Et si l’on pouvait bientôt recharger tout… sans câble, sans perte, et sans prise ?
C’est un rêve que l’humanité fait depuis plus d’un siècle. Nikola Tesla imaginait déjà en 1901 un système de transmission d’électricité via l’ionosphère terrestre, donc où il serait possible de recharger son portable ou sa voiture sans fil !
Son projet, trop ambitieux pour l’époque, n’a jamais abouti et a probablement précipiter la ruine de l’inventeur qui croyait dur comme fer aux bienfaits de l’électromagnétisme.
Une équipe de chercheurs japonais, menée par le professeur Hiroo Sekiya à l’université de Chiba, vient peut-être de trouver comment nous rapprocher de ce vieux rêve en résolvant l’un des principaux freins techniques à la recharge sans fil.
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La dépendance à la charge, vrai problème de la recharge sans fil enfin résolu ?
La recharge sans fil existe déjà. On l’utilise sur les brosses à dents électriques, certains smartphones, et même sur des objets connectés. Elle repose sur un principe assez simple : on crée un champ électromagnétique qui transfère l’énergie d’un émetteur à un récepteur.
Sauf que dans la réalité, ça coince vite. Car dès que la charge change, par exemple, si votre appareil consomme plus ou moins d’énergie, le système devient instable. Il se met à chauffer, à perdre de l’efficacité, voire à dysfonctionner. C’est ce qu’on appelle la dépendance à la charge.
Une idée toute simple (et pourtant brillante) : laisser l’IA concevoir le circuit
Plutôt que d’essayer de corriger à la main les défauts de ces systèmes, l’équipe japonaise a eu une idée : laisser une machine apprendre toute seule à créer le circuit parfait.
Ils ont modélisé le comportement électrique du système avec des équations complexes, en intégrant des paramètres bien réels, comme les imperfections des composants, les pertes dans les bobines, ou la fameuse capacité parasite des diodes, un détail qui joue beaucoup quand on cherche la stabilité.
Ensuite, ils ont utilisé un algorithme génétique, une forme d’intelligence artificielle qui s’inspire de l’évolution naturelle, pour tester des milliers de variantes de circuits. À chaque fois, la machine testait, évaluait, modifiait, améliorait… jusqu’à trouver la configuration la plus stable et la plus efficace.
Résultat : une recharge stable, même quand tout bouge autour
Le système conçu de cette façon a été testé sur un circuit de type “classe EF” (ceux qui aiment les détails techniques apprécieront). Et les résultats sont bluffants.
Là où les systèmes classiques voyaient leur tension varier jusqu’à 18 % en fonction de la charge, le nouveau circuit n’a pas dépassé 5 % de variation. Surtout, il a gardé ce que les ingénieurs appellent la commutation à tension nulle, une propriété qui garantit un rendement optimal sans échauffement excessif.
En clair, même quand la charge varie, le système reste stable, performant, et efficace. Il délivre jusqu’à 23 watts de puissance avec 86,7 % d’efficacité, ce qui est un excellent score, surtout à haute fréquence (6,78 MHz, pour les curieux).
Même à faible charge, le système ne décroche pas. Il reste fluide, fiable, et consomme très peu.
Pourquoi c’est une petite révolution
Jusqu’ici, tout le monde cherchait à perfectionner la recharge sans fil en s’attaquant à un problème après l’autre. L’équipe japonaise, elle, a pris un raccourci intelligent : et si on confiait la conception du circuit à une machine qui comprend la physique et apprend par elle-même ?
C’est un changement de méthode, mais surtout, un changement de perspective. Et les applications sont nombreuses.
Parce que si ce type de système devient fiable, peu coûteux, et facile à intégrer, alors on pourra l’imaginer partout : dans les voitures, dans les bureaux, sur les plans de travail, dans les lieux publics, sous les tables, au plafond…
« C’est un pas important vers une société complètement sans fil », explique le professeur Sekiya. « Et comme ce système est simple à construire, il peut être miniaturisé et intégré facilement dans des objets du quotidien. »
Son objectif ? Que la recharge sans fil devienne une norme dans les 5 à 10 prochaines années.
L’électricité de demain… sans prise de tête
Il y a quelque chose de très poétique à imaginer l’électricité devenir aussi invisible que le Wi-Fi. À ne plus avoir besoin de chercher un chargeur, un câble, ou une prise. À poser son téléphone sur une table et le voir se recharger.
Mais pour que cette vision devienne réalité, il fallait que la technologie rattrape nos envies. C’est ce que cette recherche japonaise semble être en train de faire.
Le plus fascinant, c’est que cette percée n’a pas été obtenue avec un seul composant magique, mais avec une approche nouvelle, hybride, entre l’intelligence humaine, la modélisation physique, et l’apprentissage automatique.
Source :
N. Fukuda et al., “ML-Based Fully-Numerical Design Method for Load-Independent Class-EF WPT Systems,” in IEEE Transactions on Circuits and Systems I: Regular Papers, doi: 10.1109/TCSI.2025.3579127.