Six navires pour une alliance franco-indienne inédite.
Le groupe marseillais CMA CGM a choisi le chantier naval de Cochin, au sud-ouest de l’Inde, pour produire cette petite flotte d’avant-garde : six porte-conteneurs de 1 700 EVP, propulsés au GNL !
Le français devient le premier armateur mondial à commander des navires de cette catégorie dans un chantier indien.
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CMA CGM va faire construire 6 géants des mers en Inde
Le gaz naturel liquéfié, ou GNL n’est pas la panacée. Il reste un combustible fossile. Toutefois, il divise par cinq les émissions de soufre et par deux celles de particules fines par rapport au fioul lourd.
CMA CGM l’a bien compris. Le groupe a déjà lancé une série de navires au GNL ces dernières années. Ces six petits nouveaux de 1700 EVP (“équivalent 20 pieds” soit 25 tonnes environ par conteneur, 42 500 tonnes de chargement maximum) ne sont qu’un maillon de plus dans une chaîne bien huilée. Objectif : atteindre le zéro émission nette de carbone d’ici 2050.
Au passage, ces navires pourront aussi fonctionner avec du biométhane ou du e-méthane, des carburants quasi neutres en carbone, dès qu’ils seront disponibles à grande échelle.
Ce sera la première fois de l’Histoire que ce type de navire bénéficie d’une propulsion nucléaire
L’Inde passe à la vitesse supérieure
Jusqu’ici, on parlait surtout de l’Inde comme d’un marché potentiel, elle sera également désormais un fournisseur maritime stratégique. Le chantier naval de Cochin, créé il y a plus de 50 ans, monte en gamme. Ce projet avec CMA CGM est une vitrine. Il va falloir être à la hauteur, et les ingénieurs indiens le savent.
HD Hyundai Heavy Industries, le mastodonte coréen de la construction navale, viendra prêter main-forte pour la partie technique. Une sorte de “coach technologique” qui va permettre aux équipes de Cochin de livrer des navires conformes aux dernières normes de l’OMI, avec des coques optimisées, des moteurs dual-fuel et des systèmes d’épuration sophistiqués.
Une stratégie humaine, pas juste industrielle
Chez CMA CGM, on ne s’arrête pas au chantier. Le groupe va recruter 1 000 marins indiens d’ici la fin de l’année, puis 500 autres en 2026. Et ce ne seront pas des emplois jetables. Il s’agit d’embarquer ces hommes et ces femmes sur les navires immatriculés sous pavillon indien, avec tout ce que cela implique en matière de formation, de droits, et d’implication à long terme.
Cochin devient une école autant qu’un chantier. On y apprend à souder des cuves cryogéniques, à gérer des motorisations hybrides, à piloter des systèmes de navigation connectés.
Une présence tentaculaire sur le territoire indien
Cela fait 34 ans que CMA CGM navigue dans les eaux indiennes, et ce partenariat ne cesse de s’approfondir. Le groupe emploie aujourd’hui 17 000 personnes dans le pays, dont 9 000 rien qu’à Chennai, dans un centre d’opérations mondial (le GBS) qui supervise une grande partie des activités du groupe, de la facturation à la logistique en passant par le support client.
On y trouve aussi CEVA Logistics, la filiale spécialisée en entreposage, présente sur 105 sites dans 31 villes, avec près d’un million de mètres carrés d’entrepôts. De quoi gérer tous les flux possibles, du textile aux composants électroniques.
Autrement dit, la commande de six navires n’est qu’un arbre dans une forêt de coopérations. Et tout indique que cette forêt va continuer de pousser.
Un geste politique autant qu’économique
Cette commandes s’inscrit en outre dans la vision stratégique de l’Inde pour 2047, le bicentenaire de son indépendance. Le pays veut devenir une puissance maritime complète : armateurs, chantiers, marins, tout y passe.
Avec ce contrat, Cochin Shipyard prend une longueur d’avance, soutenu par le plan gouvernemental Maritime India Vision 2030.
CMA CGM, de son côté, montre qu’on peut réconcilier économie et écologie tout en renforçant un ancrage locale sur un marché de plus de 1,4 milliard d’habitants.
Un géant français qui accélère sur tous les fronts
CMA CGM, c’est l’histoire d’un petit armateur marseillais devenu le troisième groupe mondial du transport maritime de conteneurs, derrière MSC et Maersk. Fondé en 1978 par Jacques Saadé, il est aujourd’hui dirigé par son fils Rodolphe, et compte plus de 155 000 employés dans le monde, répartis sur plus de 420 ports desservis dans 160 pays. En 2024, le chiffre d’affaires du groupe a dépassé 45 milliards d’euros, malgré le ralentissement du fret mondial.
Le groupe ne se contente plus de faire voguer des boîtes en acier sur les mers. Il a investi dans l’aérien (CMA CGM Air Cargo), dans les médias (prise de participation dans La Tribune et Brut), dans les télécoms (liaisons sous-marines avec Orange Marine), et bien sûr dans la logistique avec CEVA, rachetée en 2019. En juin 2025, il a aussi annoncé un plan de 7 milliards d’euros sur cinq ans pour accélérer la transition écologique de sa flotte, dont plus de 120 navires seront à propulsion alternative d’ici 2030.
Le groupe français n’est plus seulement un transporteur, c’est devenu un écosystème, une pieuvre logistique qui tisse sa toile de la Méditerranée à l’Océanie.
Source : Communiqué de presse de CMA CGM
Image : Vue aérienne du cargo porte-conteneurs en mer (Freepik)