Un catalyseur bon marché pour voitures et navires zéro émission.
Du fer, un peu de cuivre, de l’eau, et de la lumière du soleil : voici la recette “miracle” de ce véritable catalyseur du pauvre capable de libérer de l’hydrogène à température ambiante, sans platine ni conditions extrêmes. L’Institut national japonais des matériaux (NIMS) vient de transformer un minéral ordinaire, la “rouille verte”, en un acteur clé pour l’avenir de la mobilité hydrogène.
La prouesse technique est réelle et ouvre des perspectives intéressantes puis qu’elle pourrait bien lever un verrou : celui du stockage et de la libération propre de l’hydrogène dans des véhicules embarqués, qu’ils roulent sur terre ou naviguent en mer.
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La “rouille verte” : du sodium borohydrure pour stocker de l’hydrogène
Le stockage de l’hydrogène a toujours été un casse-tête. Trop volumineux sous forme gazeuse, instable sous forme liquide, trop contraignant à haute pression… Heureusement plusieurs voies sont explorées, et l’une des plus prometteuses repose sur un composé : le sodium borohydrure (NaBH₄).
Ce solide libère de l’hydrogène au contact de l’eau, via une simple hydrolyse. L’avantage est net : la réaction fonctionne à température ambiante, sans conditions cryogéniques ni haute pression. Le hic ? Il faut un catalyseur, et jusqu’ici, les plus efficaces étaient faits de métaux précieux comme le platine, bien trop chers pour une généralisation.
Une boue ferreuse aux propriétés inattendues
La solution japonaise est surprenante puisqu’elle s’appuie essentiellement sur un matériau abondant, peu coûteux et souvent négligé : la rouille verte, ou plus précisément un hydroxyde mixte de fer ferreux et ferrique, formant des feuillets chargés positivement avec des anions entre les couches.
Ce minéral est instable à l’air libre, donc longtemps mis de côté par la recherche catalytique. L’équipe du NIMS (National Institute for Materials Science) l’a modifié en y greffant des nanoparticules d’oxyde de cuivre, créées en traitant la rouille verte avec du chlorure de cuivre.
Résultat : les bords des particules deviennent des sites actifs très réactifs, capables de déclencher la libération d’hydrogène de manière efficace. C’est comme si une vieille éponge rouillée devenait capable de capter la lumière et de générer du carburant propre.
Un catalyseur qui capte aussi la lumière
La magie ne s’arrête pas là. Ce catalyseur n’est pas seulement chimique : il est aussi photoactif. La structure feuilletée de la rouille verte absorbe le spectre visible du soleil, et transfère l’énergie lumineuse aux nanoparticules de cuivre, ce qui accélère encore la réaction d’hydrolyse.
Autrement dit, on peut produire de l’hydrogène à la lumière naturelle, dans une réaction douce, propre et sans chauffe externe.
Des performances à hauteur des métaux nobles
Les essais réalisés par l’équipe sont convaincants. Le taux de conversion (turnover frequency dans la langue de Shakespeare) du nouveau catalyseur est comparable, voire supérieur à celui des catalyseurs au platine.
Pour finir de vous convaincre, 3 arguments :
- Le catalyseur résiste à une utilisation répétée sans perte notable d’efficacité
- Il fonctionne à température ambiante, sans conditions spécifiques
- Il est simple à produire à partir de matériaux largement disponibles
À moyen terme, il pourrait être intégré dans des piles à combustible embarquées, que ce soit à bord de voitures, de camions, ou même de navires. Des projets pilotes dans le domaine maritime sont d’ailleurs déjà en préparation.
Une brique de plus dans l’écosystème hydrogène
Cette avancée s’inscrit dans un effort global : rendre l’hydrogène vraiment compétitif face aux carburants fossiles, non seulement en matière d’émissions, mais aussi de coût, sécurité et compacité.
Le sodium borohydrure, en tant que vecteur de stockage dense et stable, gagne en intérêt à mesure que des solutions bon marché apparaissent pour sa production. Avec ce catalyseur à base de rouille verte, on supprime l’obstacle du platine, ce qui rend la filière plus accessible.
Quel potentiel économique ?
Le potentiel économique de cette découverte est loin d’être anecdotique. En rendant viable une production d’hydrogène embarqué à faible coût, sans recourir à des métaux nobles, ce catalyseur pourrait transformer le paysage des mobilités à hydrogène. Le secteur automobile est particulièrement concerné, car il reste freiné par le coût des piles à combustible et la complexité des systèmes de stockage. Selon BloombergNEF, le marché mondial des véhicules à hydrogène pourrait dépasser 45 milliards d’euros d’ici 2035, à condition que le coût de l’hydrogène soit divisé par deux. L’intégration d’un catalyseur bon marché et durable comme celui-ci permettrait de réduire considérablement le coût du “carburant” hydrogène à bord, tout en assurant une production immédiate sur demande, sans haute pression ni liquéfaction.
Si cette technologie est industrialisée, elle pourrait donner un coup d’accélérateur aux flottes de bus, camions et utilitaires à hydrogène, tout en ouvrant la voie à des voitures personnelles plus accessibles et plus autonomes.
Source :
A Catalyst for Sodium Borohydride Dehydrogenation Based on a Mixed-Valent Iron Hydroxide Platform (En français : « Un catalyseur pour la déshydrogénation du borohydrure de sodium basé sur une plateforme d’hydroxyde de fer à valence mixte »)
Ezz-Elregal, M. Ezz-Elregal, Koichi Shinohara, Hamza El-Hosainy, Takumi Miyakage,Takashi ToyaoKen-ichi Shimizu, Akio Iwanade, Makoto Oishi, Takuro Nagai, Naoki Fukata, Takumi Tsushima, Hiroto Yoshida, Mitsutake Oshikiri, Yusuke Ide.
ACS Catal. 2025, 15, 14, 12269–12280