503 ans après Magellan, l’humanité va encore repousser les limites du possible avec ce qui va devenir le premier drone sous-marin à accomplir un tour du monde

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Le sous-marin qui veut faire le tour du monde tout seul.

Il ne fait que 2,57 mètres de long, pèse 171 kilos, et pourtant, il s’apprête à marquer un nouveau jalon dans la riche histoire des circumnavigations (navigation autour d’un lieu, ici la Terre) et ce, 503 ans après un certain Magellan qui réalisa (du moins son équipage) le premier tour du monde.

Redwing, un glider océanique développé par Teledyne Marine en partenariat avec l’Université Rutgers du New Jersey, va entreprendre le premier tour du monde sous-marin autonome de l’histoire.

Son départ est prévu ce 11 octobre 2025 depuis Martha’s Vineyard, au large du Massachusetts.

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Le Redwing sera-t-il le premier sous-marin autonome à réaliser un tour du monde ?

Le Redwing n’a pas d’hélice. Il ne “nage” pas au sens classique. Ce petit sous-marin avance en modifiant sa flottabilité. Un piston interne, rempli d’un gaz comprimé, le rend alternativement plus lourd ou plus léger que l’eau. Quand il s’alourdit, il descend en douceur jusqu’à 1 000 mètres de profondeur. Puis, quand il s’allège, il remonte lentement à la surface. Ce mouvement en “dent de scie” lui permet de progresser à 0,75 nœud, soit 1,3 km/h.

Pas de bruit, pas de carburant, et surtout pas de résistance inutile : Redwing glisse avec les courants, les utilisant comme un voilier sous-marin. En cas de besoin, de petites hélices d’appoint peuvent l’aider à corriger sa trajectoire, mais leur usage reste exceptionnel.

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Une endurance de marathonien

Les gliders existent depuis les années 1990, mais aucun n’a jamais tenté un voyage de cinq ans. Le secret de Redwing ? Des batteries surdimensionnées, bourrées dans sa coque profilée. Les ingénieurs estiment qu’il tiendra près de deux ans sans recharge, avant un arrêt programmé à mi-parcours pour remplacer les modules d’énergie.

Chaque jour, l’équipe de mission, composée de chercheurs de Teledyne Webb Research et d’étudiants de Rutgers, communiquera avec le glider via satellite. Redwing fera surface deux fois par jour, enverra ses données et recevra de nouveaux ordres de navigation. Une mission patiente et méthodique : 5 ans, 73 000 kilomètres, et des milliers de points de mesure océanographique collectés.

Un tour du monde à la Magellan

L’itinéraire de Redwing n’a rien d’improvisé. Comme son illustre prédécesseur, le navigateur portugais Ferdinand Magellan, le petit sous-marin suivra une boucle autour du globe : départ de la côte est américaine, passage par les Canaries, puis Le Cap, l’Australie occidentale, la Nouvelle-Zélande, les îles Falkland, peut-être le Brésil, avant un retour à Cape Cod.

Cette route n’a pas seulement une valeur symbolique. Elle traverse des zones peu explorées, où la température, la salinité et les courants marins restent encore mal connus. Les instruments embarqués mesureront ces paramètres en continu, produisant une masse de données précieuses pour les climatologues et les océanographes.

C’est l’exercice d’échantillonnage océanique le plus long jamais entrepris.

Les dangers invisibles

Un glider comme Redwing ne craint pas les tempêtes. Il passe la majorité du temps sous la surface, à l’abri des vagues. Le véritable danger vient d’ailleurs : les filets de pêche, les cargos, les requins et les algues.

Les chercheurs redoutent surtout le biofouling, ce phénomène où des algues, coquillages et micro-organismes se collent sur la coque, alourdissant le glider jusqu’à le rendre inopérant. D’autres menaces viennent des requins curieux, parfois attirés par les signaux acoustiques. “Certains gliders ont déjà été perdus à cause de morsures”, rappelle Alexander Phillips du National Oceanography Centre au Royaume-Uni.

Pour Redwing, chaque jour de survie sera une victoire.

Une mission scientifique… et symbolique

Ce petit sous-marin a une mission bien plus vaste que son gabarit ne le laisse penser. Il récoltera des millions de données sur la température, les courants et la densité de l’eau dans des régions que peu de navires explorent. Ces mesures, partagées en temps réel avec des universités et des écoles du monde entier, permettront de mieux comprendre le rôle des océans dans le réchauffement climatique.

Redwing incarne aussi un message : celui d’une science patiente, économique et discrète. Contrairement aux grands navires océanographiques, qui consomment des tonnes de carburant, un glider travaille seul, sans équipage, porté par les lois de la physique et la précision de ses instruments.

Une aventure humaine sous la mer

Dans les bureaux de Teledyne Marine, on suit déjà l’engin comme un membre d’équipage. Sur les écrans, un point clignotant sur une carte : c’est Redwing, quelque part entre deux continents. Les étudiants de Rutgers, eux, se relaient jour et nuit pour surveiller sa trajectoire.

S’il réussit, il deviendra le premier robot sous-marin à faire le tour du monde. Une prouesse silencieuse, lente, obstinée. Une circumnavigation à l’échelle humaine… mais sous la mer.

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La longue histoire des sous-marins autonomes

Ces dernières années, plusieurs engins autonomes ont repoussé les limites de l’exploration sous-marine, chacun à sa manière. Avant Redwing, il y eut des pionniers discrets, souvent méconnus du grand public. En 2009, le glider américain Scarlet Knight RU27, également développé par Rutgers University, traversa l’Atlantique en 221 jours, reliant New Jersey et Galice, une première mondiale à l’époque.

Deux ans plus tard, le Seaglider “Silbo”, issu d’une collaboration entre Teledyne Webb Research et l’Université des Açores, réalisa une traversée transatlantique de 6 000 kilomètres, démontrant la robustesse des systèmes de contrôle automatique sur longue distance.

Le Redwing pourra descendre jusqu'à 1000 mètres de profondeur.
Le Redwing pourra descendre jusqu’à 1000 mètres de profondeur.

En 2011, la mission PacX Wave Glider, menée par la start-up californienne Liquid Robotics, franchit un cap inédit : un parcours de 16 000 kilomètres entre San Francisco et l’Australie, utilisant uniquement l’énergie des vagues et du soleil. Ces engins ne sont ni rapides ni spectaculaires, mais leur endurance impressionne : ils peuvent naviguer des mois, voire des années, sans intervention humaine. Chacun d’eux a posé une pierre dans la grande aventure de la robotique océanique, préparant la voie au tour du monde du Redwing.

Quelques dates à retenir dans l’histoire des gliders :

Nom du véhicule Année Type Distance parcourue Durée Particularité
Scarlet Knight RU27 2009 Glider autonome 5 800 km 221 jours Première traversée autonome de l’Atlantique
Silbo 2011 Glider océanique 6 000 km 7 mois Traversée transatlantique entre Açores et Caraïbes
PacX Wave Glider 2012 Drone de surface hybride 16 000 km 15 mois Plus longue navigation autonome sur énergie solaire et vagues
Deepglider 2018 Glider de grande profondeur 3 000 km 6 mois Première mission dépassant 6 000 m de profondeur
Redwing 2025 Glider océanique longue durée 73 000 km (prévu) 5 ans (prévu) Premier tour du monde autonome sous-marin

 

Source : https://www.teledynemarine.com/gliderusersconference

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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