Les Etats-Unis veulent faire main basse sur le « nucléaire du futur » avec le lancement de cette usine qui produira 50 mini-réacteurs par an

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Là où tout a commencé, une usine pour réinventer l’atome.

Oak Ridge, Tennessee. À quelques kilomètres des collines boisées de l’Appalachie, là où les camions de l’armée entraient jadis en silence pour enrichir de l’uranium, une nouvelle ère nucléaire s’apprête à éclore. La start-up californienne Radiant Nuclear y installera, dès 2026, la toute première usine au monde dédiée à la fabrication de réacteurs nucléaires portables en série.

Le terrain choisi n’est autre qu’une partie des anciennes zones K-27 et K-29, ex-cœur industriels du tristement célèbre Oak Ridge Gaseous Diffusion Plant (épicentre du programme Manhattan pendant la Seconde Guerre mondiale, si vous avez vu “Oppenheimer” cela devrait vous parler).

Radiant a décidé de rebaptiser le site “R-50”, clin d’œil appuyé à ce passé nucléaire et à son objectif affiché : produire jusqu’à 50 réacteurs par an, d’ici la fin de la décennie !

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Du projet Manhattan à la production en série : l’Amérique s’apprête à industrialiser le réacteur nucléaire portable

L’ironie n’échappe à personne : sur les ruines d’un complexe militaire conçu pour alimenter la première bombe atomique, naîtra bientôt une usine d’énergie propre, portable et sans émissions. Le terrain a été acquis auprès de l’agence locale de développement industriel. Les travaux commenceront début 2026. Les premiers réacteurs Kaleidos sont attendus en 2028.

Doug Bernauer, fondateur et PDG de Radiant, résume l’esprit du projet en une phrase saisissante :

“Ce qui a été le site du premier programme nucléaire de guerre devient aujourd’hui le berceau de la première usine de générateurs nucléaires civils portables.”

Cette ville du Nord de la France va devenir l’une des plus stratégiques de tout l’Hexagone grâce à cette nouvelle usine dédiée à la propulsion nucléaire militaire

Une page d’histoire, une plateforme industrielle

Derrière la vitrine technologique, il y a un ancrage territorial puissant. Oak Ridge, ce n’est pas juste un nom sur une carte : c’est le symbole de 80 ans de recherche et de rupture énergétique américaine.

Les bâtiments géants du K-25 ont disparu, tout comme ceux de K-27 et K-29. Mais la mémoire du site demeure vivace. Des plateformes d’observation sont en cours d’aménagement. Un parc national historique du projet Manhattan a été créé. Les écoles locales enseignent encore les débuts de l’âge atomique comme une aventure d’ingénieurs et de scientifiques.

Radiant, en s’y installant, fait le pari d’une continuité intelligente entre héritage et innovation. La région offre non seulement une main-d’œuvre hautement qualifiée, mais aussi un tissu industriel déjà orienté vers le nucléaire. L’entreprise évoque aussi un environnement réglementaire clair, rapide, et stable, atout précieux quand on veut passer à l’industrialisation.

Kaleidos : le réacteur qui tient sur un semi-remorque

Le cœur du projet, c’est Kaleidos : un réacteur nucléaire de 1 mégawatt, compact, autonome, sans ravitaillement fréquent. À titre de comparaison, c’est l’équivalent de la consommation électrique de 1 000 foyers, concentrée dans un conteneur mobile.

L’objectif ? Apporter de l’électricité là où les lignes ne vont pas, là où les générateurs diesel dominent encore : camps militaires, bases polaires, postes de secours, infrastructures critiques ou data centers isolés.

Avec Kaleidos, Radiant entend remplacer le carburant fossile par un cœur nucléaire encapsulé, sécurisé, à durée de vie prolongée, et intégralement géré par l’entreprise, de la fabrication au démantèlement.

L’enjeu est aussi économique : passer d’un prototype artisanal à un modèle produit en série, à coûts contrôlés. Un rêve industriel souvent évoqué, rarement réalisé jusqu’ici dans le nucléaire.

Oak Ridge, laboratoire du nucléaire réinventé

Ce projet s’inscrit dans un moment particulier. Aux États-Unis comme ailleurs, la filière nucléaire se cherche un second souffle. Trop lente, trop chère, trop rigide ? Pas forcément. À condition de changer d’échelle, de taille, de forme et de fonction.

