GTT met le cap sur le numérique avec l’acquisition de Danelec.
GTT, champion français des technologies pour le transport de gaz liquéfié, vient de prendre une sérieuse longueur d’avance dans la course à la digitalisation du maritime. Le 31 juillet 2025, le groupe a officialisé l’acquisition de Danelec, une entreprise danoise qui s’est fait un nom dans la collecte et l’analyse des données embarquées sur les navires. Une opération stratégique qui transforme le profil de GTT et conforte son ambition : devenir la référence mondiale de la performance maritime connectée.
Le montant de l’opération n’a pas été rendu public, mais ses implications sont claires. En intégrant Danelec à son pôle digital, déjà fort des entités Ascenz Marorka et Vessel Performance Solutions, GTT double presque son empreinte numérique. Le groupe couvre désormais plus de 17 000 navires dans le monde avec ses outils logiciels et capteurs intelligents. Une base installée qui en dit long sur l’ambition : offrir aux armateurs une plateforme unifiée, capable d’optimiser les performances, renforcer la sécurité à bord, et accompagner la transition écologique.
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Danelec, un achat qui devrait rapporter dès la première année pour GTT
Sur le papier, l’opération coche toutes les cases. Elle sera relutive dès la première année, ce qui signifie concrètement qu’elle augmentera le bénéfice net par action. C’est rare, surtout dans un secteur où les intégrations prennent souvent du temps. Cela laisse penser que les synergies sont déjà bien identifiées et que les deux entreprises travaillaient de longue date en parallèle sur des problématiques similaires.
Le potentiel de croissance est aussi au rendez-vous. Le maritime est en pleine mutation réglementaire et énergétique. Réduction des émissions, optimisation des trajets, maintenance préventive : toutes ces exigences passent par la donnée. Et dans ce domaine, Danelec a un vrai savoir-faire : ses boîtiers collectent, agrègent et envoient des données en continu depuis les navires, y compris en haute mer. GTT met donc la main sur un outil très opérationnel, prêt à se connecter à ses propres solutions.
Une organisation repensée autour du numérique
L’arrivée de Danelec ne se limite pas à une ligne de produits de plus dans le catalogue. GTT a choisi de restructurer entièrement son pôle digital autour de deux grands blocs : d’un côté, Performance & Monitoring Solutions, dirigé par Anouar Kiassi, et de l’autre, Safety & Equipment, placé sous la responsabilité de Christian Kock.
L’ensemble sera piloté par Casper Jensen, ancien PDG de Danelec, désormais promu vice-président exécutif digital de GTT. Il intègre également le comité exécutif du groupe. Ce passage de relais est stratégique. Non seulement il garantit la continuité des projets en cours, mais il permet aussi de capitaliser sur l’expertise danoise en matière de capteurs, d’interface machine, et de visualisation des données maritimes.
Une carte maîtresse dans le grand jeu de la décarbonation
Le cœur du sujet est là. Le transport maritime représente environ 3 % des émissions de CO₂ mondiales. La pression réglementaire monte, notamment du côté de l’Organisation maritime internationale, qui impose désormais des indicateurs de performance énergétique (comme l’EEXI ou le CII) pour tous les navires de commerce. Les armateurs sont donc à la recherche de solutions à la fois fiables, déployables rapidement, et capables de produire des résultats concrets.
Avec cette acquisition, GTT ne se contente plus de concevoir des cuves cryogéniques ou des membranes pour méthaniers. Il devient un acteur intégré, du hardware au logiciel, capable d’accompagner ses clients depuis la conception du navire jusqu’à son exploitation quotidienne. Une évolution logique, mais exigeante, qui suppose un pilotage fin, tant technique qu’humain.
Un signal fort pour les marchés et les clients
Côté financier, l’opération est bien perçue. GTT reste une entreprise à forte marge, bien capitalisée, et inscrite dans les indices européens de référence. L’élargissement de ses activités vers le digital donne un coup d’accélérateur à sa stratégie de diversification, tout en s’appuyant sur ses points forts : expertise technique, réputation industrielle, et capacité à innover dans un secteur conservateur.
