Un seul pays européen semble réagir face aux dernières décisions chinoises concernant leur quasi-monopole sur les terres rares

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Les Pays-Bas verrouillent Nexperia : une démonstration de bon sens industriel que la France devrait méditer.

Le 30 septembre 2025, les autorités néerlandaises ont enclenché un levier juridique peu connu du grand public : la loi sur la disponibilité des biens. L’objectif ? Bloquer toute tentative de transfert de savoir-faire stratégique vers la Chine au sein de Nexperia, un acteur majeur de la microélectronique installé au cœur de l’Europe.

Ce geste n’a rien d’anecdotique. Derrière ses puces modestes, loin des processeurs de pointe à plusieurs milliards de transistors, Nexperia fabrique les composants de base indispensables à l’automobile, aux objets connectés ou encore aux téléphones mobiles. Des puces que l’on pourrait qualifier de “banales”… jusqu’au jour où elles viendront à manquer.

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Depuis 2019, Nexperia (environ 14 000 employés et 2,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024) appartient au groupe chinois Wingtech, spécialisé dans les smartphones et les équipements électroniques. Le gouvernement néerlandais soupçonne que des connaissances techniques puissent être transférées discrètement vers l’Asie.

Désormais, l’entreprise ne pourra plus déplacer de divisions, embaucher des dirigeants ni prendre de décisions majeures sans l’aval du ministère de l’Économie. Une mise sous tutelle temporaire, déclenchée à la suite de ce que les autorités qualifient de “signaux récents et aigus de graves lacunes administratives”.

Autrement dit : la chaîne d’approvisionnement européenne ne peut plus se permettre la naïveté.

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Une souveraineté technologique sous haute tension

Dans un contexte de tensions commerciales croissantes entre Washington et Pékin, la dépendance de l’Europe à certaines technologies critiques est devenue un point de fragilité majeur. Dernier coup de semonce en date : les annonces de la Chine, début octobre, visant à restreindre les exportations de produits contenant plus de 0,1 % de terres rares d’origine chinoise, y compris pour des produits fabriqués hors de Chine.

Résultat : une turbine française, un radar suédois ou un système de batterie allemand pourrait, du jour au lendemain, se retrouver bloqué à l’export faute d’une licence d’exportation chinoise. Ce levier de contrôle, utilisé par la Chine à la manière des embargos américains, illustre une volonté claire : reprendre la main sur les flux technologiques mondiaux.

L’Europe désarmée sur ses composants de base

Les chiffres sont implacables. Environ 70 % des terres rares sont raffinées en Chine, et près de 80 % des semi-conducteurs utilisés en Europe proviennent d’Asie (selon la commission européenne). Pourtant, l’Union européenne continue d’hésiter à renforcer sa propre autonomie industrielle.

Dans le cas de Nexperia, il a fallu attendre un contexte de suspicion sur les transferts de technologie pour qu’un gouvernement membre prenne enfin ses responsabilités. Une initiative isolée qui mériterait d’être érigée en modèle.

La France ne manque pas de talents, mais de réflexes

Des acteurs comme STMicroelectronics, Soitec ou CEA-Leti possèdent une expertise précieuse dans les composants de puissance, les semi-conducteurs gallium-nitrure ou encore les capteurs intelligents. Toutefois, rien n’empêche aujourd’hui une prise de participation étrangère dans certaines structures stratégiques.

Où est le bouclier réglementaire ? Où sont les contrôles sur les transferts de brevets ?

Les États-Unis ont leur Foreign Investment Risk Review Modernization Act (FIRRMA), les Chinois leur Comité national de sécurité économique. L’Europe, elle, dispose depuis 2020 d’un mécanisme de filtrage des investissements directs étrangers… mais chaque État reste libre d’en faire ce qu’il veut. Le résultat est une coordination molle, bien loin du réflexe d’autoprotection néerlandais.

Un verrou juridique pour verrouiller les savoirs

En prenant le contrôle temporaire de Nexperia, les Pays-Bas rappellent que la technologie est aussi une affaire de souveraineté. L’entreprise fabrique des puces certes peu spectaculaires, mais dont l’absence peut stopper net une chaîne de montage automobile ou rendre inutilisable un capteur de freinage.

Ce sont précisément ces maillons invisibles, ces “petits” composants que personne ne remarque tant qu’ils fonctionnent, qui constituent la base de notre autonomie technologique. La perdre, c’est accepter de dépendre de régimes qui imposent des licences d’exportation pour des produits pourtant assemblés à Paris, Munich ou Toulouse.

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Ce que l’Europe peut encore sauver

En attendant une politique industrielle européenne cohérente, voici ce que chaque État pourrait déjà appliquer :

  • Créer un mécanisme d’alerte sur les acquisitions stratégiques, au même titre qu’un contrôle anti-monopole.
  • Assujettir tout transfert de brevets sensibles à une autorisation ministérielle, comme le fait la Chine.
  • Investir dans les capacités de production de composants “de base”, aujourd’hui largement sous-estimées dans les plans de relocalisation.
  • Accompagner les PME technologiques avec des fonds souverains, pour leur éviter de céder à des rachats étrangers par manque de financement.

Ces mesures ne nécessitent pas de révolution bureaucratique. Elles demandent seulement une prise de conscience, et un peu de courage politique. Ce que les Pays-Bas viennent de démontrer.

Sources :

  • https://www.government.nl/latest/news/2025/10/12/minister-of-economic-affairs-invokes-goods-availability-act
  • https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/geopolitique/la-chine-en-situation-de-monopole-sur-les-terres-rares

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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