La première batterie à ions hydrure du monde est chinoise.
Personne ne l’avait encore fait. Pendant des années, ce type de batterie restait un fantasme de laboratoire, un rêve d’ingénieur. Trop instable, trop complexe, trop théorique. Et puis un jour, dans un institut discret de Dalian, un petit miracle scientifique s’est produit : une LED jaune s’est allumée. Alimentée non pas par du lithium, mais par la toute première batterie fonctionnelle à ions hydrure !
C’est officiel : la Chine vient d’ouvrir une porte vers un tout nouveau monde du stockage d’énergie.
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Une batterie où l’électricité circule avec de l’hydrogène négatif
Oubliez les batteries traditionnelles au lithium ou même au sodium. Dans cette batterie, les porteurs de charge sont des ions hydrure (H⁻), c’est-à-dire des atomes d’hydrogène qui ont attrapé un électron supplémentaire. C’est petit, léger, rapide et surtout, ça ouvre une perspective fascinante : associer batterie et hydrogène dans un même système.
Pour l’image : au lieu de faire des allers-retours en voiture blindée comme les ions lithium, les ions hydrure se déplacent en trottinette électrique. Plus simples, moins lourds, plus directs.
Une structure en sandwich pensée comme un bijou
Derrière ce coup d’éclat technologique, il y a une équipe du Dalian Institute of Chemical Physics (Académie des sciences chinoise), emmenée par le professeur Ping Chen. Ils ont combiné :
- Une cathode en hydrure de sodium et d’aluminium (NaAlH₄),
- Une anode en dihydrure de cérium (CeH₂),
- Et surtout, un électrolyte solide en “core-shell”, avec un cœur de CeH₃, conducteur rapide d’ions hydrure, enveloppé dans du BaH₂, plus stable.
Ce montage s’apparente presque à un millefeuille nanoscopique : chaque couche a un rôle précis pour faire circuler l’hydrogène sans provoquer de court-circuit, sans dendrites, sans échauffement parasite.
Des performances bluffantes pour un premier essai
On n’en est pas encore à alimenter une voiture, bien sûr. Mais les chiffres sont déjà très prometteurs :
- Une capacité de 984 mAh/g à température ambiante, ce qui est largement supérieur à une batterie lithium-ion classique dans certaines configurations.
- Une tension de 1,9 volt, stable.
- Une durée de vie de 20 cycles sans perte excessive (encore modeste, mais encourageant pour un prototype).
Et surtout : le système a pu fonctionner dans des conditions normales, sans atmosphère ultra-sécurisée ni cryogénie. C’est ça qui change tout.
Une avancée discrète mais majeure
L’expérience pourrait sembler anodine : faire briller une LED pendant quelques minutes. Pourtant, dans le monde très exigeant du stockage d’énergie, c’est un jalon historique. Jusqu’à présent, les batteries à ions hydrure étaient considérées comme de la science-fiction. Trop instables, trop corrosives, trop lentes.
Là, en quelques années, la Chine a non seulement démontré la faisabilité, mais elle a construit un prototype qui marche. Et avec des matériaux abondants, peu coûteux et recyclables. Aucun cobalt, aucun nickel, pas de lithium : c’est une batterie “low-tech” avec des performances de haute voltige.
Un jour, peut-être dans votre maison ?
On imagine très bien cette technologie dans des systèmes de stockage stationnaire : pour emmagasiner le surplus solaire ou éolien de votre maison, ou pour lisser la production d’une centrale à hydrogène. Le stockage domestique propre et sécurisé, c’est peut-être ça.
Et ce n’est pas tout : les hydrures métalliques sont aussi des matériaux de stockage de l’hydrogène. Ce qui signifie que, potentiellement, une même unité pourrait à la fois stocker du courant et servir de réserve d’hydrogène, avec un double usage : batterie + carburant.
Oui, ça ressemble à de la science-fiction. Non, ce n’en est plus.
Deux approches très différentes… mais complémentaires ?
Et puisqu’on parle d’hydrures, impossible de ne pas évoquer la filière française, où Saft (filiale de Total) et le CNRS ont, dès 2017, mis au point une batterie lithium-ion d’un genre nouveau, avec anode à base d’hydrures métalliques (magnésium et titane) et électrolyte solide au borohydrure de lithium (LiBH₄). Leur objectif ? Remplacer les électrolytes liquides inflammables tout en augmentant les performances des batteries classiques.
Là où les Français utilisaient les hydrures comme composants d’anode ou d’électrolyte dans un système toujours centré sur le lithium, les chercheurs chinois du DICP ont franchi un cap en abandonnant complètement le lithium comme ion porteur de charge, pour miser exclusivement sur les ions hydrure H⁻. C’est un changement de paradigme.
Autre différence : la batterie française fonctionnait à 120 °C, contre température ambiante pour le prototype chinois, grâce à une structure core-shell CeH₃@BaH₂ très innovante. Deux logiques, deux philosophies : l’une perfectionne un système éprouvé (le lithium), l’autre bouscule tout et change la pièce maîtresse.
On pourrait presque dire que la France améliore l’orchestre, tandis que la Chine change carrément la partition. Mais les deux cherchent la même chose : plus de sécurité, plus d’énergie, plus d’endurance.
Sources :
- A room temperature rechargeable all-solid-state hydride ion battery
Cui, J., Zou, R., Zhang, W. et al. Nature (2025).
DOI: https://doi.org/10.1038/s41586-025-09561-3 - An all-solid-state metal hydride – Sulfur lithium-ion battery
Pedro López-Aranguren, Nicola Berti, Anh Ha Dao, Junxian Zhang, Fermín Cuevas, Michel Latroche & Christian Jordy
Journal of Power Sources (2017)
DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.jpowsour.2017.04.088