Le béton devient intelligent : Saint-Gobain muscle son offre chimique avec trois acquisitions ciblées
Trois entreprises viennent de passer sous pavillon Saint-Gobain. Le géant français de la construction durable investit dans la chimie de demain avec des achats stratégiques en Amérique du Nord, en Italie et au Pérou. Une manière discrète, mais efficace, de réinventer le béton.
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Une chimie au service des architectes… et de la planète
Interstar Materials, c’est le roi des couleurs du béton. Basée au Canada, cette entreprise fabrique des pigments granulaires qui transforment les façades ternes en compositions vibrantes. Ces granulés ne se contentent pas de faire joli : ils sont plus stables, plus propres, plus durables que les alternatives liquides. Et surtout, ils plaisent de plus en plus aux architectes. Grâce à son ancrage canadien et américain, Interstar donne à Saint-Gobain un accès renforcé au marché nord-américain, tout en complétant les gammes déjà proposées par la filiale Chryso.
Isoltech ou l’isolation qui fait mousser
Du côté de l’Italie, Saint-Gobain met la main sur Isoltech, une entreprise qui fait du béton… léger. Grâce à une mousse spéciale, cette technologie permet de produire des bétons aux excellentes performances thermiques et acoustiques. Résultat : des bâtiments mieux isolés, plus confortables et moins énergivores. L’entreprise italienne opère dans un marché stratégique du nord de l’Italie, où l’innovation dans les matériaux de construction est particulièrement dynamique. Là encore, Saint-Gobain ne cherche pas seulement à grossir, mais à enrichir son portefeuille avec des briques technologiques prometteuses.
Pérou : un pari sur l’avenir
La troisième acquisition, Soquimic, se joue à 10 000 kilomètres de là, au Pérou. Cette PME locale fabrique des adjuvants pour béton et dispose de deux sites de production à Lima et Arequipa. Pourquoi ce rachat ? Parce que le marché péruvien est en pleine effervescence. Urbanisation galopante, besoin de logements, infrastructures à moderniser : tout pousse Saint-Gobain à s’implanter davantage dans la région, surtout après le rachat en 2021 de Z Aditivos. Une brique de plus pour construire la croissance future.
Trois acquisitions, une stratégie
Ces trois rachats, qui représentent ensemble environ 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, s’inscrivent dans la stratégie “Grow & Impact” du groupe. Le but ? Consolider sa position de leader mondial, tout en accélérant la transition vers une construction plus durable. Saint-Gobain mise ici sur des solutions complémentaires, techniques, et souvent invisibles pour le grand public… mais indispensables pour verdir le secteur du bâtiment.
Le rôle clé de Chryso
Derrière ces opérations, une filiale joue les chefs d’orchestre : Chryso, rachetée en 2021, spécialiste de la chimie de la construction. Grâce à elle, les nouveaux venus bénéficieront de synergies en R&D, en logistique, mais aussi en développement commercial. Le but est clair : leur permettre de proposer des matériaux à faible empreinte carbone, adaptés aux nouveaux standards environnementaux et réglementaires.
Miser sur le béton : un pari stratégique
Saint-Gobain a tout intérêt à muscler sa présence sur le marché du béton, car ce dernier reste le matériau de construction le plus utilisé au monde, et sa demande ne faiblit pas. Malgré les enjeux climatiques, le béton continue de s’imposer dans les chantiers d’infrastructures, d’habitat urbain et de bâtiments industriels, notamment dans les pays émergents ou en pleine transition urbaine. La taille du marché mondial des adjuvants pour béton était estimée à 18,86 milliards de dollars (environ 17,4 milliards d’euros) en 2024 et devrait atteindre 29,27 milliards de dollars (environ 27 milliards d’euros) d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel moyen de 7,8 % entre 2025 et 2030. Cette croissance est attribuée à l’augmentation des activités de construction et de développement des infrastructures, en particulier dans les régions en forte urbanisation.
En investissant dans des technologies comme les bétons décoratifs, légers ou isolants, Saint-Gobain ne se contente pas de suivre la tendance : il la précède. Ce positionnement sur la chimie du béton lui permet de capter une valeur ajoutée croissante dans un secteur en mutation, tout en renforçant son engagement vers une construction plus durable et plus technique.
Une dynamique mondiale bien huilée
Ces opérations ne sont d’ailleurs pas des coups isolés. Saint-Gobain multiplie les acquisitions ciblées pour densifier sa présence dans les matériaux techniques. En 2024, le groupe a notamment racheté Baumit au Portugal, spécialiste des mortiers prêts à l’emploi, et IMPAC au Mexique, leader local des solutions d’étanchéité. En 2023, il s’était déjà offert Kaycan, un géant canadien du bardage vinyle, pour près de 800 millions d’euros, et GCP Applied Technologies, un acteur majeur des additifs pour béton, pour plus de 2 milliards d’euros. Résultat : plus de 20 acquisitions réalisées depuis 2021, représentant près de 5 milliards d’euros d’investissements.
En 2024, Saint-Gobain a généré 46,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec un résultat d’exploitation de 5,3 milliards d’euros, et plus de 161 000 collaborateurs dans 80 pays. Cette croissance externe méthodique renforce les segments à forte valeur ajoutée, tout en consolidant son ambition : devenir l’acteur central de la construction durable à l’échelle mondiale.
Sources :
- Saint Gobain
- Chiffres sur le marché des adjuvants : https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/concrete-admixtures-market
Image : Plan moyen vue de côté de l’ingénieur tenant des plans (Freepik).