La France ne veut pas rater le coche et se donne les moyens d’accompagner la plus grande démocratie du monde dans son irrésistible ascension nucléaire

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Framatome plante ses jalons en Inde : entre ambition nucléaire et ancrage humain.

Le 17 septembre 2025, sous le ciel chaud de Navi Mumbai, Framatome coupe un ruban symbolique. Ce n’est pas juste une ouverture de nouveaux bureaux mais bien un serment silencieux envers l’Inde : rester là, durablement, où le besoin d’électricité propre devient vital. En présence de diplomates français, d’ingénieurs et d’acteurs du nucléaire indien, l’entreprise affirme : elle ne vient pas uniquement pour fournir de l’électricité, mais pour construire, collaborer, partager dans la plus grande démocratie du monde.

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Framatome veut s’installer durablement en Inde avec l’ouverture de nouveaux bureaux à Navi Mumbai

L’Inde exploite actuellement 25 réacteurs pour une capacité d’environ 9 GW. Cela représente environ  3 % de son mix électrique. Peu pour un pays où les lampadaires manquent, où les soirées sans électricité pèsent encore sur des millions de foyers.

D’ici quelques années, 13 GW nouveaux sont déjà en construction. Au bout du chemin : 100 GW en 2047. Chaque mégawatt compte, chaque ingénieur formé compte. Framatome ne se contente pas d’arriver avec ses composants, mais d’apporter une présence locale, là où l’on apprend, assemble, développe.

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Un lieu, des visages, un savoir‑faire

À Navi Mumbai, les nouveaux locaux de Framatome contiennent plus que des chaises et des ordinateurs. C’est un nouveau lieu foisonnant de vie et d’idées !
Il y a des réunions en tamoul ou en hindi, des ingénieurs qui viennent de Mumbai, Pune, Vadodara. Il y a ceux de Jeumont Electric et Corys (filiales de Framatome en Inde), déjà connus des milieux techniques indiens, qui tissent les liens avec les jeunes diplômés, ceux qui veulent construire leur avenir atomique ici au lieu de partir à l’étranger.

Grégoire Ponchon, le CEO, insiste : « L’Inde offre un vivier d’ingénieurs et, pour soutenir notre expansion, nous prévoyons d’embaucher plus de professionnels qualifiés, renforçant ainsi notre équipe et nos capacités en Inde complétant ainsi notre stratégie globale. ». Derrière cette phrase, il y a des attentes, des espoirs. Des familles qui imaginent une stabilité, des carrières qui se dessinent. Framatome pense en centaines de recrutements qualifiés, en équipes locales renforcées.

Une croissance démographique et économique qui électrise la demande

Derrière les ambitions nucléaires de l’Inde, il y a une réalité brute : celle d’un pays qui franchit un à un les paliers de la puissance. En 2023, l’Inde est devenue la nation la plus peuplée du monde, dépassant la Chine avec plus de 1,43 milliard d’habitants. Et cette population est jeune, urbaine, de plus en plus connectée. D’ici 2040, plus de 300 millions d’Indiens supplémentaires devraient rejoindre la classe moyenne, avec des besoins accrus en logement, mobilité, numérique… et donc en électricité. Parallèlement, l’économie continue de croître à un rythme soutenu : autour de 6 à 7 % par an, portée par l’industrie, les services et un agenda de développement massif des infrastructures. Résultat ? La demande électrique pourrait tripler d’ici 2050, selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie !

Pour soutenir cette montée en charge, New Delhi n’a d’autre choix que de diversifier son bouquet énergétique en misant à la fois sur le solaire, l’hydroélectricité, et le nucléaire civil.

SMR, prolongations, mise à niveau : un double défi

Le nucléaire indien ne regarde pas uniquement vers le futur. Il regarde aussi derrière soi. Les centrales existantes exigent entretien, modernisations, fiabilité. C’est la partie dite LTO (Long‑Term Operation, opération long terme en français). Framatome s’y est engagé.

Parallèlement, le pays explore la piste des petits réacteurs modulaires (Small Modular Reactor ou SMR) : plus rapides à construire, à coûts moindres, mieux adaptés à des zones isolées, aux besoins régionaux. Ces SMR pourraient devenir les compagnons essentiels de la croissance électrique de l’Inde. Framatome veut être à la fois le médecin des vieux réacteurs et l’architecte des nouveaux.

L’atome, levier de souveraineté dans l’Indo-Pacifique

Derrière le développement du parc nucléaire indien, il n’y a pas que des ingénieurs et des réacteurs. Il y a aussi un jeu d’équilibre géopolitique, à la croisée des tensions sino-américaines et des ambitions régionales. L’Inde, puissance émergente énergétiquement vorace, voit dans l’atome civil un double levier : réduire sa dépendance au charbon sans se retrouver piégée dans une dépendance technologique vis-à-vis d’une seule puissance. L’équation est complexe. Avec la Russie, elle entretient une coopération nucléaire ancienne (Kudankulam), mais Moscou est aujourd’hui fragilisée. Avec la France, les discussions autour de six réacteurs EPR à Jaitapur progressent lentement, mais offrent une diversification stratégique bienvenue. Et avec les États-Unis, la coopération reste bloquée par les conditions du Nuclear Liability Act, même si le contexte géostratégique pousse à un rapprochement. Pour New Delhi, le nucléaire civil est aussi un outil d’affirmation : avoir la maîtrise de son cycle du combustible, déployer ses propres réacteurs PHWR, exporter son savoir-faire vers le Bangladesh ou le Ghana… autant de signaux d’une ambition de puissance. Dans une Asie du Sud en pleine recomposition énergétique, l’atome devient un marqueur de souveraineté et d’indépendance.

Framatome, en s’implantant à Navi Mumbai, ne se contente pas d’ouvrir un bureau : il entre dans un jeu d’influence à haute tension.

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Chiffres clés du nucléaire civil indien en 2025

Indicateur Valeur
Réacteurs en exploitation 22
Capacité nucléaire installée 6 780 MW
Part du nucléaire dans l’électricité produite 3,1 %
Réacteurs en construction 8
Capacité en construction 6 600 MW
Objectif nucléaire à horizon 2047 100 GW
Objectif nucléaire à horizon 2031 22 GW
Part du nucléaire prévue dans le mix électrique à long terme 9 %
Part des réacteurs auto-conçus (PHWRs) 65 %
Part des réacteurs importés (russe, français, etc.) 35 %

Sources :

  • Communiqué de presse de Framatome
  • Nuclear Power in India (mise à jour le 17/09/25), World Nuclear Organisation

Image : Navi Mumbai ou Nouvelle Bombay, symbole de la croissance économique indienne accueille les nouveaux locaux de Framatome en Inde.

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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