Le diamant détrôné dans sa propre spécialité.
C’est une information qui n’a pas marqué l’opinion publique mais qui est pourtant un grand bouleversement dans le monde des matériaux : le bore-arséniure (BAs), un cristal synthétique relativement méconnu, vient de battre le diamant sur son propre terrain : la conductivité thermique. « Le roi est mort ! Vive le roi ! »
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Le bore-arséniure (BAs) pourrait être un meilleur conducteur thermique que l’ancien champion de la catégorie : le diamant
Comprendre la découverte en quelques mots
Des chercheurs de l’Université de Houston, en collaboration avec Santa Barbara et Boston College, ont mesuré une conductivité dépassant 2 100 watts par mètre-kelvin (W/m·K) à température ambiante. C’est potentiellement supérieur au diamant, qui plafonne autour de 2 200 W/m·K dans ses meilleures formes isotropes.
Le retour du fils prodigue : le bore-arséniure
Le bore-arséniure n’est pas nouveau. Théorisé depuis plus de 10 ans comme un concurrent thermique du diamant, il a longtemps déçu en laboratoire.
Les premiers échantillons atteignaient à peine 1 000 à 1 200 W/m·K, loin des prédictions initiales. En 2017, des modélisations corrigées, intégrant la diffusion phononique à quatre corps, ont abaissé les attentes à 1 360 W/m·K maximum.
Zhifeng Ren, physicien à Houston, n’a jamais été convaincu. Pour lui, le problème venait de la pureté des cristaux. Avec son équipe, il a repris tout le processus : arsenic raffiné, méthode de croissance retravaillée, et surtout, patience. Résultat : des cristaux ultra-propres, capables de briser le plafond théorique.
Une mesure expérimentale qui renverse la théorie
Pour prouver leurs chiffres, les chercheurs ont utilisé un système FDTR (frequency-domain thermoreflectance), une technique très précise de mesure thermique sans contact. Le résultat est clair : le bore-arséniure dépasse les 2 100 W/m·K, soit plus de 50 % au-dessus des limites théoriques révisées !
Cela ne signifie pas que les modèles soient erronés, selon Ren. Mais ils doivent être révisés, car l’expérience montre que la réalité physique est plus généreuse que prévu.
Bien plus qu’un conducteur thermique
Le bore-arséniure n’est pas seulement un bon évacuateur de chaleur. C’est aussi un semi-conducteur prometteur, avec un large gap énergétique et une mobilité élevée des porteurs de charge, que ce soit les électrons ou les trous.
Plus simple à produire que le diamant, il présente aussi un coefficient de dilatation thermique compatible avec les circuits intégrés, ce qui facilite son intégration dans les puces électroniques actuelles.
Bref, une double casquette rare : à la fois dissipateur thermique et matériau actif. Un combo très recherché, surtout dans les secteurs de l’intelligence artificielle, de l’électronique de puissance et du calcul haute performance, où la chaleur est l’ennemi numéro un.
Un record, et après ?
Le projet a été soutenu par 2,8 millions de dollars (2,41 millions d’euros) de la National Science Foundation et par l’entreprise Qorvo, spécialisée dans les composants radiofréquences.
La prochaine étape consistera à optimiser encore les cristaux, et à tester leur tenue en conditions réelles. L’idée n’est pas seulement de battre des records, mais de changer la donne industrielle, en remplaçant à terme le diamant comme matériau thermique de référence.
Comparatif des meilleurs conducteurs thermiques connus
Matériau | Conductivité thermique (W/m·K) | Nature | Particularités techniques |
Bore-arséniure (BAs) | +2 100 | Synthétique, semi-conducteur | Ultra pur, fabrication en laboratoire |
Diamant naturel/synthétique | ~2 000 – 2 200 | Isotrope | Matériau le plus connu pour sa conductivité thermique |
Cuivre (référence industrielle) | ~400 | Métallique | Très utilisé, mais 5 fois moins performant que BAs |
Carbone pyrolytique orienté | ~1 950 | Anisotrope | Seulement dans une direction |
Graphène (théorique) | > 3 000 | 2D, couche unique | Très instable en configuration réelle |
Source :
Thermal conductivity of boron arsenide above 2100 W per meter per Kelvin at room temperature (en français : « Conductivité thermique de l’arséniure de bore supérieure à 2100 W par mètre et par kelvin à température ambiante »),
Ange Benise Niyikiza, Zeyu Xiang, Fanghao Zhang, Fengjiao Pan, Chunhua Li, Matthew Delmont, David Broido, Ying Peng, Bolin Liao, Zhifeng Ren,
Materials Today,
2025,
ISSN 1369-7021,
https://doi.org/10.1016/j.mattod.2025.09.021.
Image : Des chercheurs montent des cristaux d’arséniure de bore sur le système FDTR afin de mesurer leur conductivité thermique (crédit : Université de Houston)