Sleipnir : le géant des mers qui soulève des plateformes comme des Playmobil
Un monstre marin de 220 mètres de long, 102 de large, capable de soulever toute la place Vendôme sans sourciller. C’est Sleipnir.
Un navire conçu pour porter ce qu’aucun autre navire ne peut soulever : des plateformes entières aux morceaux de centrales les plus massives. C’est une machine à lever les limites, construite pour qu’on ne dise plus jamais : « Ce chantier est trop gros. »
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Le SSCV Sleipnir, né d’un pari d’ingénieurs en mal de gigantisme
Au départ, en 2008, on en parle à peine dans les bureaux de Heerema, à Leiden (Pays-Bas). L’idée d’un navire encore plus gros que le mythique Thialf semble trop folle, trop chère, trop en avance. Le pétrole offshore ne va pas si mal, pourquoi prendre le risque ?
Et puis 2011 arrive. Les idées reviennent sur la table. Les premières esquisses sont griffonnées. En 2015, tout s’accélère : le chantier est signé à Singapour, les grues commandées en Chine, les ingénieurs se retroussent les manches. Quatre ans plus tard, en mai 2019, Sleipnir quitte les quais, baptisé comme il se doit par la femme d’un cadre, debout devant une montagne de tôle et de câbles.
Son nom est un clin d’œil au cheval mythologique à huit pattes d’Odin. Sauf que là, les jambes sont des colonnes de 23 mètres, et que la bête pèse 273 700 tonnes. Voilà pour la légende.
Ce sera la première fois de l’Histoire que ce type de navire bénéficie d’une propulsion nucléaire
Des bras de titans, des nerfs de chat
Ce que Sleipnir peut soulever jusqu’à 20 000 tonnes, d’un seul coup, sans perdre l’équilibre, en pleine mer.
Ses deux grues principales, fixées à la coque avec 1 100 boulons de 82 mm, sont capables de lever à 135 mètres de haut ou de descendre à 100 mètres sous l’eau. Les câbles sont si épais qu’on les confondrait avec des conduites d’eau. 33 kilomètres de câble tressé par grue, et des roulements de 30 mètres de diamètre pour permettre la rotation de l’ensemble. Ce ne sont pas des grues, ce sont des cathédrales mobiles.
Le navire embarque en outre un palan auxiliaire de 2 500 tonnes, un palan fouet de 200 tonnes, et une grue arrière capable de bosser à 2 000 mètres de profondeur. C’est simple : Sleipnir peut aussi bien monter une éolienne flottante que démonter une plateforme pétrolière complète et la poser délicatement sur une barge.
Du muscle, mais propre
Sleipnir carbure au GNL, beaucoup plus propre que le diesel marin. Grâce à douze moteurs MAN bicarburant, il peut naviguer pendant un mois sans ravitaillement, en polluant beaucoup moins.
Sa première traversée a déjà mené à un record mondial de soutage de GNL en mer. 3 000 tonnes transférées d’un seul coup, en pleine navigation vers l’Europe. Là encore, pas pour le folklore : pour prouver qu’on peut faire du lourd sans salir la mer.
Pour se déplacer, huit propulseurs azimutaux orientables, dont quatre sont rétractables pour éviter les dégâts dans les eaux peu profondes. Le Sleipnir n’a pas besoin de cale sèche pour changer ses propulseurs : il les démonte sous l’eau.
Une centrale d’assemblage flottante… avec cabines vue mer
Quand on dit que Sleipnir est une ville flottante, ce n’est pas une exagération. 400 personnes à bord, un restaurant pour 200 couverts, 5 suites exécutives, un hélipad pour hélicoptère de 15 tonnes, et 12 000 m² de pont de travail, soit plus qu’un supermarché Carrefour et un hangar Amazon réunis.
Tout est pensé pour tenir des mois sans rentrer à quai. Et tout est dimensionné pour durer. Même les canots de sauvetage sont oversize : neuf Harding FF1200, chute libre, 70 personnes chacun.
Ce qu’il a déjà fait, c’est fou. Ce qu’il va faire, encore plus
À peine livré, le Sleipnir embarque sur son voyage inaugural en 2019. Direction l’Espagne, via le Cap de Bonne-Espérance. Sur le chemin, il aligne les records : levée de 15 300 tonnes pour le projet Leviathan au large d’Israël, installation de modules pour Maersk au Danemark, puis récupération de plateformes écossaises, et bientôt, pose d’éoliennes offshore aux Pays-Bas.
Ce navire ne travaille pas. Il fait bouger l’industrie. Chaque levage est un événement, chaque mission un défi que personne d’autre ne peut relever.
En bonus, le voici en train d’installer le module TEG de Tyra II de 17 000 tonnes métriques, un record mondial :
Fiche technique du Sleipnir :
Ce qu’il mesure ou porte | Détail |
Longueur | 220 mètres (2,5 terrains de foot) |
Largeur | 102 mètres (plus qu’un Airbus A380 en envergure) |
Déplacement | 273 700 tonnes (comme 4 Titanic) |
Grues principales | 2 × 10 000 tonnes |
Pont de travail | 12 000 m² |
Propulsion | 8 propulseurs orientables Wärtsilä |
Motorisation | 12 moteurs MAN bicarburant (GNL ou gazole) |
Réserve GNL | 8 000 m³ |
Vitesse max | 12,2 nœuds (22,6 km/h) |
Capacité d’équipage | 400 personnes |
Premier levage record | 15 300 tonnes (Israël, 2019) |
En service depuis | 2019 |
Source : https://www.huismanequipment.com