Un plastique qui résiste au feu, se recycle à l’infini et guérit tout seul.
Loin des plastiques jetables de nos emballages, les chercheurs de l’université Texas A&M ont mis au point une matière aux performances impressionnantes : l’Aromatic Thermosetting Copolyester, ou ATSP pour les intimes. Ce polymère technique n’a pas seulement une mémoire de forme, il possède aussi un instinct de survie. Quand on le chauffe après une fissure ou une déformation, il se répare tout seul, reprend sa forme et retrouve sa résistance !
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C’est un peu comme si votre pare-chocs, après une collision, reprenait son allure d’origine simplement en passant sous une lampe chauffante. Mieux encore, ce plastique se recycle en boucle sans perdre ses propriétés. On peut le broyer, le faire fondre, le mouler à nouveau, et il continue à encaisser les coups comme au premier jour.
Une prouesse testée dans des conditions extrêmes
Ce n’est pas dans une salle de classe qu’on a validé ces propriétés. L’équipe dirigée par le professeur Mohammad Naraghi a mis l’ATSP à rude épreuve : cycles de pliage répétés, températures grimpant jusqu’à 280 °C, tests de fatigue par flexion. À chaque étape, le matériau a surpris.
Lors d’une série de cinq chocs thermomécaniques, l’ATSP a réussi à récupérer près de 100 % de sa résistance initiale après deux réparations. Même après le cinquième cycle, il conservait 80 % de sa robustesse. La structure chimique ne montrait aucun signe de dégradation, et les images de microscopie révélaient une matière quasiment identique à l’originale.
Un champion du recyclage moléculaire
La plupart des plastiques thermodurcissables finissent à la décharge ou à l’incinérateur. L’ATSP, lui, fait exception. Il appartient à une famille rare : les polymères vitrifiables dynamiques. Ces matériaux peuvent, lorsqu’on les chauffe à la bonne température, réorganiser leurs liaisons chimiques internes, tout en conservant leur réseau de polymères d’origine.
Ce mécanisme de vitrification permet au matériau de se régénérer sans fondre. Il ne se ramollit pas comme une pâte à modeler, il active des passerelles moléculaires pour “recoller” les dégâts. Cette approche ouvre des perspectives fascinantes pour des applications où la longévité est un enjeu majeur.
L’aéronautique en ligne de mire
Dans le domaine de l’aérospatial, chaque kilogramme compte et chaque fissure peut coûter des vies. Or, l’ATSP, une fois renforcé avec des fibres de carbone, devient plus léger que l’aluminium et plus résistant que l’acier. On parle ici d’une matière capable de supporter des cycles thermiques intenses tout en gardant sa forme et sa rigidité.
Cela en fait un candidat sérieux pour les carénages d’avion, les structures de fusée ou les composants de satellite. D’autant que la capacité d’auto-réparation peut limiter les interventions de maintenance ou les remplacements coûteux.
Des voitures plus sûres et plus durables
Le secteur automobile pourrait aussi tirer profit de cette innovation. En cas de petit choc urbain, une pièce de carrosserie en ATSP pourrait se redresser sous l’effet d’une source de chaleur, évitant un passage au garage ou un remplacement inutile. Ce type de comportement élastique et mémoriel pourrait améliorer la sécurité passive des véhicules tout en réduisant le volume de déchets plastiques.
En recyclant ces composants dans une boucle fermée, les constructeurs pourraient aussi abaisser leur empreinte environnementale. On s’éloigne du plastique jetable, pour entrer dans l’ère du plastique intelligent.
Une recherche financée par la défense
L’étude a été financée par l’Air Force Office of Scientific Research (AFOSR), un acteur qui ne finance pas des gadgets. Les applications envisagées vont bien au-delà du design ou du confort. Il s’agit de développer des matériaux de nouvelle génération pour les systèmes critiques : drones de reconnaissance, boucliers thermiques, équipements embarqués sur avions supersoniques…
Les résultats de l’équipe de Texas A&M et de l’université de Tulsa, en collaboration avec la start-up ATSP Innovations, ouvrent une brèche dans l’histoire des matériaux polymères. Une brèche… Autoréparante, cela va de soi !
Chiffres clés :
Propriété | Valeur ou comportement |
Température de vitrification | Environ 160 à 280 °C selon l’usage |
Taux de récupération après 2 cycles | 100 % de la résistance initiale |
Taux après 5 cycles | 80 %, sans dégradation chimique |
Résistance finale avec fibres de carbone | Supérieure à l’acier, plus léger que l’aluminium |
Recyclabilité | 100 % sans perte de performance |
Sources :
- Shape Memory and Fatigue Reversal in a Covalent Adaptive Network Polymer below Glass Transition Temperature (en français : “Mémoire de forme et inversion de fatigue dans un polymère à réseau adaptatif covalent en dessous de la température de transition vitreuse”)
Louis O. Vaught, Mohammad Naraghi, Jacob L. Meyer, Andreas A. Polycarpou
Publié le 10 avril 2025 dans Macromolecules
https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.macromol.4c02376 - Identifying the origin of intrinsic self-healing gradual decay in vitrimer carbon fiber reinforced polymer composites (en français : “Identification de l’origine de l’auto-réparation intrinsèque et de la dégradation progressive dans les composites vitrimer renforcés de fibres de carbone”)
Tanaya Mandal, Unal Ozten, Mohammad Naraghi
Publié le 18 juillet 2025 dans Journal of Composite Materials
https://doi.org/10.1177/00219983251362394
Image : Vue à haut angle de boules multicolores sur fond blanc (Freepik).