En Mongolie-Intérieure, la révolution verte commence… dans un champ de maïs.
Ce qu’il reste d’une moisson, on le regarde rarement deux fois. Des tiges brisées, des feuilles poussiéreuses, un peu de terre accrochée aux racines… Ce qu’on appelle pudiquement « résidus agricoles » finit le plus souvent brûlé ou abandonné au sol. Pourtant, en Mongolie-Intérieure, ces déchets sans avenir sont en train de devenir le carburant d’une nouvelle industrie propre.
LONGi, le mastodonte chinois du solaire et de l’hydrogène, vient d’y lancer un projet pour le moins ambitieux : transformer 600 000 tonnes de déchets de ferme en 400 000 tonnes de méthanol vert par an.
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La Chine continue d’accroitre ses capacité de production en e-méthanol avec un projet de méga-usine en Mongolie-Intérieure
Chaque année, plus de 100 millions de tonnes de méthanol sont produites dans le monde. À plus de 95 %, ce méthanol est encore issu d’énergies fossiles, principalement du gaz naturel et, dans une moindre mesure, du charbon. La Chine, à elle seule, représente plus de 60 % de cette production mondiale, notamment pour alimenter son industrie chimique et ses carburants alternatifs. Le marché mondial pèse plus de 45 milliards d’euros, et il est en croissance constante, poussé par la demande dans le transport maritime, l’industrie pétrochimique et la fabrication de matériaux.
Côté usages, le méthanol est un véritable couteau suisse. On le retrouve dans les colles, les peintures, les plastiques, les textiles synthétiques, les solvants industriels, et même dans certains carburants pour voitures ou navires. Ces dernières années, le fret maritime s’y intéresse de près : plusieurs géants du transport, comme Maersk, ont déjà commandé des cargos capables de fonctionner au méthanol vert. En parallèle, l’industrie aéronautique explore son potentiel comme carburant intermédiaire dans la fabrication d’e-kérosène, via la réaction Fischer-Tropsch.
L’intérêt pour le méthanol renouvelable explose, car il permet de réduire drastiquement les émissions de CO₂, tout en s’appuyant sur des infrastructures déjà existantes. LONGi s’inscrit donc pile au bon moment, dans une bascule industrielle mondiale où le “même produit” change de recette, en remplaçant le fossile par le végétal et l’électrolyse. C’est un peu comme produire de la bière avec de l’eau de pluie et de l’orge bio : le goût reste le même, mais l’empreinte carbone n’a plus rien à voir.
Une usine à méthanol née des vents et du soleil
Le décor du projet de LONGI ? Une plaine battue par les vents, baignée de lumière, loin des grandes mégapoles. C’est là, dans le parc industriel d’Urad Rear Banner, que le chantier a commencé. Le principe est ingénieux : on combine la chimie de la biomasse à la puissance de l’électricité verte.
Phase 1 : 190 000 tonnes de résidus agricoles seront chauffées pour produire un gaz riche en carbone, appelé syngaz. Pendant ce temps, 100 électrolyseurs, modèles 5 mégawatts de LONGi, transformeront de l’eau en hydrogène grâce à l’énergie éolienne et solaire locale. Ce mélange, passé à la moulinette de catalyseurs bien choisis, deviendra du méthanol.
L’objectif ? Doubler la mise
Et ce n’est que la première couche du millefeuille. La phase 2 du projet prévoit d’ajouter 210 000 tonnes de biomasse supplémentaires. LONGi compte installer 850 mégawatts d’éolien et 200 mégawatts de solaire. Une vraie centrale énergétique à ciel ouvert, dédiée à l’agriculture recyclée.
À terme 400 000 tonnes de méthanol vert sortiront chaque année de cette usine. De quoi alimenter la chimie, les carburants maritimes ou même de futures filières d’e-kérosène. Et surtout, 1,2 million de tonnes de CO₂ évitées chaque année. C’est comme si on retirait 250 000 voitures thermiques de la circulation.
Des usines qui poussent comme des coquelicots
Cette centrale n’est pas un coup d’essai. LONGi a décidé de miser gros sur les carburants verts. Depuis 2024, le groupe enchaîne les projets. À Xuchang, dans la province du Henan, une autre usine transforme 600 000 tonnes de paille en méthanol, tout en produisant 30 mégawatts d’électricité sur site. Un peu plus au sud, à Lianyungang (province du Jiangsu), une troisième unité est en construction, pour un investissement de 825 millions d’euros.
À chaque fois, le modèle est le même : réutiliser ce que l’agriculture laisse derrière elle, capter l’énergie du vent et du soleil, et recomposer une molécule utile, sans puiser dans les hydrocarbures.
Un changement de paradigme ? Disons plutôt une réinvention du bon sens.
Le méthanol, ce liquide oublié qui revient en force
On parle souvent d’hydrogène, parfois d’ammoniac ou encore de batteries au lithium mais le méthanol est le mal-aimé des carburants verts. Liquide, stable, facile à stocker et à transporter.
Le hic, c’est que le méthanol est traditionnellement issu du gaz naturel, une source fossile. LONGi prend donc le contre-pied en le produisant à partir de végétaux et d’eau. Un méthanol qui ne rejette que le carbone qu’il a absorbé durant la croissance des plantes. Autrement dit : un carburant à bilan neutre, ou presque.
Dans les ports, les chantiers navals, les entrepôts chimiques, ce genre de produit commence à intéresser. Parce qu’il est prêt à l’emploi et parce qu’il coche toutes les cases de la transition énergétique.
Un mot du terrain : du bon sens, encore et toujours
Yu Litao, l’un des dirigeants de LONGi Clean Energy, résume bien la philosophie du projet :
« Le district d’Urad Rear dispose de ressources abondantes en vent et en solaire, ce qui permet une électricité verte à faible coût et rend possible une production d’énergie à grande échelle économiquement viable. » Sous-tendu : « Pourquoi aller chercher du carbone à 5 000 kilomètres, quand on peut l’extraire du sol sous nos pieds ? »
Cette logique n’est pas réservée à la Chine. En France, chaque année, des millions de tonnes de paille, de rafles, de résidus viticoles ou forestiers ne sont pas valorisées. Il ne manque qu’un maillon pour enclencher la boucle : des électrolyseurs bon marché, et une usine prête à les combiner à la biomasse.
Peut-être que ce que LONGi est en train de construire en Mongolie-Intérieure préfigure ce qui pourrait émerger dans la Beauce, les Landes ou la Champagne. À condition d’y croire.
Quelques chiffres sur le projet de LONGi :
Élément | Détail |
---|---|
Localisation | Urad Rear Banner, Mongolie-Intérieure (Chine) |
Investissement | 325 millions de dollars (~275 millions d’euros) |
Production annuelle de méthanol | 400 000 tonnes |
Déchets agricoles valorisés | 600 000 tonnes/an |
Puissance des électrolyseurs | 100 unités × 5 MW |
Énergies renouvelables installées | 850 MW éolien + 200 MW solaire |
Réduction annuelle de CO₂ | 1,2 million de tonnes |
Emplois créés | Environ 1 000 |
Source : https://fuelcellsworks.com/2025/08/13/clean-technology/longi-starts-work-on-massive-biomass-green-hydrogen-methanol-project-in-inner-mongolia