Le mythe du « gaucher créatif » s’effondre après un siècle de données.
L’image du gaucher visionnaire, pinceau à la main ou plume inspirée, vient de prendre un sérieux coup. Des psychologues de l’Université Cornell ont épluché près de mille études publiées depuis 1900 pour vérifier si, vraiment, les gauchers sont plus créatifs que les droitiers. Verdict : aucun avantage clair pour les gauchers. Pire (ou mieux, selon le camp), dans certaines expériences, les droitiers ont même un léger avantage.
Au terme de ce tri monumental, seuls 17 travaux répondaient aux critères : tests normalisés, groupes bien définis, comparaison directe entre gauchers et droitiers. Un siècle d’idées reçues vient donc de s’évaporer.
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Les gauchers ne seraient pas plus “créatifs” que les autres d’après cette étude
La créativité n’est pas mesurée au doigt mouillé. Les chercheurs ont utilisé les trois principaux tests de pensée divergente, cette capacité à produire rapidement plusieurs idées et à faire des liens inattendus. Résultat : aucune différence notable entre les deux mains dominantes.
Dans certaines situations, les droitiers se sont même montrés plus performants. De quoi surprendre, puisque la pensée divergente est majoritairement soutenue par l’hémisphère droit du cerveau… le même côté que l’on associe souvent, à tort, à la main gauche.
Un mythe forgé par des exceptions marquantes
Pourquoi, alors, cette croyance tenace ? Les auteurs avancent plusieurs pistes. D’abord, le “l’exceptionnalité du gaucher” : l’idée que ce qui est rare doit être spécial. Or, être gaucher est rare (environ 10 à 15 % de la population), tout comme être un génie créatif. Le rapprochement est tentant.
Ensuite, l’association historique entre art, gaucherie et “folie”. Les données montrent que les gauchers, plus présents dans les métiers artistiques, connaissent aussi des taux plus élevés de dépression et de schizophrénie. Un cocktail parfait pour nourrir le mythe de l’artiste torturé, ce créateur maudit dont la douleur serait la source de l’inspiration.
Les pièges statistiques qui entretiennent la légende
Le professeur Daniel Casasanto, auteur principal de l’étude, insiste sur le biais de confirmation, cette tendance à ne retenir que les données qui confirment une croyance. Quelques études isolées, montrant un excès de gauchers dans l’art ou la musique, ont été largement citées pendant des décennies.
Le problème : ces métiers ne représentent qu’une infime partie des professions créatives. En élargissant le regard à un éventail plus large : sciences, architecture, littérature, ingénierie, l’avantage supposé des gauchers disparaît complètement.
Une leçon sur la résistance des mythes
Ce travail montre à quel point une idée séduisante peut survivre à des montagnes de preuves contraires. Il suffit de quelques cas frappants pour alimenter l’imaginaire collectif, même si la réalité statistique dit autre chose. Comme le résume Casasanto, « si on regarde l’ensemble de la littérature scientifique, ce mythe ne tient pas ».
Désolé pour les gauchers (dont je fais partie) mais il semble bien qu’en définitive, notre “talent” pour écrire particulièrement mal ne soit pas compensé par un surplus de créativité !
Source :
Handedness and creativity: Facts and fictions (en français : “Latéralité et créativité : entre faits et idées reçues”) par Owen Morgan, Siyi Zhao and Daniel Casasanto, 27 juin 2025, Psychonomic Bulletin & Review.
DOI: 10.3758/s13423-025-02717-2