Clash nucléaire au Royaume-Uni ! newcleo choisit l’exil en France et dans des pays plus réceptifs aux nouvelles générations de réacteurs

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La nouvelle pépite du nucléaire newcleo se détourne du Royaume-Uni.

Le 30 juillet 2025, la start-up nucléaire newcleo, spécialisée dans les réacteurs rapides refroidis au plomb (en anglais Lead-Cooled Fast Reactors ou LFR) et le recyclage du combustible usé, a annoncé la suspension de ses activités de développement au Royaume-Uni. Fondée à Londres en 2021 avec de grandes ambitions, l’entreprise a fait part de son souhait dans un communiqué de pesse de désormais concentrer ses efforts sur les territoires qui, selon elle, jouent vraiment le jeu du cycle fermé du combustible. Autrement dit : des pays prêts à transformer leurs déchets nucléaires en énergie utile.

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newcleo est une start-up franco-italienne fondée en 2021 à Londres par le physicien Stefano Buono, avec pour ambition de révolutionner le nucléaire civil grâce à des SMR (Small Modular Reactor, petit réacteur modulaire dans la langue de Molière), et plus précisément avec des réacteurs rapides refroidis au plomb (LFR), une technologie encore expérimentale mais très prometteuse. Elle vise à fermer le cycle du combustible en utilisant comme carburant du plutonium ou des déchets nucléaires déjà stockés, transformant ainsi un passif stratégique en ressource énergétique. Dès ses débuts, newcleo s’est démarquée par une approche industrielle pragmatique, en s’appuyant sur des technologies éprouvées issues des réacteurs russes et italiens. Son objectif est de construire une vingtaine de petits réacteurs modulaires à travers l’Europe, notamment en France, Slovaquie, Lituanie et, jusqu’à récemment, au Royaume-Uni. L’entreprise se positionne à l’avant-garde des réacteurs dits de génération IV, plus sûrs, plus compacts et capables de recycler les déchets nucléaires.

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Un projet ambitieux au Royaume-Uni, freiné par l’inaction politique

Depuis 2021, newcleo tentait de négocier l’accès au stock britannique de plutonium, stocké à Sellafield, pour le recycler comme carburant dans ses futurs réacteurs. À cela s’ajoutaient des demandes claires de soutien politique et financier, comparables à ceux accordés aux autres SMR (Small Modular Reactors), notamment ceux de Rolls-Royce.

Malheureusement depuis… Silence radio, ou presque. Malgré des efforts salués, comme la validation de son projet par l’exigeante commission britannique Generic Design Assessment (GDA), l’entreprise estime que le Royaume-Uni n’offre plus un environnement crédible pour l’émergence des réacteurs de quatrième génération. Les programmes envisagés autour de Great British Energy ou du National Wealth Fund ? Intéressants sur le papier, mais sans calendrier, ni budget clair.

Pendant ce temps-là la France, la Slovaquie et la Lituanie déroulent le tapis rouge

newcleo ne quitte pas la scène nucléaire, elle change de décor. En France, les signaux sont clairs : fermeture du cycle du combustible à l’horizon 2100, politique volontariste, et soutien étatique au nucléaire avancé. En Slovaquie, l’entreprise a même créé une coentreprise avec JAVYS, l’opérateur nucléaire national, pour construire jusqu’à quatre LFR utilisant le combustible usé du pays. Et en juin, la Lituanie a signé un accord similaire.

En comparaison, le Royaume-Uni semble paralysé. Pourtant, newcleo proposait une alternative intéressante : réutiliser le plutonium stocké, éviter de construire une poubelle géologique hors de prix, et produire une électricité bas carbone à partir d’un matériau déjà sur place. Un scénario quasi circulaire, rejeté faute de soutien concret.

Un coup dur pour l’écosystème britannique… et une occasion manquée

Le projet initial prévoyait la construction de jusqu’à quatre réacteurs totalisant 800 MW, pour un investissement de 4 milliards de livres, soit environ 4,7 milliards d’euros. À la clé : 1,6 million de foyers alimentés, 400 emplois directs pendant six décennies, et des milliers d’emplois pour la construction et les sous-traitants.

Le départ de newcleo ne signifie pas un abandon complet. Une petite équipe reste en poste, pour surveiller d’éventuels revirements de politique mais en attendant, la fuite des cerveaux est amorcée, et les talents britanniques de l’entreprise sont redéployés, parfois dans d’autres pays européens plus réceptifs.

Le nucléaire avancé, oui. Mais encore faut-il y croire

Dans le communiqué de presse de newcleo, le fondateur Stefano Buono a exprimé une certaines frustration. Il a rappelé que newcleo avait fait le pari du Royaume-Uni dès le début de l’entreprise, précisément parce que le pays semblait prêt à innover. Quatre ans plus tard, le constat est sans appel : la préférence va aux solutions connues, aux réacteurs classiques, au détriment des technologies de rupture.

Or, l’enjeu est là. Si l’on veut vraiment recycler les déchets nucléaires, éviter de stocker pendant 100 000 ans du plutonium inutilisé, et produire de l’électricité en réduisant les volumes à enfouir, alors les réacteurs de quatrième génération sont la seule voie technique viable. Les AMR (Advanced Modular Reactor, en clair les SMR de nouvelle génération) comme ceux de newcleo ne sont pas juste une lubie technologique : ce sont des accélérateurs de transition énergétique.

Comment lutter contre la Chine qui construit des centrales nucléaires à 1,84 € le watt quand la France paie le double et les États-Unis près de 14 ?

Un communiqué pour informer… ou pour faire pression ?

Derrière les formules mesurées du communiqué de newcleo, une question se pose : s’agit-il d’un simple constat d’échec ou d’une manœuvre stratégique pour relancer les discussions avec Londres ? En choisissant de rendre publique sa décision de se retirer du Royaume-Uni tout en la liant explicitement à l’absence de soutien politique, l’entreprise envoie un signal clair. Elle ne se contente pas d’acter un repli ; elle désigne un responsable. Et le fait de préciser qu’elle a écrit au ministère de l’Énergie et au Trésor laisse penser qu’il s’agit aussi d’un coup de pression calculé, pour pousser le gouvernement à réagir.

Une manière de dire : vous avez encore une carte à jouer, mais le temps presse. Entre volonté de se dédouaner face à ses investisseurs et tentative de créer un électrochoc institutionnel, le ton du communiqué oscille entre lucidité stratégique et appel du pied politique.

Source : Communiqué de presse de newcleo

Image : Vue de la tour de l’horloge de Big Ben à Londres au coucher du soleil, au Royaume-Uni (Freepik, retouchée à l’aide de Canva à des fins de représentation de l’article).

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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