Les avions britanniques reprennent le chemin de l’Antarctique.
Chaque automne, un ballet aérien un peu fou démarre à l’autre bout du monde. Les avions du British Antarctic Survey (BAS) décollent du Canada pour un voyage de plusieurs milliers de kilomètres à destination de la station Rothera, sur la péninsule Antarctique. Un trajet digne d’une expédition d’Indiana Jones, avec pas moins de 11 escales réparties entre les continents américain nord et sud.
Ces vols marquent le début de la nouvelle saison scientifique en Antarctique. C’est aussi le moment où la base, isolée depuis juin, voit débarquer de nouveaux visages. Un rituel polaire qui en dit long sur la logistique herculéenne de la recherche au bout du monde.
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Une migration aérienne pas comme les autres au Pôle Sud
Chaque vol est une opération millimétrée où la météo, les vents et la disponibilité du carburant comptent autant que la science. Les appareils du BAS, des Twin Otter et Dash 7 équipés pour atterrir sur neige ou glace, franchissent plus de 15 000 kilomètres avant d’atteindre Rothera.
Les pilotes s’arrêtent dans des points aussi variés que Denver, Lima ou Punta Arenas, avant de plonger vers le continent blanc. Ces « ferry flights » sont l’équivalent aérien d’une migration animale : une aventure annuelle, rythmée par la saisonnalité et les contraintes du climat.
L’aventure “Ticket to Antarctica”
Cette année, le BAS ne se contente pas d’acheminer son personnel et son matériel. Il invite le grand public à embarquer symboliquement dans l’expédition. Baptisée “Ticket to Antarctica”, l’opération propose à chacun d’envoyer son nom en Antarctique. Une façon ludique et poétique de faire découvrir la recherche polaire.
Le projet inclut un film documentaire montrant les préparatifs des vols, les paysages traversés et la vie à bord. Les curieux peuvent s’inscrire pour recevoir des mises à jour hebdomadaires, sous forme “d’airmails” électroniques, retraçant le périple des avions et des chercheurs.
Un bureau de poste au bout du monde
Rothera n’est pas qu’un centre de recherche scientifique : c’est aussi un lieu de vie. On y trouve un atelier, une cuisine, un petit gymnase… et même un bureau de poste, le plus isolé du monde. Dix participants tirés au sort recevront une carte postale authentique envoyée depuis cette adresse improbable, estampillée « Antarctique britannique ».
C’est une tradition chère aux hivernants : écrire au monde depuis la glace éternelle. Ces cartes traversent ensuite l’Atlantique par des voies détournées, parfois via les îles Malouines, avant d’arriver entre des mains émerveillées en Europe ou ailleurs.
L’école au contact du pôle
Le programme Ticket to Antarctica vise aussi les enseignants. Les écoles peuvent inscrire leurs classes et recevoir des contenus pédagogiques adaptés aux élèves du primaire et du collège. Des plans de cours en sciences, géographie ou environnement accompagnent l’aventure.
Le 27 novembre 2025, certaines classes auront même la possibilité de dialoguer en direct avec les chercheurs de la base Halley VI, dans le cadre de la journée “Protect Our Planet”. Pour les élèves, c’est une plongée concrète dans la réalité des sciences du climat, bien loin des manuels scolaires.
Une enseignante racontait : « Mes élèves m’attendaient le matin pour savoir si le message de l’Antarctique était arrivé. » Une attente fébrile, un peu comme celle d’un courrier du Père Noël, version scientifique.
La science au cœur de l’aventure humaine
Au-delà de la poésie des paysages, cette migration annuelle rappelle que l’Antarctique reste un laboratoire à ciel ouvert pour l’étude du climat. À Rothera, les chercheurs observent les glaces, les courants marins et les micro-organismes qui prospèrent dans des conditions extrêmes.
Ces données alimentent des modèles climatiques mondiaux et permettent de mieux comprendre les effets du réchauffement global. Chaque année, des centaines d’échantillons sont collectés, des instruments calibrés, des capteurs installés sur les glaciers. Rien n’est laissé au hasard dans ce territoire où un faux pas peut signifier la fin d’une mission.
L’aventure “Ticket to Antarctica” transforme cette prouesse scientifique en expérience partagée. En quelques clics, chacun peut sentir, ne serait-ce qu’un peu, ce que signifie vivre et travailler dans l’un des environnements les plus exigeants de la planète.
Quand la science se met à rêver
En 2024, le voyage précédent à bord du RRS Sir David Attenborough avait réuni plus de 70 000 participants. Des familles, des retraités, des enfants. Tous embarqués, virtuellement, dans l’un des derniers grands espaces sauvages du monde.
Ce n’est pas un gadget de communication : c’est une manière de reconnecter le public avec la recherche scientifique. Dans un monde saturé d’informations, ces expéditions racontées pas à pas redonnent du sens au mot exploration.
Et avouons-le, recevoir une carte postale de Rothera, frappée du sceau du froid et du vent, ça a quand même un charme qu’aucun e-mail ne pourra égaler.
Pour suivre l’aventure et tentez votre chance pour recevoir une carte postale d’Antarctique : https://tickettoantarctica.com