Impossible n’est pas japonais avec cette règle vieille de 100 ans brisée par la découverte d’une molécule à 20 électrons

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Un composé à 20 électrons fait vaciller un siècle de chimie

Dans les laboratoires de l’institut de science et technologie d’Okinawa, un petit groupe de chercheurs vient d’envoyer valser l’un des piliers les plus sacrés de la chimie organométallique.

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Depuis plus d’un siècle, la règle des 18 électrons fait office de dogme pour tous les chimistes qui travaillent avec les métaux de transition. L’idée est simple : un complexe organométallique (molécule qui contient à la fois des atomes de métal et des groupes issus de la chimie du carbone) est le plus stable quand le métal central est entouré de 18 électrons de valence. Cette configuration lui permet de remplir sa couche électronique, un peu comme un atome noble, qui lui ne réagit presque jamais avec les autres car sa couche d’électrons est déjà complètement remplie

Le ferrocène est une molécule composée d’un atome de fer pris en sandwich entre deux anneaux de carbone appelés cyclopentadiényle. C’est une structure très stable et emblématique de la chimie organométallique. Il a été découvert dans les années 1950, est l’illustration parfaite de cette règle. Il a même valu à ses découvreurs le prix Nobel en 1973. On le trouve dans des batteries, des médicaments, et même dans certains matériaux solaires.

Bref, tout allait bien dans le meilleur des mondes électroniques… Jusqu’à ce qu’une équipe de l’OIST décide, en 2025, de franchir la limite.

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Un ferrocène dopé aux ligands sur mesure

Pour créer ce composé improbable, les chercheurs ont utilisé des ligands personnalisés, conçus pour injecter deux électrons supplémentaires dans la structure classique du ferrocène. Ces ligands sont des molécules qui viennent s’attacher au métal central pour lui prêter des électrons.

De cette façon, il est possible d’obtenir un ferrocène à 20 électrons, non seulement stable, mais fonctionnel, ce qui a surpris plus d’un spécialiste. Le secret semble résider dans une liaison fer–azote (Fe–N), qui redessine subtilement le paysage électronique du complexe sans le faire exploser. À la clef : des propriétés redox inédites, autrement dit, une capacité à donner ou recevoir des électrons dans des configurations jusqu’ici inaccessibles.

Une géométrie à la limite de la rupture

Visuellement, ce nouveau composé conserve la fameuse structure en sandwich des métallocènes : un atome de fer pris en sandwich entre deux cycles carbonés, comme une tranche de rôti entre deux tranches de pain complet. Sauf qu’ici, la garniture a été revisitée avec une belle pincée d’azote et une touche d’électrons en trop.

Ce déséquilibre ne fait pas s’effondrer l’ensemble, au contraire. Il élargit les états d’oxydation accessibles et permet d’imaginer des réactions jusqu’ici hors d’atteinte. On parle déjà d’applications en stockage d’énergie, en catalyse chimique, et même en conception de nouveaux matériaux fonctionnels.

Dépasser les règles pour mieux concevoir

Ce genre de découverte pose une question passionnante : et si les règles n’étaient que des repères provisoires ? En forçant les limites, les chercheurs de l’OIST montrent qu’il est possible de construire des molécules qui échappent aux contraintes classiques, tout en conservant des propriétés utiles, voire inédites.

C’est un peu comme découvrir qu’on peut faire tenir une maison avec un étage en plus, alors que tous les architectes juraient que ça allait s’effondrer. Et maintenant qu’on sait que ça tient, on peut imaginer des structures encore plus audacieuses.

Dans un contexte où la chimie verte, la catalyse durable et les matériaux multifonctionnels sont plus demandés que jamais, ce genre de plateforme ouvre la voie à une nouvelle génération de molécules sur mesure, adaptées aux besoins du XXIe siècle.

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Une équipe qui ose remettre le tableau périodique à l’envers

L’équipe menée par Satoshi Takebayashi n’en est pas à son coup d’essai. À Okinawa, leur groupe de chimie organométallique se concentre justement sur les cas atypiques, les exceptions, les espèces moléculaires qui donnent des sueurs froides aux manuels de chimie générale.

Ce nouveau ferrocène à 20 électrons, synthétisé avec des partenaires russes, allemands et japonais, montre qu’on peut repenser les interactions métal-ligand en allant chercher des états de valence jusque-là théoriques.

Source :

“From 18- to 20-electron ferrocene derivatives via ligand coordination” par Satoshi Takebayashi, Jama Ariai, Sergey V. Kartashov, Robert R. Fayzullin, Tomoko Onoue, Ko Mibu, Hyung-Been Kang and Noriko Ishizu, 7 juillet 2025, Nature Communications.

DOI: 10.1038/s41467-025-61343-7

Image réalisé à l’aide de Flux 1.1 Pro Ultra à des fins d’illustration de l’article.

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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