Des qubits moléculaires qui parlent la langue des fibres optiques.
Ils tiennent dans une molécule, s’activent avec de la lumière, et pourraient connecter demain des ordinateurs quantiques à l’échelle planétaire via les réseaux télécoms existants. Des chercheurs américains ont conçu de nouveaux qubits moléculaires capables de fonctionner à des fréquences compatibles avec les fibres optiques, c’est-à-dire dans la bande télécom autour de 1550 nanomètres. Pour vous c’est du chinois mais on va vous expliquer en quoi cela pourrait révolutionner le monde de la communication.
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Un pas de plus vers l’internet quantique
C’est un petit miracle d’ingénierie quantique et de chimie moléculaire : une structure à l’échelle nanométrique qui combine magnétisme et lumière, et pourrait devenir la brique de base du futur internet quantique. Un réseau où l’information ne circulera plus sous forme de bits, mais de qubits intriqués, inviolables et ultra-rapides.
La difficulté : relier l’optique et le magnétisme
Depuis des années, les chercheurs butent sur un problème fondamental : les qubits les plus stables sont souvent magnétiques, alors que les réseaux de communication modernes utilisent la lumière. Faire dialoguer ces deux mondes relève du casse-tête. Il faut des matériaux capables d’interagir fortement avec les champs magnétiques, tout en absorbant et réémettant la lumière dans des gammes utiles aux fibres optiques.
C’est là qu’intervient l’erbium, un métal rare mais bien connu dans les télécoms pour son émission propre dans la bande des 1550 nm, celle justement utilisée dans les câbles en fibre. En l’intégrant dans une molécule spécialement conçue, les chercheurs ont réussi à stabiliser à la fois l’état magnétique et la transition optique.
Une molécule qui fait le lien
La molécule développée agit littéralement comme un pont nanométrique entre la physique du spin et celle des photons. L’information quantique est stockée dans l’état magnétique de l’ion d’erbium, et peut être lue ou écrite via une impulsion lumineuse parfaitement calibrée.
Selon Leah Weiss, chercheuse à l’Université de Chicago et co-auteure de l’étude, ces molécules sont capables de traduire le langage du magnétisme en lumière, avec une fidélité et une stabilité jamais atteintes à cette échelle.
Autrement dit : un qubit qu’on peut intégrer dans un circuit photonique classique, sans tout repenser de zéro !
Vers l’internet quantique
Le fait que ces qubits fonctionnent dans la bande télécom change la donne. On peut dès lors imaginer des liaisons longue distance entre processeurs quantiques, en utilisant l’infrastructure existante de fibre optique.
Les applications sont multiples :
- Cryptographie quantique inviolable
- Synchronisation ultra-précise pour les réseaux scientifiques ou militaires
- Capteurs quantiques intégrés pour mesurer des champs magnétiques ou des températures à l’échelle du nanomètre
- Réseaux hybrides, mêlant informatique optique et magnétique
Leur flexibilité chimique permet aussi de les adapter à différents milieux : biologiques, électroniques, silicium, ou même organiques, selon les besoins.
Un travail d’orfèvrerie chimique
Ce résultat est aussi le fruit d’un travail de chimie de synthèse extrêmement précis. À l’Université de Berkeley, les chimistes ont développé des ligands organiques sur mesure pour contrôler l’environnement électronique de l’ion d’erbium. En ajustant la structure autour de l’ion central, ils parviennent à stabiliser ses propriétés optiques et magnétiques simultanément.
Ryan Murphy, co-auteur, insiste sur le fait que la chimie moléculaire permet un degré de contrôle inégalé sur les propriétés quantiques, bien supérieur à ce qu’on obtient dans les matériaux solides conventionnels.
On peut littéralement designer des systèmes quantiques atome par atome, avec des performances sur mesure selon l’application.
Une intégration déjà en marche
Des tests spectroscopiques montrent que les transitions optiques des qubits moléculaires correspondent parfaitement aux fréquences utilisées en photonique sur silicium. Ces plateformes sont au cœur des circuits optiques de demain, dans l’IA, la recherche, les communications ou les supercalculateurs.
Le professeur David Awschalom, coordinateur du projet, souligne que ces qubits sont déjà compatibles avec des architectures multi-qubits, ce qui ouvre la voie à des réseaux évolutifs, combinant traitement de l’information, stockage et communication.

Source :
A high-resolution molecular spin-photon interface at telecommunication wavelengths. (en français : « Une interface spin-photon moléculaire à haute résolution aux longueurs d’onde des télécommunications »)
Leah R. Weiss et al. ,
Science390,76-81(2025).
DOI:10.1126/science.ady8677
Image de mise en avant : Représentation d’artiste ayant eu recours à l’outil Flux 1.1 Pro Ultra AI Image Generator.