Le grand bond nucléaire du Royaume-Uni avec le Sizewell C.
C’est signé ! Le Royaume-Uni vient de donner le feu vert définitif à la construction de la centrale nucléaire Sizewell C, un projet titanesque estimé à 38 milliards de livres soit environ 44 milliards d’euros. Cette décision, actée le 22 juillet 2025 par le ministre de l’énergie Ed Miliband, engage le pays dans une nouvelle étape de son histoire énergétique et est une excellente nouvelle pour notre champion national : EDF.
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Un casting d’investisseurs public-privé très étudié pour l’un des plus grands chantiers du monde : Sizewell C
Dans les coulisses du projet, le gouvernement britannique prend d’emblée 44,9 % des parts, devenant ainsi l’actionnaire principal. L’entreprise canadienne La Caisse entre à hauteur de 20 %, suivie par Centrica (15 %) et Amber Infrastructure (7,6 %, avec une option à 10 %). Du côté français, EDF mise prudemment sur 12,5 %.
Pour équilibrer ce montage financier, l’agence française Bpifrance Assurance Export met la main à la poche avec une garantie d’emprunt de 5 milliards de livres (environ 5,8 milliards d’euros), appuyant les prêts d’EDF. Un signal de confiance dans la capacité du projet à tenir ses promesses, du moins sur le papier.
Le nucléaire financé par les consommateurs, dès le premier coup de pioche
Grande nouveauté : le financement repose sur le modèle “Regulated Asset Base”, qui implique que les usagers commenceront à payer pour la centrale dès la phase de construction. Oubliez l’ancien système, où les développeurs devaient avancer tous les coûts avant de toucher le moindre centime. Ici, c’est l’ardoise partagée qui entre en vigueur.
Selon les estimations, cela reviendra à environ 1 livre par mois et par ménage pendant la durée des travaux. Une ponction modeste, certes, mais anticipée et donc mieux intégrée aux budgets des foyers.
Deux EPR pour six millions de foyers et soixante années de service
Sizewell C accueillera deux réacteurs EPR, pour une puissance combinée de 3,2 gigawatts. En théorie, cela permettra d’alimenter six millions de foyers britanniques en électricité bas carbone pendant au moins 60 ans.
Il s’agit du jumeau technologique de Hinkley Point C, en construction à Somerset. L’idée ? Capitaliser sur les leçons apprises pour aller plus vite, réduire les coûts, et éviter les retards répétés que le secteur connaît trop bien.
D’ailleurs, la facture annoncée de 38 milliards de livres représente environ 20 % d’économies par rapport à Hinkley Point C. Un effort de rationalisation assumé, qui s’appuie sur des négociations serrées avec les fournisseurs, des audits externes et une méthodologie quasi chirurgicale dans l’estimation des dépenses.
Un placement stratégique dans l’économie britannique
L’un des intérêts de Sizewell C dépasse la production d’énergie : il s’agit aussi d’un investissement dans l’industrie nationale. Tom Greatrex, président de l’Association nucléaire britannique, ne cache pas son enthousiasme : “C’est le plus grand projet vert et industriel de notre époque.”
L’impact attendu est triple :
- Des milliers d’emplois qualifiés, notamment dans les régions en déclin industriel,
- Une réduction de la dépendance aux importations de gaz, surtout en période de tensions internationales,
- Un socle énergétique stable pour accompagner la transition électrique du pays, des véhicules aux pompes à chaleur.
Des risques identifiés, un calendrier encore fragile
Malgré l’enthousiasme officiel, les responsables du projet restent sur leurs gardes. Nigel Cann, co-directeur de Sizewell C, rappelle que toute infrastructure de cette ampleur comporte des aléas. Retards, pénuries, hausses de prix : personne n’est à l’abri.
Pour limiter les dégâts, la chaîne d’approvisionnement a été contractuellement incitée à maîtriser les coûts. Si les délais dérapent, les investisseurs perdront une partie de leurs revenus. Un garde-fou intelligent, censé éviter les dérives bien connues du secteur nucléaire.
La prochaine étape : finaliser la licence économique de Sizewell C, ce qui permettra ensuite d’entrer dans la phase dite de “Revenue Commencement”. Ce jalon, prévu pour le quatrième trimestre 2025, débloquera définitivement les flux financiers et lancera les travaux à grande échelle.
Une réplique qui pourrait relancer la filière nucléaire européenne
Au-delà des frontières britanniques, Sizewell C est observé avec attention par les autres pays européens. C’est la première fois que le Royaume-Uni valide un clone de centrale, basé sur un design éprouvé. En clair : un réacteur déjà en construction, adapté sans bouleversements techniques.
Ce principe de “fleet approach” – construire en série plutôt que de tout réinventer – permettrait d’accélérer les chantiers, de fiabiliser les prévisions budgétaires et de réduire la pression sur les équipes d’ingénierie. Un modèle inspirant pour des pays comme la France ou la Finlande, où chaque centrale est encore conçue comme une pièce unique.
L’Europe, qui cherche à rattraper son retard sur le solaire et l’éolien face à la Chine, pourrait bien voir dans cette approche un moyen de redonner au nucléaire une place stratégique dans le mix énergétique.
Les EPR déjà construits ou en projet dans le monde
Pays | Site | Statut | Nombre de réacteurs | Puissance totale (GW) | Coût estimé (en euros) | Mise en service |
---|---|---|---|---|---|---|
Chine | Taishan | En service | 2 | 3,3 | 15 milliards | 2018 (unité 1), 2019 (unité 2) |
France | Flamanville | En construction (terminé) | 1 | 1,6 | 13,2 milliards | 2024 (tests), 2025 (exploit. commerciale) |
Royaume-Uni | Hinkley Point C | En construction | 2 | 3,2 | 53 milliards | 2029 (unité 1), 2031 (unité 2) |
Royaume-Uni | Sizewell C | Décision finale d’investissement | 2 | 3,2 | 44 milliards | Travaux dès 2025, mise en service après 2035 |
Inde | Jaitapur | En projet (négociations finales) | 6 | 9,6 | ≈ 50 milliards | Non défini |
Finlande | Olkiluoto 3 | En service | 1 | 1,6 | 11 milliards | 2023 |
Source : EDF Energy
Image : Photographie aérienne de la centrale nucléaire de Sizewell B 2014 (John Fielding)
Je ne suis pas sur que ce soit une très bonne affaire ! Surtout pour les français qui devront le payer cet EPR… Comme tous les autres passes et futur.
C’est une excellente nouvelle