À 1000 mètres sous terre ils veulent résoudre une des plus vieilles énigmes de l’univers.
Et si, au lieu de regarder les étoiles, on descendait sous terre pour comprendre l’univers ? C’est le pari un peu fou d’un groupe de physiciens australiens qui vient d’installer un laboratoire à plus de 1 000 mètres sous une vieille mine d’or. Pas pour chercher un trésor mais bien pour attraper… l’invisible !
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Une chasse à la matière noire au fond de la roche australienne
Imaginez un ascenseur qui vous descend à un kilomètre sous terre. Il fait sombre, l’air est lourd, on se croirait dans un repère secret d’un méchant de James Bond. Là, dans un cocon de silence, quelques scientifiques assemblent une machine pas plus grande qu’un frigo, entourée de murs d’acier et de plastique. Ils espèrent capter une étincelle minuscule qui pourrait trahir le passage d’une particule de matière noire.
Ce dispositif s’appelle SABRE South. Il est unique en son genre et c’est le seul détecteur de ce type dans l’hémisphère sud.
Pourquoi chercher la matière noire sous nos pieds ?
Parce qu’on sait qu’elle est là (ou du moins on le suppose). Les galaxies tournent trop vite pour que leur seule masse visible les tienne ensemble. Donc de nombreux physiciens ont émis l’hypothèse qu’il existerait une matière noire, invisible à nos yeux mais qui justifierait 27% de la masse de l’univers.
Elle-même constituée de milliards de milliards de particules qu’on ne voit pas, mais qui freinent, attirent, stabilisent. Ces particules, appelées WIMPs (Weakly interacting massive particles ou en français Particules massives faiblement interactives) traverseraient la Terre sans jamais interagir… ou presque.
SABRE espère qu’une de ces particules va percuter un atome d’iode ou de sodium dans ses cristaux, créant une infime lumière. Tellement faible que tout ce qui vibre, rayonne ou tremble doit être filtré. D’où l’abri souterrain.
Et si les Italiens avaient eu raison ?
En 1998, au fond du laboratoire du Gran Sasso en Italie, une équipe a affirmé avoir vu ce genre de flashs, avec un rythme saisonnier. Un pic chaque année. Comme si la Terre traversait une rivière de matière noire tous les mois de juin.
Le problème c’est que personne n’a pu reproduire ce signal de manière incontestable. Depuis, d’autres laboratoires ont tenté leur chance : en Espagne, en Corée du Sud, et maintenant ici, dans la mine de Stawell, en Australie.
SABRE South, en se plaçant dans l’autre hémisphère, offre une perspective différente. Si les signaux se répètent, ça ne peut pas être une coïncidence locale. Ce serait peut-être, enfin, la preuve tant attendue de l’existence de la matière noire.
Une expérience à l’échelle cosmique… et humaine
Le professeur Phillip Urquijo, qui dirige l’expérience, est lucide. Il faudra attendre cinq ans au moins car un signal qui apparaît une seule fois n’est pas suffisant pour constituer une preuve scientifique. Pour être sûr, il faut que le motif revienne, encore et encore, année après année.
C’est précisément ce que SABRE South va vérifier. Lentement avec une patience de moine et une technologie de pointe.
Le cœur du dispositif : des cristaux qui écoutent l’univers
Au centre du détecteur, on trouve plusieurs cristaux de iodure de sodium ultrapurs, soigneusement taillés. On dirait des pierres précieuses. Ils attendent qu’une particule vienne cogner, à condition qu’elle existe vraiment. En cas d’impact, un scintillement furtif sera capté par des capteurs ultrasensibles.
Pour éviter toute fausse alerte, tout est isolé : par la roche, par l’acier, par des boucliers en plastique. Et l’analyse est croisée avec des détecteurs jumeaux ailleurs sur la planète. L’idée est simple : voir si l’univers envoie le même message partout, ou si c’est juste un écho local.
Pour finir : Et si la matière noire n’existait pas ?
Oui, certains physiciens osent poser la question. Pour eux, si l’on ne détecte toujours rien malgré des décennies d’efforts, c’est peut-être que la matière noire n’est pas la bonne piste. Au lieu d’inventer une masse invisible, ils suggèrent que les lois de la gravitation pourraient changer à grande échelle. Cette approche s’appelle la gravité modifiée (ou MOND, pour Modified Newtonian Dynamics). En gros, au lieu d’ajouter des particules pour expliquer les anomalies de rotation des galaxies, on ajuste les équations de Newton. Problème : ces théories alternatives fonctionnent parfois très bien pour expliquer certains comportements, mais peinent à rendre compte d’autres observations comme la structure à grande échelle de l’univers ou les effets gravitationnels dans les amas de galaxies.
Ce débat reste vivant, clivant, passionné, preuve que la science avance autant par les découvertes que par les doutes.
Comprendre l’univers avec l’expérience SABRE en quelques chiffres :
Détail | Valeur |
---|---|
Nom du projet | SABRE South |
Lieu | Mine d’or de Stawell (Victoria, Australie) |
Profondeur du laboratoire | 1 050 mètres |
Type de détecteur | Cristaux de iodure de sodium ultrapurs |
Début de collecte des données | 2026 |
Durée minimale d’observation | 5 ans |
Objectif | Confirmer ou infirmer l’existence de particules de matière noire |
Particularité | Seule expérience de ce type dans l’hémisphère sud |
Source : https://www.sabre-experiment.org.au