Le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a émis une alerte maximale pour le mardi 24 juin 2025 sur l’ensemble du littoral girondin. Et il ne s’agit pas d’une mesure de précaution symbolique. Ce jour-là, les conditions océaniques génèrent des courants de baïnes d’une intensité exceptionnelle, capables d’emporter un nageur adulte en quelques secondes, même à faible distance du rivage.
Contrairement à une vague ou à une lame de fond, le courant de baïne ne se voit pas. Il se ressent trop tard, quand vos pieds ne touchent plus le sol, que le rivage s’éloigne malgré vos efforts, et que la panique vous coupe la respiration.
Le mécanisme d’un piège invisible
Une baïne est une dépression creusée dans le sable par le mouvement répété des vagues. À marée haute, l’eau la remplit comme une piscine naturelle. À marée descendante, l’eau piégée dans cette cuvette doit s’évacuer. Elle le fait en générant un courant sortant extrêmement puissant, généralement canalisé dans une zone étroite entre deux bancs de sable. Ce courant, orienté vers le large, peut atteindre plus de 2 mètres par seconde, soit bien plus que la vitesse de nage de n’importe quel sportif.
Ces écoulements se forment perpendiculairement à la plage, souvent là où la mer semble étrangement calme : peu de vagues, surface lisse, allure paisible. C’est précisément ce calme trompeur qui attire les baigneurs. Et c’est là que le danger commence.
Pourquoi vous n’êtes pas plus fort que l’océan
Même si vous êtes en excellente condition physique, même si vous nagez régulièrement, vous ne battrez jamais un courant de baïne. L’erreur la plus fréquente consiste à tenter de revenir au rivage à contre-courant. Ce combat frontal épuise vos réserves en moins d’une minute. La noyade, elle, survient par asphyxie secondaire : inhalation involontaire d’eau, suivie d’une perte de contrôle musculaire.
Le bon réflexe n’est pas de lutter, mais de se laisser porter latéralement, parallèlement à la plage, jusqu’à sortir de la zone de courant, puis revenir tranquillement vers la plage en diagonale.
Encore faut-il le savoir. Encore faut-il y penser, au bon moment.
Les erreurs les plus dangereuses
L’une des plus fréquentes est de se baigner en dehors des zones surveillées. Ces secteurs sont précisément délimités en fonction de l’analyse des courants et des fonds marins. Un maître-nageur sauveteur n’est pas seulement un secouriste : c’est aussi un observateur du relief sous-marin.
Autre erreur : croire que l’on pourra gérer la baignade parce que la mer “a l’air calme”. En réalité, un courant ne génère pas nécessairement de turbulence en surface. Ce n’est pas un tourbillon. C’est un tapis roulant invisible.
Se baigner après un apéritif, un barbecue ou une sieste au soleil : une erreur aux conséquences parfois fatales. L’alcool, même en quantité modérée, altère les réflexes, diminue la perception du froid et modifie la réaction au stress. Quant à la chaleur, elle augmente le risque d’hydrocution.
Ce que les scientifiques savent sur la dynamique des baïnes
Les modèles hydrodynamiques côtiers permettent aujourd’hui de prédire avec une précision accrue les zones à risque. Les travaux du SHOM (Service hydrographique et océanographique de la Marine) couplés aux images satellites et aux modèles de courant développés par Météo-France et l’Ifremer permettent d’anticiper les périodes critiques. Le 24 juin 2025 est une journée marquée par un gradient de marée important, une houle de nord-ouest active, et un fort coefficient de marée : les trois ingrédients les plus favorables à la formation de baïnes actives.
Les publications de chercheurs spécialisés en morphodynamique côtière (laboratoire EPOC, Université de Bordeaux) montrent que les plages girondines sont particulièrement sujettes à des configurations mobiles et instables, avec un déplacement fréquent des baïnes et des bancs de sable. Cela rend toute mémorisation du terrain inefficace : ce que vous avez observé hier ne sera plus vrai aujourd’hui.
Règles élémentaires, efficacité maximale
- Se baigner uniquement dans les zones surveillées, entre les drapeaux, aux horaires indiqués.
- Éviter toute baignade si vous êtes seul : prévenir un proche est une condition minimale.
- Surveiller les enfants en permanence, même s’ils ont pied. Et surtout, ne pas les laisser jouer au bord de l’eau sans présence active d’un adulte.
- Entrer dans l’eau progressivement, surtout après une exposition prolongée au soleil.
- Ne pas se baigner si vous ressentez des frissons, une fatigue ou une gêne respiratoire.
Un corps affaibli devient vulnérable face à un courant.
En cas d’urgence, le réflexe est unique : appeler le 112
Il est accessible même sans réseau local, fonctionne depuis un mobile verrouillé, et déclenche immédiatement l’alerte vers les services de secours compétents.
Sur les plages de Gironde, les équipes de surveillance sont formées aux spécificités des baïnes. Elles sont votre seule chance en cas de dérive non maîtrisée. Mais encore faut-il qu’elles puissent vous voir.
C’est la raison pour laquelle se baigner dans un secteur non surveillé n’est pas seulement un choix personnel : c’est une prise de risque collective, car elle mobilise inutilement des secours, détourne l’attention des zones prioritaires, et compromet l’efficacité d’un sauvetage en cas de situation multiple.