Côté client, le message est clair. L’offre ne sera plus morcelée, ni cloisonnée. Avec cette plateforme digitale élargie, les armateurs pourront piloter leur flotte comme un gestionnaire d’actifs, en s’appuyant sur des indicateurs partagés et des outils d’analyse sophistiqués. Moins de fuel, moins d’arrêts imprévus, plus de données : une équation qui parle autant au directeur technique qu’au financier.
De la Compagnie des Indes à GTT : un héritage maritime réinventé pour la France ?
Il y a trois siècles, la Compagnie française des Indes orientales pilotait depuis Lorient les routes du commerce mondial. Ses navires reliaient les épices de Pondichéry, les soieries de Canton et les cafés d’Arabie aux ports européens, avec à bord des cargaisons précieuses, mais surtout une puissance géoéconomique inédite. Elle tenait ses pouvoirs directement du roi, maniait la monnaie, signait des traités et anticipait les flux bien avant l’invention du mot logistique.
Aujourd’hui, les voiles ont disparu, les cargaisons ont changé, mais l’idée de maîtrise maritime reste intacte et nous assumons le parallèle qui paraitra certes un peu trop “vendeur” pour certains. À sa manière, GTT pourrait bien incarner un héritier contemporain de cette ambition française à l’échelle globale. Non pas en tant qu’armateur ou négociant, mais comme architecte invisible de la performance maritime numérique, depuis les soutes cryogéniques jusqu’aux interfaces intelligentes qui suivent en direct la consommation de chaque tonne de GNL.
Là où la Compagnie des Indes posait des comptoirs, GTT tisse une toile digitale mondiale, en connectant 17 000 navires à des plateformes de données, à des algorithmes prédictifs, à des jumeaux numériques capables de simuler des routes optimisées ou des pannes évitées. Les épices d’hier ont laissé place aux mégawatts d’aujourd’hui, et la flotte à voile a été remplacée par un écosystème logiciel piloté depuis des centres d’ingénierie en France, à Singapour ou au Danemark.
En réunissant Danelec, Ascenz Marorka et VPS, GTT ne construit pas un empire commercial, mais un réseau d’influence technique, à la jonction entre énergie, performance et décarbonation. Un peu comme la Compagnie en son temps, le groupe agit en coulisses du commerce mondial, avec un impact bien plus vaste que sa taille apparente ne le laisse penser. Ce sont ses solutions qui déterminent comment un navire manœuvre, quand il ralentit, où il consomme, combien il émet.
Et si la Compagnie des Indes contrôlait les routes pour maximiser les profits de Versailles, GTT, lui, construit l’infrastructure numérique du transport maritime propre, avec un horizon clair : rendre chaque navire plus efficient, plus sûr, plus sobre.
Les 3 entités numériques de GTT
Entité | Fonction principale | Responsable | Rôle dans l’écosystème GTT |
---|---|---|---|
Ascenz Marorka | Suivi de performance et optimisation opérationnelle | Anouar Kiassi Senior Vice President Performance & Monitoring Solutions |
Analyse des données de navigation, consommation, vitesse, émissions CO₂. Interface client pour le pilotage énergétique en temps réel. |
Danelec | Collecte de données, connectivité embarquée, sécurité | Casper Jensen Executive Vice President Digital |
Boîtiers VDR, enregistreurs de données maritimes, hubs de communication. Intégration temps réel des données pour les systèmes GTT. |
Vessel Performance Solutions (VPS) | Analyse fine de performance long terme | Rattachée à l’entité Performance & Monitoring | Modélisation avancée des performances sur le cycle de vie du navire. Diagnostic, alertes de dérive, reporting ESG. |
Source : Communiqué de presse de GTT
Image : Vue aérienne du cargo porte-conteneurs en mer (Freepik).