Ce géant français de l’énergie sort de sa zone de “confort” pour attaquer un marché extrêmement lucratif : les isotopes nucléaires à usage médical

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C’est une petite particule invisible à l’œil nu et pourtant, elle pourrait sauver des vies.

Depuis 2024, un projet fait son bonhomme de chemin entre les couloirs d’un réacteur nucléaire roumain, Nuclearelectrica et les laboratoires du Français Framatome. Son nom ? IRIS. Son but est de produire l’un des radioisotopes les plus rares et les plus recherchés au monde, le Lutétium-177, un minuscule projectile atomique capable de cibler des cellules cancéreuses avec une précision chirurgicale.

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Oubliez tout de suite vos images de champignons nucléaires : ici, on parle d’un isotope à usage médical. Le lutétium-177 agit comme une balle de sniper. Une fois injecté dans le corps, il part à la recherche d’une cible précise : une cellule cancéreuse, souvent de la prostate ou d’origine neuroendocrine. Dès qu’il la repère, il s’y fixe, puis libère une décharge radioactive de très courte portée. Juste ce qu’il faut pour détruire la cellule malade sans abîmer les tissus sains autour.

On parle ici de nanodosages… mais avec des effets massifs. Une seule dose peut dépasser les 14 000 €, car la matière est rare, la production délicate, et la logistique ultra-sensible : le lutétium-177 a une demi-vie de 6,7 jours, ce qui signifie qu’il perd la moitié de son efficacité en moins d’une semaine. Il faut donc aller vite. Très vite.

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Un partenariat nucléaire franco-roumain aux portes du Danube

C’est à Cernavoda, dans le sud-est de la Roumanie, que tout va se jouer. Pas besoin de construire un nouveau laboratoire high-tech : la centrale nucléaire existante, exploitée par Nuclearelectrica, va être équipée d’une ligne de production intégrée directement dans le cœur du réacteur. Le principe est simple et éprouvé : on insère des cibles spécifiques dans le flux neutronique, elles s’activent, puis on extrait le lutétium.

Côté français, c’est Framatome, bien connu pour ses composants de réacteurs et ses systèmes de contrôle-commande, qui met les mains dans le cambouis. Leur nouvelle branche, Framatome Healthcare, est chargée de superviser l’ingénierie, la sûreté, les chaînes de traitement et l’industrialisation.

L’accord a été signé début octobre 2025. Le projet IRIS entre en phase de réalisation, avec une production commerciale visée pour 2028, sous réserve que tous les jalons réglementaires et techniques soient atteints.

La médecine nucléaire : grande oubliée, enjeu vital

Chaque année, dans le monde, près de 49 millions d’actes médicaux reposent sur des radioisotopes. En Europe, ce sont 10 millions de patients qui bénéficient de scintigraphies, de diagnostics précoces, ou de traitements ciblés, comme ceux rendus possibles par le lutétium-177.

Et pourtant, la filière est fragile. Pourquoi ? Parce que ces isotopes ne se stockent pas, se transportent difficilement, et dépendent d’un petit nombre de réacteurs dans le monde. Une panne, un retard, une douane un peu tatillonne… et c’est toute la chaîne médicale qui vacille.

Voilà pourquoi le projet IRIS est si stratégique : il rapproche la production des lieux de consommation. Il apporte une réponse concrète à un besoin réel, pour un secteur encore trop dépendant des flux internationaux.

Une souveraineté européenne en jeu

Framatome ne devient pas un laboratoire pharmaceutique mais l’entreprise étend sa mission, avec une ambition assumée : mettre ses savoir-faire nucléaires au service du vivant.

« Cet accord montre l’engagement de Framatome et Nuclearelectrica à renforcer la chaîne d’approvisionnement en radioisotopes vitaux en Europe et dans le monde », déclare Grégoire Ponchon, CEO de Framatome.
« Framatome est fière de contribuer à la lutte contre le cancer et de faciliter l’accès à la médecine nucléaire. »

Son homologue roumain, Cosmin Ghita, voit dans IRIS un symbole de souveraineté industrielle :

« 2025 est une année clé pour nous. Nous sommes ravis de montrer au monde que la Roumanie peut devenir un acteur majeur de la médecine nucléaire. »

Les géants du lutétium-177 dans le monde

Producteur / acteur Localisation Rôle ou particularité
ITM Isotope Technologies Munich SE Allemagne Leader mondial du lutétium-177, usine majeure à Neufahrn
NRG PALLAS Pays-Bas (Petten) Capacité d’irradiation et de traitement pour l’Europe
Curium Europe (Petten / Grenoble) Production + irradiation avec le réacteur du CEA de Grenoble
SHINE Technologies États-Unis Projet de plus grande usine américaine de Lu-177 sans porteur
Bruce Power / Isogen / Kinectrics / ITM Canada (Bruce-7) Première production mondiale dans un réacteur commercial
Isotopia Israël / USA / Europe Fournisseur de lutétium “carrier added” et “no carrier added”

 

Source : Communiqué de presse de Framatome

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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