Une surprise enterrée sous les pieds des Bourbonnais.
La France complètement larguée dans la course au lithium et aux batteries ? Alors vous n’avez pas encore pris connaissance du projet d’Imerys qui vient de revoir (très) fortement à la hausse les réserves potentielles qui se cacheraient dans l’Allier, plus précisément dans la région de Beauvoir. Zoom sur un projet hautement stratégique qui prend de l’ampleur dans le centre de la France.
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Ils pensent tenir le jackpot français : le lithium dévoile ses secrets dans l’Allier
Au départ, Imerys pensait avoir mis la main sur une réserve conséquente : 117 millions de tonnes de ressources avec une teneur moyenne de 0,9 % d’oxyde de lithium (Li2O), représentant plus d’un million de tonnes de lithium, 0,13 % d’étain et 0,02 % de tantale. En réalité les dernières observations feraient état de 373 millions de tonnes de minerai, anticipant un coût de production de « 7 € le kg ». Ce n’est plus un gisement, c’est une nappe phréatique de lithium version rocheuse !
De quoi repositionner la France dans le haut du classement européen, derrière le Portugal, qui se croyait tranquille sur son trône.
Du granit au lithium, il y a plus qu’un pas
Il ne suffit pas de creuser pour faire des batteries. Ce lithium, il est piégé dans un minéral rose-violet qu’on appelle lépidolite, qui n’est pas franchement coopératif : il faut de la chimie, des bains acides, des étapes complexes pour en tirer l’hydroxyde de lithium dont raffolent les constructeurs de voitures électriques.
Heureusement, Imerys connaît bien le terrain. Cela fait vingt ans qu’ils auscultent chaque caillou du coin, e qui leur a permis de développer une technologie maison, taillée pour ce granite d’Auvergne.
Le plan prévoit une usine pilote en 2026, pour tester le process à petite échelle. Si tout roule, on passe à la vitesse supérieure avec une exploitation commerciale dès 2028. Objectif annuel : 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium, de quoi équiper environ 700 000 véhicules électriques chaque année.
Quand l’Allier rêve d’industrie verte
Ce projet, baptisé « Emili » (pour Exploitation de MIca Lithium), ce n’est pas juste une mine. C’est un levier pour réindustrialiser une région longtemps mise à l’écart. Imerys prévoit plusieurs centaines d’emplois directs et indirects, dans une zone qui a bien connu les fermetures d’usines.
En Europe, plus de 80 % du lithium raffiné vient d’Asie, surtout de Chine. Autant dire qu’avoir une production française, sourcée localement, change la donne. Plus besoin de faire voyager les matières premières sur 15 000 kilomètres pour produire une batterie à Douai ou à Rüsselsheim.
Une addition salée et un chèque à plusieurs mains
Tout cela a un prix et malheureusement comme tout projet d’envergure, il pique un peu : 1,8 milliard d’euros. Le groupe cherche donc des alliés : constructeurs automobiles, fabricants de batteries, investisseurs publics ou européens.
En parallèle, des discussions sont en cours avec l’État et Bruxelles pour obtenir des subventions ou garanties dans le cadre des politiques de souveraineté minérale.
Pourquoi ce besoin de soutien ? Parce que traiter de la lépidolite, c’est énergivore, exigeant, et peu courant à l’échelle industrielle. Il faut donc innover, optimiser, tester, encore et encore. D’où l’usine pilote.
Pas touche à la nappe phréatique
Alors bien sûr, tout le monde ne saute pas de joie. Dans l’Allier, certaines associations écologistes tirent la sonnette d’alarme. Elles s’inquiètent de l’impact sur les nappes d’eau souterraines, les paysages, les habitats naturels. On les comprend : une mine, même souterraine, ça change un territoire.
Imerys promet une exploitation propre, économe en eau, et des engagements clairs de réhabilitation. Pas de terrassements géants à ciel ouvert comme dans le désert de l’Atacama, mais une approche plus douce.
Les élus locaux, eux, sont partagés entre prudence et enthousiasme. Une relance industrielle, oui mais pas à n’importe quel prix. Le calendrier a déjà été ajusté pour tenir compte des remarques locales. C’est un bon signe. Le vrai défi sera d’avancer en transparence et avec les habitants.
Le sous-sol français se réveille
Ce gisement de Beauvoir pourrait bien être le début d’un réveil minier. Le Massif central, les Alpes, les Vosges regorgent de roches porteuses de métaux stratégiques. Jusqu’ici, on les regardait à peine. Trop cher, trop complexe, trop long.
Aujourd’hui, avec la montée des besoins en batteries, la donne change. L’Europe veut se rendre autonome. Et la France redécouvre qu’elle a des ressources sous les pieds qu’elle ignorait ou dédaignait. Le lithium n’est peut-être qu’un début.
Résumé en chiffres lisible en un clin d’œil :
- 373 millions de tonnes de ressources minérales identifiées
- 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an en vitesse de croisière
- 700 000 batteries de voiture possibles chaque année
- 50 ans d’exploitation prévus
- 1,8 milliard d’euros d’investissement estimé
- Usine pilote visée pour 2026
- Début de production commerciale espéré en 2028
Sources :
- https://emili.imerys.com/actualites/la-campagne-de-sondages-geologiques-2022-livre-des-premiers-resultats-positifs
- https://france3-regions.franceinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/allier/montlucon/mine-de-lithium-dans-l-allier-imerys-reporte-le-lancement-mais-vise-50-ans-d-extraction-3195168.html
- https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/1_-_241120_emili__imerys_delibere_cle01861a.pdf