Ce géant français des mers se positionne sur un ancien bastion russe et veut faire de ce port stratégique une porte d’entrée française sur le Moyen-Orient

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CMA CGM injecte 200 millions d’euros pour transformer le port de Lattaquié en hub régional.

Sous le soleil de la Méditerranée orientale (le “Levant” comme on disait autrefois), un port en reconstruction pourrait bien redessiner les routes du commerce et positionner la France dans une zone stratégique. Le géant français CMA CGM vient d’annoncer l’accélération de la deuxième phase d’expansion du terminal à conteneurs de Lattaquié, en Syrie. Au programme : 200 millions d’euros investis, des équipements dernier cri, et une ambition clairement affichée : faire renaître ce port stratégique, en sommeil depuis trop longtemps.

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Une relance sous haute tension à Lattaquié

Le 1er mai 2025, la concession du terminal a été renouvelée pour 30 ans, donnant le feu vert à un chantier colossal. Il s’agit ici d’aller bien au-delà des 30 millions d’euros déjà injectés dans la première phase. Cette fois, on parle de transformation structurelle.

Pour CMA CGM, le port de Lattaquié n’est pas un simple quai. C’est un symbole de relance. Le groupe veut y faire passer plus d’un million de conteneurs EVP par an, dans un terminal modernisé, digitalisé, capable d’accueillir des navires de 16 mètres de tirant d’eau.

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La fin du monopole russe sur la façade syrienne

Ce revirement ne s’est pas fait sans secousses. Pendant près d’une décennie, la Russie régnait sans partage sur Lattaquié. Après son intervention militaire en 2015, Moscou avait installé ses marques, avec des unités navales, des hangars sécurisés, et des ambitions commerciales portées par des sociétés d’État. Le port était vu comme un avant-poste stratégique, tant pour les convois que pour les hydrocarbures.

Mais le décor s’est fissuré. En dépit de leur présence, les Russes n’ont jamais pu moderniser le terminal à la hauteur des besoins. Trop de lenteurs, pas assez d’investissements, un climat d’affaires devenu étouffant. Petit à petit, l’influence moscovite a reculé, laissant place à une logique plus commerciale. Le contrat décroché par CMA CGM a marqué un tournant discret mais profond. La Syrie maritime se tourne désormais vers l’Ouest.

Un terminal taillé pour la Méditerranée moderne

Ce que CMA CGM prévoit, c’est une mutation complète du terminal. On ne parle pas seulement de quais rallongés ou de grues flambant neuves. On parle de gestion logistique automatisée, de systèmes intégrés pour le suivi des marchandises, de digitalisation temps réel pour réduire les coûts, les délais, les goulets d’étranglement.

Lattaquié deviendra un port capable de faire jeu égal avec Beyrouth, Mersin ou même Haïfa. Il pourra traiter les cargos géants, ceux qui irriguent l’Irak, la Jordanie, voire les routes du Golfe. Et surtout, il assurera le retour d’un flux de marchandises stable vers la Syrie, pays dont les besoins de reconstruction sont immenses.

La logistique comme artère de la reconstruction

Le port ne vivra pas en autarcie. L’un des axes majeurs du projet repose sur la connexion du terminal au réseau routier et ferroviaire syrien. L’objectif est simple : que chaque conteneur arrivé à quai puisse, en moins de 48 heures, rejoindre Damas, Alep ou les zones frontalières. CMA CGM envisage même la création de ports secs dans plusieurs villes syriennes, pour assurer une répartition fluide des marchandises sans congestion au terminal.

Derrière ces mots techniques se joue un vrai enjeu humain : permettre l’acheminement rapide de nourriture, de médicaments, de matériaux à des populations souvent coupées du reste du monde. Ce port, c’est une artère. Un cœur logistique qui doit battre à nouveau.

La CMA CGM va investir 200 millions d'euros dans le port syrien de Lattaquié.
La CMA CGM va investir 200 millions d’euros dans le port syrien de Lattaquié.

Une prise de risque assumée

Dans un pays encore sous le coup de sanctions internationales, où les infrastructures sont fragiles et les équilibres politiques mouvants, investir 200 millions d’euros relève du pari. Pourtant, CMA CGM avance, confiant dans sa stratégie. Le groupe sait que la Syrie est une pièce du puzzle régional. Et qu’en s’y ancrant aujourd’hui, il prend une longueur d’avance sur les futures routes commerciales du Proche-Orient.

Lattaquié, en se reconnectant à la mer et au rail, pourrait redevenir un hub incontournable de Méditerranée orientale. Cette fois, non plus comme une base militaire, mais comme un trait d’union entre les peuples et les marchés.

La France possède 33% de la flotte mondiale d’un type de navires particulièrement stratégiques et objet de toutes les attentions en 2025 : les câbliers

Synthèse du projet de CMA CGM à  Lattaquié

Élément Détail
Montant de l’investissement 200 millions d’euros
Phase actuelle Deuxième phase (complément de 30 M€ déjà engagés)
Capacité visée Plus de 1 million d’EVP/an
Tirant d’eau prévu Jusqu’à 16 mètres
Digitalisation Automatisation, traçabilité, plateformes connectées
Intermodalité Connexions ferroviaires et routières à Damas, Irak, Golfe
Ports secs Projetés dans plusieurs grandes villes syriennes
Date de signature 1er mai 2025 (concession de 30 ans)
Part de marché actuelle 95 % des flux conteneurisés de Syrie
Ancien acteur dominant Russie (présence en repli depuis 2023–2024)

 

Source : CMA CGM

Image : Le littoral à Lattaquié.

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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