Le réacteur de Radiant n’est pas destiné à remplacer les grandes centrales. Il remplit un autre rôle : celui de l’agilité. De la flexibilité. Du déploiement rapide sans gros travaux d’infrastructure.

En misant sur la production en série et sur des applications hors réseau, la startup vise une niche stratégique et croissante. Elle rejoint ainsi la courte liste des entreprises qui veulent faire du nucléaire un outil tactique autant que stratégique, tout en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre.

Un symbole américain, une ambition globale

À l’évidence, l’installation de cette usine sur le site d’origine du programme Manhattan est plus qu’un choix technique. C’est une affirmation culturelle, presque géopolitique : faire renaître le nucléaire dans son berceau historique, non plus comme instrument de guerre, mais comme outil de résilience énergétique et de paix.

C’est aussi une réponse très concrète à une question que se posent tous les États aujourd’hui : Comment produire de l’énergie en toute autonomie, sans dépendre du pétrole, du vent, ni du soleil ?

Radiant croit tenir une partie de la réponse. Oak Ridge en sera la matrice.

Un marché du SMR qui promet monts et merveilles

Le marché des petits réacteurs modulaires (SMR) devrait grimper de 40 GW installés en 2050 selon les politiques actuelles à près de 120 GW dans un scénario plus ambitieux, avec plus de 1 000 unités en exploitation à l’horizon 2050. Dans ce scénario, il faudrait porter les investissements annuels à environ 25 milliards de dollars d’ici 2030, puis atteindre une investissement cumulatif de 670 milliards de dollars jusqu’en 2050, soit environ 600 à 620 milliards d’euros selon les taux de change actuels. Si les coûts de construction des SMR parviennent à se rapprocher des coûts des grands réacteurs dans les 15 prochaines années, la capacité pourrait monter jusqu’à 190 GW en 2050, avec des investissements totaux pouvant atteindre 900 milliards de dollars, soit environ 810 milliards d’euros.

En parallèle, les projets industriels commencent à chiffrer à l’échelle de plusieurs dizaines de milliards d’euros : par exemple, le projet de quatre réacteurs SMR BWRX-300 au Canada est estimé à 13,3 milliards d’euros. L’enjeu est donc double : dimensionner une filière capable de passer du prototype à la production en série et lever des capitaux de l’ordre de quelques centaines de milliards d’euros d’investissements mondiaux d’ici 2050.

Vous n’aurez pas de meilleure nouvelle pour votre portefeuille aujourd’hui : le nucléaire français devrait garantir des prix de l’électricité stables jusqu’en 2028

Principaux pays engagés dans les SMR

Pays / région Projets en cours ou annoncés Capacité ou objectif déclaré Particularités notables
États-Unis Holtec SMR-300, NuScale VOYGR, TVA Clinch River Jusqu’à 10 GW à l’horizon 2035 Forte dynamique privée et soutien fédéral
Chine ACP100 « Linglong One », HTR-PM, projets marins Plus de 30 SMR planifiés d’ici 2040 Première construction terrestre en cours
Russie RITM-200 flottants et terrestres, Yakoutie ~1 GW installé avant 2030 Expérience opérationnelle dans l’Arctique
Canada BWRX-300 à Darlington (Ontario Power Generation) 1,2 GW sur 4 unités prévues Première autorisation de construction occidentale
Royaume-Uni Rolls-Royce SMR, consortia GE-Hitachi et EDF 2 GW prévus avant 2035 Soutien massif du gouvernement et fonds dédiés
France / Europe Nuward (EDF, Naval Group, TechnicAtome), newcleo, plusieurs projets en Pologne 340 MWe par module, prototypes 2035 Coordination européenne pour la standardisation
Autres pays (Corée, Japon, Inde, Arabie saoudite, Indonésie, etc.) Études et accords industriels en cours Variable selon les besoins nationaux Marchés émergents et zones isolées ciblées

Sources :

  • Marché du SMR :
    OCDE-NEA, SMR Dashboard 2024 ; Agence internationale de l’énergie, The Path to a New Era for Nuclear Energy (2023) ; Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Advanced Reactor Information System ; World Nuclear Association, Small Nuclear Power Reactors (2025) ; NucNet, Alliance identifies nine initial nuclear reactor projects for support (2024).
  • Nouvelle usine de Radiant :
    https://www.newswire.com/news/radiant-to-build-first-portable-nuclear-generator-factory-on-tennessee-22657671

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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