Framatome met la main sur Reaktortest : un rachat stratégique pour surveiller les réacteurs sans les toucher
Inspecter un réacteur nucléaire sans l’ouvrir, ni le couper, ni le démonter ? C’est tout l’art du Contrôle Non Destructif, une discipline aussi exigeante que discrète, où l’erreur n’a pas sa place.
Dans ce domaine, Reaktortest est un acteur clef sur lequel Framatome vient de jeter son dévolu en rachetant l’intégralité des parts.
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Reaktortest, spécialiste de la sécurité des sites nucléaires racheté en totalité par le géant Framatome
Reaktortest a été fondée en 1991, à une époque où la Slovaquie faisait encore partie de la Tchécoslovaquie. Créée comme coentreprise entre Framatome et l’électricien slovaque Slovenské Elektrárne (SE), elle avait pour but d’assurer la qualité et la sécurité des installations nucléaires du pays.
Ses équipes ont notamment œuvré sur les réacteurs de Mochovce 3 et 4, en assurant les contrôles qualité pendant la construction, ainsi que les inspections des cuves des réacteurs en exploitation. Autrement dit : vérifier, avec une précision millimétrique, qu’aucune fissure, corrosion ou défaut n’échappe à la vigilance humaine… ni aux ultrasons.
Une expertise précieuse sur les réacteurs VVER
Les réacteurs slovaques sont de type VVER, une technologie soviétique à eau pressurisée spécifique à l’Europe de l’Est. Les outils, les protocoles et les savoir-faire associés ne sont pas interchangeables avec ceux des REP occidentaux.
| Critère | VVER (réacteur à eau pressurisée soviétique) | REP (réacteur à eau pressurisée occidental) |
|---|---|---|
| Origine | Conçu en URSS / Russie | Développé aux États-Unis, puis en France et dans d’autres pays de l’OTAN |
| Disposition du cœur | Circulaire avec barres de contrôle insérées par le bas | Disposition hexagonale ou en grappe, barres insérées par le haut |
| Forme de la cuve | Verticale avec configuration symétrique | Verticale avec une configuration en grappes horizontales |
| Type de combustible | Assemblages hexagonaux (TVEL) | Assemblages rectangulaires (AREVA/Framatome, Westinghouse) |
| Pression du circuit primaire | Environ 160 bars | Environ 155-158 bars |
| Température moyenne du circuit primaire | 295 à 320 °C | 290 à 315 °C |
| Normes de sûreté | Normes russes (différentes des normes occidentales) | Normes occidentales (INES, ASN, NRC…) |
| Systèmes redondants | Moins nombreux dans les premières générations VVER (440), améliorés dans VVER-1000 et VVER-1200 | Très redondants dès la conception, multiples circuits de secours |
| Puissance thermique typique | 1 500 à 3 000 MWth | 3 000 à 4 500 MWth |
| Implantation géographique | Europe de l’Est, Russie, Asie, pays non-OTAN | France, États-Unis, Corée du Sud, Japon, pays membres de l’OTAN |
Avec ce rachat, Framatome renforce donc sa position sur un marché de niche, très technique, qui concerne une vingtaine de réacteurs encore en activité dans des pays comme la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie ou encore la Bulgarie.
Une présence renforcée en Europe
Reaktortest ne travaille pas qu’en Slovaquie. Ses équipes interviennent aussi en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et dans plusieurs pays de l’Union Européenne. Grâce à cette implantation régionale et cette mobilité, Framatome étend sa couverture de services d’inspection nucléaire sur le Vieux Continent et particulièrement en Europe de l’Est.
Cette acquisition permet aussi de pérenniser la relation industrielle avec Slovenské Elektrárne, qui reste l’opérateur principal du parc nucléaire slovaque. Une collaboration stratégique, d’autant plus que Mochovce 4, encore en cours de finalisation, représente un chantier majeur pour l’approvisionnement énergétique de la région.
La France retrouve des couleurs après son échec en République tchèque
Hasard du calendrier ou réponse stratégique, cette prise de contrôle totale de Reaktortest intervient à peine deux semaines après le revers cinglant subi par EDF en République tchèque. Le géant français du nucléaire a vu son offre pour la construction de plusieurs réacteurs à Dukovany et Temelín rejetée au profit du sud-coréen KHNP, sur un contrat global potentiel estimé à 25,8 milliards d’euros. Une défaite douloureuse, non seulement commerciale, mais aussi symbolique, sur un marché que la France considérait comme historique.
Dans ce contexte, le renforcement de la présence de Framatome au cœur de l’Europe de l’Est prend une autre dimension. La France n’a peut-être pas encore dit son dernier mot dans la région. Reaktortest pourrait bien devenir un levier technique et diplomatique pour continuer à peser sur un échiquier énergétique qui évolue très vite.
Inspecter sans abîmer : les promesses du CND
Le Contrôle Non Destructif repose sur des technologies variées : ultrasons, radiographie, courants de Foucault, thermographie infrarouge… Le but ? Détecter des défauts à l’intérieur des matériaux sans les altérer.
C’est un savoir-faire irremplaçable dans le nucléaire, où la moindre défaillance d’un composant peut avoir des conséquences importantes. En reprenant Reaktortest, Framatome se dote d’un centre de compétence de premier plan, capable de répondre aux exigences des clients VVER, mais aussi de proposer de nouvelles offres techniques à l’international.
Et après ? Un cap sur de nouveaux marchés
Reaktortest ne compte pas se limiter aux chantiers historiques. Dans les mois à venir, l’entreprise prévoit de développer de nouveaux services pour élargir sa clientèle : centrales nucléaires en exploitation, installations en construction, ou encore partenaires industriels en quête de certifications avancées.
La livraison finale de Mochovce 4 est un objectif clé mais c’est aussi la croissance du marché VVER, avec plusieurs projets en cours ou en discussion en Europe centrale, qui motive cette opération.
Framatome, en devenant actionnaire unique, sécurise une compétence stratégique dans un domaine où la fiabilité vaut bien plus que le volume.
Source : Framatome
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