout ça tient dans un cube métallique de quelques mètres.
Et la France, dans tout ça ?
Côté français, la filière observe avec attention, mais avance plus prudemment. Le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) et EDF travaillent sur des projets de petits réacteurs, dont le NUWARD, un SMR de 340 MW, bien plus gros que ODIN mais toujours plus compact qu’un EPR. La différence, c’est que le NUWARD est conçu pour être intégré au réseau, tandis que des micro-réacteurs comme ODIN visent l’autonomie énergétique locale.
La France maîtrise déjà les technologies du cycle fermé, le retraitement (via Orano) et le recyclage du combustible, et conserve une avance industrielle et réglementaire certaine. Mais elle n’a pas encore lancé de prototype de micro-réacteur mobile, contrairement aux États-Unis ou à la Russie. Si Cambridge AtomWorks parvient à faire certifier ODIN au Royaume-Uni, cela pourrait donner des idées aux ingénieurs français… ou créer une nouvelle dépendance technologique intra-européenne.
Source : https://nanonuclearenergy.com/nano-nuclear-signs-loi-with-cambridge-atom-works-to-sell-odin-reactor-technology/