Quand une erreur industrielle devient une révolution pour la production d’hydrogène propre.
Des électrodes qui gonflent au lieu de se désintégrer, un rapport interne oublié… Et vingt ans plus tard, une startup mexicaine redonne vie à un procédé chimique tombé dans l’oubli.
Voici comment une anomalie thermique dans une aciérie pourrait bien réécrire l’histoire de l’hydrogène bas carbone !
Lire aussi :
- Ces réacteurs du futur seront capables de produire quotidiennement 200 tonnes d’hydrogène, des millions de litres d’eau ou de l’électricité
- La Corée du Sud trouve une réponse au plus gros problème posé par l’hydrogène : comment en produire beaucoup, de manière écologique et à bas coût
Une réaction imprévue dans un four électrique pourrait proposer une nouvelle alternative à la production d’hydrogène grâce à la pyrolyse
L’histoire commence au début des années 2000. Dans une aciérie du groupe Techint, un conglomérat industriel italo-argentin, des ingénieurs tentent de régler un nouveau four à arc électrique. Ce type d’équipement, alimenté par de puissantes électrodes en carbone, est censé faire fondre de l’acier.
Sauf que cette fois-ci, les électrodes ne se dégradent pas. Elles semblent, au contraire… grossir. Intrigués, les techniciens constatent que le four est en train de réaliser une pyrolyse du méthane : une décomposition thermique sans oxygène, qui produit deux sous-produits intéressants. De l’hydrogène gazeux et du carbone solide. Le tout, sans émissions de CO₂ !
Un rapport technique est rédigé, archivé… puis oublié. À l’époque, l’hydrogène n’intéresse encore personne.
Un rapport poussiéreux qui refait surface
Vingt ans plus tard, les temps changent. Le climat devient un enjeu mondial, et l’hydrogène propre attire les capitaux. TechEnergy Ventures fouille dans ses archives à la recherche de pistes alternatives à la production classique d’hydrogène, qui émet énormément de CO₂.
C’est là que quelqu’un tombe sur ce vieux rapport. Eureka ! Tout était déjà là. Il ne restait plus qu’à exploiter ce procédé passé sous les radars.
C’est ainsi qu’est née Tulum Energy, une startup mexicaine lancée avec l’ambition de transformer cette curiosité thermique en une usine industrielle rentable. Le projet séduit : l’entreprise vient de lever 25 millions d’euros auprès d’investisseurs comme TDK Ventures, CDP Venture Capital ou encore Doral Energy-Tech Ventures.
La pyrolyse, une piste sans CO₂
Produire de l’hydrogène propre relève souvent du casse-tête. La méthode la plus courante, le reformage à la vapeur du méthane, libère beaucoup de dioxyde de carbone. La version “verte”, via électrolyse de l’eau avec des énergies renouvelables, est très coûteuse et demande beaucoup d’électricité.
La pyrolyse offre une alternative intéressante : en chauffant le méthane sans oxygène, on obtient uniquement de l’hydrogène et du carbone sous forme solide. Pas de CO₂.
D’autres entreprises explorent ce filon, comme Modern Hydrogen, Monolith ou Molten Industries. Tulum Energy, elle, affirme avoir un atout décisif : elle n’a pas besoin de catalyseurs onéreux. Son four à arc modifié suffit à déclencher la réaction.
Une aciérie pilote comme point d’ancrage
La première usine pilote sera construite à côté d’une aciérie du groupe Techint, au Mexique. Si tout fonctionne, l’aciérie pourra directement acheter à Tulum son hydrogène pour ses besoins énergétiques, et même utiliser le carbone solide dans ses propres procédés de fabrication.
Les objectifs sont déjà chiffrés. À pleine échelle, une usine commerciale Tulum pourrait produire chaque jour 2 tonnes d’hydrogène et 600 tonnes de carbone. Deux ressources utiles, dans un monde en quête de solutions bas émission.
Un prix à faire frémir les concurrents
Ce qui pourrait bien rendre tout ce projet viable à long terme, c’est le prix de production estimé : 1,40 à 1,50 euro par kilogramme d’hydrogène. Soit seulement 40 à 50 centimes de plus que l’hydrogène dit “gris”, issu du gaz naturel, et bien moins cher que l’hydrogène vert (en 2025, le prix de l’hydrogène vert en France se situe généralement entre 5 et 10 euros par kilogramme).
Ce calcul ne prend même pas en compte la vente du carbone, qui pourrait servir dans l’industrie des matériaux, de l’électronique ou du bâtiment. En valorisant les deux produits, Tulum espère rendre l’hydrogène propre économiquement viable, dès aujourd’hui.
Un accident qui change la donne énergétique
Cette affaire n’est pas une simple anecdote de laboratoire. Elle montre que dans l’industrie, les erreurs et la sérendipité peuvent parfois valoir de l’or. En redonnant vie à une réaction mal comprise, Tulum Energy a peut-être trouvé un raccourci industriel vers l’hydrogène propre.
L’idée d’utiliser un simple four à arc, déjà éprouvé dans les aciéries du monde entier, pour transformer du méthane en hydrogène propre, pourrait bouleverser l’équation énergétique. Et cette fois, plus question d’oublier le rapport dans un tiroir !
Source : https://techcrunch.com/2025/07/07/tulum-energy-rediscovered-a-forgotten-hydrogen-tech-and-used-it-to-raise-27m
Image : Une photo d’angle bas d’une usine avec de la fumée et de la vapeur sortant des cheminées prise au coucher du soleil (Freepik)