Le radiotélescope ASKAP a capté un signal radio aussi bref qu’intense : une impulsion de 30 nanosecondes s’étendant sur une bande de fréquences de 695,5 MHz à 1031,5 MHz. Ce sursaut ne provenait pas d’un objet céleste lointain, mais d’un satellite désaffecté, Relay 2, en orbite terrestre depuis 1964.
La localisation du signal a reposé sur l’analyse fine des délais d’arrivée entre les antennes du réseau ASKAP. Grâce à une résolution temporelle poussée jusqu’à 3 nanosecondes, les chercheurs ont pu estimer que l’événement s’était produit à 4500 km de distance, dans le champ proche de l’interféromètre.
Le signal a été détecté avec un rapport signal/bruit de 16,3, sans dispersion apparente à 13,8 ms de résolution. C’est cette absence de dispersion qui a permis de soupçonner un phénomène d’origine locale, par opposition aux sursauts radio rapides (FRB) extragalactiques.
Des caractéristiques physiques hors norme
L’impulsion s’est révélée être extrêmement puissante : sa densité de flux moyenne sur 30 ns a été estimée à 300 kilojanskys, avec un pic probablement supérieur à 3 mégajanskys sur moins de 3 nanosecondes. Cette estimation est conservatrice, car les limitations de l’échantillonnage à 1 bit du système de détection réduisent la fidélité des mesures sur des signaux aussi brefs et intenses.
La mesure du dispersion measure (DM) de 2,26·10⁻⁵ pc cm⁻³ correspond à 69,7 unités de contenu électronique total (TECU), soit exactement ce qu’on attendrait d’une traversée unique de l’ionosphère terrestre. Cela confirme que l’origine du signal est bien spatiale mais proche, sans contribution interstellaire significative.
Le signal était fortement polarisé, avec une polarisation linéaire dominante, et des transitions vers une polarisation circulaire à deux bandes spécifiques. Cette signature complexe renforce l’hypothèse d’un mécanisme d’émission électromagnétique atypique.
Le satellite Relay 2 : source du phénomène
Relay 2, mis en orbite en 1964, n’est plus opérationnel depuis 1965. Les archives révèlent qu’il transportait des équipements de communication et des instruments de détection de particules. Lors de l’observation, les coordonnées célestes calculées du satellite correspondaient à 3,2 minutes d’arc du point d’émission, soit 4 km dans le plan du ciel à 4322 km de distance. Une concordance temporelle et spatiale aussi étroite n’est pas compatible avec une coïncidence fortuite.
Le satellite n’émet plus aucune transmission, et l’hypothèse d’un signal intentionnel est donc exclue. Il ne reste que deux scénarios : une décharge électrostatique spontanée, ou un impact de micrométéoroïde.
Une décharge électrostatique : hypothèse la plus probable
Dans l’environnement spatial, les surfaces des satellites peuvent accumuler des charges par interaction avec le plasma. Lorsque le différentiel de potentiel atteint un seuil critique, une décharge électrostatique (ESD) peut se produire sous forme d’un arc électrique entre deux points conducteurs.
Des détections similaires avaient été effectuées à Arecibo, sur des satellites GPS, avec des impulsions de 3000 Jy durant 40–50 microsecondes. Les auteurs de l’étude soulignent que les impulsions observées à Arecibo présentaient une structure similaire, bien que sur des durées 1000 fois plus longues. Il est plausible que le satellite Relay 2, en tant que conception ancienne, utilise des matériaux capables de stocker davantage d’énergie que les satellites modernes.
L’événement de juin 2024 aurait ainsi pu être le fruit d’un arc électrostatique unique, ultra-court, résultant d’une accumulation lente et non monitorée de charges électrostatiques sur les surfaces du satellite.
Un impact de micrométéoroïde reste envisageable
Un impact de micrométéoroïde peut engendrer une émission radio directe, ou bien provoquer une ESD secondaire via la génération d’un plasma conducteur. Des études expérimentales ont déjà enregistré des impulsions de 2 ns après des impacts à moins de 10 km/s.
Des simulations numériques (SPH) ont montré que des impacts à haute énergie peuvent produire des champs électriques de 10 V/m à 40 cm. Pour atteindre les 280 V/m mesurés dans le cas présent, il faudrait un impacteur de 22 microgrammes à 20 km/s. Statistiquement, la probabilité d’un tel événement dans la durée d’observation reste faible (∼1,7 %), mais non négligeable.
Ce scénario expliquerait la brièveté du signal, sa structure impulsionnelle, et potentiellement sa polarisation linéaire, mais ne rend pas compte des deux plages de polarisation circulaire observées.
Une alerte pour les astrophysiciens
Ce type de signal pose un risque élevé de confusion pour les expériences de détection de particules cosmiques, comme celles visant à détecter des impulsions radio de cascades atmosphériques. En effet, ces dernières opèrent également à des échelles de temps de 1 à 100 ns. Un évènement comme celui observé pourrait être interprété à tort comme un phénomène astrophysique rare.
Inversement, les instruments actuels dédiés aux sursauts radio rapides ou à la détection de particules pourraient être réutilisés pour surveiller l’espace proche, et offrir une méthode indirecte de diagnostic des décharges électrostatiques ou des impacts sur les satellites.
Un tel dispositif fournirait une veille passive sur l’état de satellites anciens, sans instrumentation embarquée, et contribuerait à mieux comprendre les risques pour les constellations en orbite.
Caractéristiques de la mission
- Nom : Relay 2
- Désignation COSPAR : 1964 003A
- NORAD ID : 737
- Agence : NASA / RCA (programme Relay d’expérimentation de communications)
- Lancement : 21 janvier 1964, fusée Delta B, LC-17B, Cape Canaveral
Orbite
- Type : elliptique en orbite moyenne
- Période orbitale : ~194,7 minutes
- Périgée : ~1 866 km (ou 2 091 km selon sources)
- Apogée : ~7 648 km (ou 7 411 km selon références)
- Inclinaison : ~46,3°–46,5°
Plateforme et systèmes
- Structure identique à Relay 1, avec correction des réactions accidentelles aux commandes
- Stabilisation : rotation (spin-stabilisé)
- Transpondeurs : deux à l’origine
- Télécommunications :
- Uplink : 1 723,33–1 726,67 MHz
- Downlink : 4 164,72–4 174,72 MHz
Instruments scientifiques
- Étude des ceintures de Van Allen :
- Détecteur proton-électron
- Dispositif de mesure des dommages
- Chambre à ions solide
Durée de mission
- Fin des opérations : 26 septembre 1965
- Fonctionnement des transpondeurs :
- Un jusqu’au 20 novembre 1966
- Autre jusqu’au 9 juin 1967
Paramètres orbitaux additionnels
- Axe semi-majeur : ~11 128 km
- RCS (section radar équivalente) : ~0,71 m²
- Période : ~194,7 minutes
Pour suivre en temps réel le satellite Relay-2 : https://www.n2yo.com/satellite/?s=737
Source de cet article : https://arxiv.org/pdf/2506.11462
Crédit photo : Donald H. Martin, Communications Satellites – Fourth Edition, Martin, D.H., Communication Satellites, 4th ed. AIAA Aerospace Press, 2000.