La menace invisible des physalies sur les plages basques.
Chaque été, les plages françaises accueillent leur lot de vacanciers, de cerfs-volants… et parfois d’invités moins sympathiques. Ce 24 juillet, la plage de Marbella à Biarritz et celle de la Petite Chambre d’Amour à Anglet ont été fermées à la baignade. La raison : la présence en nombre d’un animal marin spectaculaire et redouté, souvent confondu avec une méduse. Leurs noms varient selon les rivages, galère portugaise, vessie de mer, Physalia physalis, mais leur effet sur la peau reste universel : des brûlures sévères et immédiates.
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Un organisme qui n’en est pas un effraie les côtes de Nouvelle-Aquitaine
Contrairement à ce que laisse croire son apparence, la physalie n’est pas une méduse. Ce n’est même pas un animal unique. C’est un siphonophore, un organisme colonial constitué de plusieurs individus spécialisés, appelés zoïdes, qui ne peuvent vivre séparément. Certains s’occupent de la flottaison (avec une vésicule remplie de gaz qui agit comme une voile), d’autres de la digestion, d’autres encore de la reproduction.
Flottant à la surface comme un petit bateau de verre, la physalie dérive au gré du vent. Elle peut mesurer jusqu’à 30 centimètres pour la partie émergée, mais cache sous l’eau des tentacules pouvant dépasser les 10 mètres de long. C’est là que réside le danger : chaque centimètre est couvert de cellules urticantes capables d’injecter un venin neurotoxique.
Des effets qui ne se limitent pas à la baignade
Une physalie échouée sur le sable n’est ni morte ni inoffensive. Ses tentacules restent actifs pendant plusieurs jours. Un simple contact, souvent involontaire, peut provoquer des lésions cutanées sévères : sensation de brûlure, œdème, urticaire, voire dans certains cas des nausées, une gêne respiratoire ou des troubles du rythme cardiaque.
Le CHU de Bordeaux précise qu’il ne faut jamais se frotter la peau. Le geste réflexe est contre-productif : il risque d’éclater les cellules urticantes et de libérer davantage de venin.
Le protocole d’urgence, entre mousse à raser et carte bancaire
En cas de contact, l’eau de mer est votre alliée, pas l’eau douce. Il faut rincer la zone atteinte à l’eau de mer, appliquer ensuite de la mousse à raser (qui piège les cellules urticantes), puis retirer les résidus avec une carte rigide, la fameuse carte bancaire se transforme en outil de premier secours.
Le recours au sable chaud ou à l’urine, souvent évoqué dans les conversations de serviette, est formellement déconseillé. En cas de malaise ou de réaction violente, il faut se rendre immédiatement au poste de secours ou composer le 15.
Pourquoi les physalies arrivent-elles maintenant ?
Leur présence est liée aux vents dominants et aux courants océaniques. Lorsque le vent souffle du large vers la côte, les physalies peuvent être poussées jusqu’aux rivages. Ces derniers jours, les conditions météo réunies ont favorisé leur arrivée sur le littoral basque.
Elles sont plus fréquentes en été et en automne, mais leur venue reste imprévisible. Certaines années, on ne les voit pas. D’autres fois, elles débarquent par centaines. L’augmentation de la température de surface de l’océan Atlantique, observée depuis plusieurs années, pourrait accroître leur fréquence, selon certains spécialistes.
Nouvelle-Aquitaine : des mesures de plus en plus réactives
La fermeture des plages ce 24 juillet à Biarritz et Anglet n’est pas une première, mais elle s’inscrit dans un cadre de surveillance renforcé. Les autorités locales, en lien avec les sauveteurs et les scientifiques, scrutent régulièrement le littoral.
Les panneaux de signalisation sont mis à jour en temps réel. Le drapeau rouge reste l’indicateur majeur : il interdit la baignade pour tous, quelles que soient les conditions. Dans certaines communes, un signal spécifique est même dédié aux physalies.
Ce type d’alerte est devenu un rituel d’été pour les habitants et les vacanciers. Il faut dire que la région Nouvelle-Aquitaine, avec ses 720 kilomètres de côtes, est en première ligne. La façade atlantique, exposée aux vents du sud-ouest, constitue une zone de passage privilégiée pour ces siphonophores.
Une fausse méduse, un vrai casse-tête pour les biologistes
La Physalia physalis intrigue autant qu’elle inquiète. Sa biologie fascine les chercheurs : sa colonie fonctionne comme un organisme unique, chaque zoïde étant génétiquement identique, mais morphologiquement et fonctionnellement spécialisé.
On retrouve des physalies dans toutes les mers chaudes et tempérées du globe. Certaines espèces, comme la Physalia utriculus dans le Pacifique, sont plus petites et moins toxiques. La version atlantique, elle, est parmi les plus urticantes connues.
Son venin contient un cocktail de toxines agissant sur les cellules nerveuses, musculaires et cutanées. À ce jour, il n’existe pas d’antidote spécifique. Les traitements se limitent au soulagement des symptômes : analgésiques, antihistaminiques, et parfois corticoïdes.
La prudence est donc de mise. Si vous apercevez une bulle bleutée sur l’eau ou le sable, ne vous approchez pas. Le spectacle peut être fascinant, mais la rencontre est rarement agréable.
Source images : Explore Ocean