Un porte-conteneurs, un énergéticien, et une mer un peu plus propre.
Un armateur et un énergéticien qui s’associent pour remplir les réservoirs… de gaz naturel liquéfié ? Voilà un duo qu’on n’avait encore jamais vu en France. TotalEnergies et CMA CGM viennent d’annoncer la création d’une coentreprise dédiée au soutage de GNL dans les ports d’Europe du Nord. Un partenariat aussi pragmatique qu’ambitieux, pour tenter de verdir un secteur qui carbure encore lourdement au fioul lourd.
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Direction Rotterdam pour le nouveau bébé de TotalEnergies et CMA CGM, en passant par Marseille et Paris
L’accord a été signé entre Marseille, fief de CMA CGM, et Paris, où TotalEnergies a ses quartiers. Ensemble, les deux géants français vont piloter un navire avitailleur de GNL de 20 000 mètres cubes, capable de ravitailler les cargos et porte-conteneurs dans la région Amsterdam-Rotterdam-Anvers.
Objectif : être opérationnels d’ici 2028, avec un service logistique complet, depuis le terminal de stockage jusqu’au réservoir du navire-client. Un peu comme une station-service flottante, sauf que le carburant est cryogénique et que les clients mesurent parfois 400 mètres de long.
Un carburant plus propre, mais pas magique
Le GNL n’est pas parfait. Il reste une énergie fossile mais c’est aujourd’hui l’une des meilleures options disponibles pour réduire l’impact du transport maritime sans attendre des technologies encore en gestation. Par rapport au fioul lourd classique, il permet :
- une réduction des gaz à effet de serre d’environ 20 %,
- 85 % de particules fines en moins,
- 99 % d’émissions de soufre en moins.
Et si, demain, on bascule sur du bio-GNL ou du GNL de synthèse, les gains environnementaux pourraient dépasser les 80 %. Ce n’est pas le graal, mais c’est déjà un très bon début !
Une livraison de GNL longue durée, jusqu’en 2040
Dans les cartons du partenariat, il y a aussi un accord d’approvisionnement massif : jusqu’à 360 000 tonnes de GNL par an, livrées à CMA CGM entre 2028 et 2040. Ce volume colossale permettra d’alimenter les 123 navires dual-fuel du groupe, capables de passer au GNL en un simple switch de vanne.
Et c’est bien ça, le cœur du projet : garantir un approvisionnement stable et fiable pour ces navires nouvelle génération, tout en développant un réseau logistique digne de ce nom dans les grands ports européens.
Un mariage qui dure depuis 2017
CMA CGM et TotalEnergies ne se rencontrent pas pour la première fois. Leur histoire commune a commencé en 2017, avec une série d’accords pour tester et sécuriser le GNL marin. Parmi les grandes dates :
2017 : accord à Rotterdam pour 300 000 tonnes/an.
2019 : même chose à Marseille, à hauteur de 250 000 tonnes/an.
2020 : premier avitaillement de GNL à Rotterdam sur un géant des mers.
2021 : avitaillement à Dunkerque, 16 400 m³ de GNL livrés.
2022 : première livraison de navire à navire à Marseille Fos.
Autant dire que ce nouveau projet n’est pas une tentative hasardeuse. Il s’appuie sur une relation de confiance déjà bien rodée, avec des dizaines de milliers de mètres cubes déjà livrés sans encombre.
Deux Français dans la course mondiale au verdissement maritime
D’un côté, TotalEnergies, troisième acteur mondial du GNL, avec 40 millions de tonnes vendues en 2024, et des investissements massifs pour améliorer la chaîne de valeur : liquéfaction, transport, regazéification, soutage…
De l’autre, CMA CGM, poids lourd du transport maritime, avec plus de 650 navires, 420 ports desservis, et une stratégie affirmée : atteindre le Net Zéro Carbone d’ici 2050, grâce à une flotte à carburants alternatifs, à des optimisations logistiques, et à un mix énergétique en constante évolution.
Ce duo a les moyens d’agir à grande échelle et surtout, ils montrent qu’on peut faire bouger une industrie aussi massive que celle du fret maritime, dès maintenant.
Et pendant ce temps-là, GTT trace sa route dans les cuves géantes
Impossible de parler GNL en France sans mentionner GTT. Cette entreprise basée à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, au sud de Paris, est la championne mondiale des cuves cryogéniques pour le transport de gaz liquéfié. Concrètement, GTT ne construit pas de navires, elle conçoit les membranes ultra-techniques qui tapissent l’intérieur des méthaniers, ces mastodontes blancs qui traversent les océans à -162 °C.
GTT équipe près de 80 % de la flotte mondiale de transport de GNL. Un quasi-monopole discret, mais stratégique. Grâce à son expertise, le gaz peut voyager sans s’évaporer, même sur des milliers de kilomètres, et être livré dans les ports européens, asiatiques ou américains sans perte significative.
Ces dernières années, GTT s’est aussi aventurée sur le segment du GNL carburant, avec des solutions adaptées aux navires marchands et même aux ferries. Une manière de s’ancrer dans la transition énergétique, tout en conservant sa spécialité : la haute technologie au service du froid extrême.
Source : TotalEnergies