Une nouvelle voie pour maitriser la fusion nucléaire au Royaume-Uni.
Dans un hangar du comté d’Oxfordshire, une équipe d’ingénieurs s’attaque à ce que l’humanité rêve de maîtriser depuis plus de 70 ans : la fusion nucléaire. Ils veulent proposer une nouvelle méthode baptisée FLARE.
Cette fois-ci, pas besoin de lasers géants ou de réacteurs de science-fiction. Juste un peu d’ingéniosité, beaucoup de calculs, et un bain de lithium liquide.
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L’approche FLARE pour maitriser la fusion inertielle
Pour comprendre ce que propose First Light Fusion, il faut d’abord parler de la fusion dite “inertielle”. Cette technique consiste à comprimer une petite bille de combustible, souvent du deutérium-tritium, jusqu’à des températures et pressions extrême pour que les noyaux fusionnent, libérant une énergie colossale.
Jusqu’ici, cette compression était généralement réalisée avec des lasers ultra-puissants, comme ceux du National Ignition Facility (NIF) aux États-Unis. Mais ce procédé coûte une fortune : 3,5 milliards de dollars pour un gain énergétique… de 4. Ce qui, au passage, est un exploit : jamais une expérience n’avait généré plus d’énergie qu’elle n’en consommait.
L’approche FLARE consiste à séparer deux étapes critiques : la compression lente du combustible, puis l’allumage rapide de la réaction.
Ce découplage rend le système beaucoup plus efficace et surtout, beaucoup moins cher à construire.
Le secret ? Un “poussoir” et un bain de lithium
Concrètement, le cœur du système repose sur une cible cylindrique contenant le combustible, que l’on écrase à l’aide d’un “poussoir” dense, une sorte de mini-marteau en métal opaque. Pas besoin de laser géant ici : l’impulsion est fournie par un système dit de “puissance pulsée” (pulsed power en anglais), bien connu en ingénierie, qui fonctionne à basse tension.
C’est là que FLARE se démarque. En simplifiant drastiquement les systèmes, tout en améliorant la précision de l’allumage, First Light Fusion élimine une grande partie des pertes d’énergie. De cette façon le confinement du plasma est plus stable, on obtient un allumage plus efficace, pour une perspective de gain énergétique beaucoup importante.
Pour contenir tout cela les ingénieurs ont pensé à tout : un bain de lithium liquide (ce métal qu’on retrouve notamment dans les batteries). Il sert ici à toute à la fois à absorber les neutrons, produire du tritium, à récupérer la chaleur, et protéger les parois du réacteur. Une quadruple fonction dans un seul liquide : ingénieux, simple, et adaptable à l’échelle industrielle.
Un gain de 1 000 : promesse réaliste ou folie douce ?
C’est LA promesse choc de First Light : atteindre un “gain” de 1 000. Cela signifie que pour 1 unité d’énergie injectée dans la réaction, on pourrait en récupérer… 1 000. Pour comparaison, NIF a réussi un gain de 4. Pour qu’une centrale à fusion soit économiquement viable, les modèles suggèrent qu’il faut au minimum un gain de 200.
Si FLARE tient sa promesse, ce serait une révolution : le coût du kWh fusionné tomberait en-dessous de celui du charbon ou du gaz, tout en étant totalement décarboné.
La clé de cette promesse réside dans les simulations. First Light n’a pas encore construit son réacteur de démonstration, mais ses modèles reposent sur 10 ans de R&D, avec des composants déjà testés partiellement. Leur feuille de route est claire : valider chaque brique technologique dans des installations existantes, puis construire un prototype grandeur nature.
Des réacteurs à fusion nucléaire… pour le prix d’un gros hôpital ?
D’après leurs calculs, une centrale expérimentale FLARE pourrait coûter 20 fois moins cher qu’un équivalent de type NIF. On parle ici de quelques centaines de millions d’euros, soit le coût d’un CHU bien équipé. Surtout, elle pourrait être construite avec des technologies déjà éprouvées : pas besoin de tout réinventer.
Cela ouvre une perspective concrète : lancer la première centrale fusion réellement rentable à l’échelle industrielle dans les années 2030. Avec un système modulaire, qui pourrait être implanté progressivement, sans bouleverser tout le réseau électrique.
« C’est un moment charnière non seulement pour First Light, mais aussi pour l’avenir de l’énergie. Avec l’approche FLARE, nous avons tracé la première voie au monde, commercialement viable et compatible avec un réacteur, vers une fusion inertielle à haut gain et elle repose sur une science réelle, des technologies éprouvées et une ingénierie pratique », a déclaré Mark Thomas, PDG de First Light Fusion.
Une fusion à la britannique… ou une pression sur les financements ?
Ce qui frappe aussi dans cette annonce, c’est le timing. Alors que le Royaume-Uni cherche à se repositionner dans la course mondiale à la fusion, cette annonce ressemble à un message à double détente. D’un côté, une démonstration de force technologique. De l’autre, une façon à peine voilée de mettre la pression sur le gouvernement britannique, pour obtenir des financements, un terrain d’essai, et peut-être une régulation sur mesure.
Car pendant que FLARE fait parler de lui, le projet européen ITER est embourbé dans les retards, et que les États-Unis peinent à aligner leur stratégie.
De quoi donner aux Britanniques une fenêtre de tir diplomatique et industrielle.
Et pendant ce temps, ailleurs dans le monde ?
La fusion inertielle n’est pas seule sur la ligne de départ. Les Chinois travaillent sur des tokamaks nouvelle génération, les Américains sur des concepts à confinement magnétique simplifié, les Français planchent sur le laser Mégajoule, et même l’entreprise Helion aux États-Unis a levé plus de 2 milliards de dollars pour une approche alternative.
Mais ce qui différencie FLARE, c’est l’obsession du pragmatisme industriel. Pas de réacteur géant ou de miracle quantique ici. Juste une méthode physique crédible, des composants manufacturables, et une obsession pour le rendement.
Source : Communiqué de presse de First Light Fusion.