L’ammoniac a le vent en poupe dans le secteur maritime.
Ils posent devant la machine comme on poserait devant une fusée. À l’usine J-ENG d’Akashi, au Japon, ingénieurs, techniciens et partenaires du projet sourient. Ils savent qu’ils tiennent quelque chose. qu’ils viennent de marquer l’histoire du transport maritime avec ce moteur de 7 cylindres capable de faire voguer un cargo avec comme unique carburant de l’ammoniac, une première mondiale qui pourrait annoncer de grands bouleversements.
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Un géant mécanique aux accents doux pour l’atmosphère
Faites place au 7UEC50LSJA-HPSCR :! Un nom à rallonge et un jeu de patience garanti pour les ingénieurs mais avec des résultats sans appel pour l’environnement. Sept cylindres, cinquante centimètres d’alésage, une double alimentation adaptable à l’ammoniac ou au fioul lourd. Grâce à la réduction catalytique sélective, les oxydes d’azote chutent : l’ammoniac agit comme déclencheur en neutralisant les émissions néfastes, sans résidu notable en retour.
Pour un secteur responsable à lui seul de près de 3 % des émissions mondiales, c’est un tournant majeur.
L’ammoniac au cœur du processus
La batterie de tests n’a rien laissé au hasard : NYK Line, Nihon Shipyard, JMU, ClassNK… Autant de vigies qui ont validé le moteur, désormais embarqué sur un cargo flambant neuf à partir de 2026.
Entre mai 2023 et septembre 2024, les ingénieurs de J-ENG et Mitsubishi Heavy Industries ont soumis un prototype monocylindre à plus de 1 000 heures d’essais. Tout y est passé : combustion, température, corrosion, sécurité, étanchéité.
Puis, en avril 2025, le vrai moteur, en version complète, est entré en scène. Il a tourné 700 heures dans les conditions réelles d’un moteur marin pour prouver qu’un carburant aussi toxique, instable et exigeant que l’ammoniac peut être maîtrisé à grande échelle.
Bilan carbone : la claque pour les gaz à effet de serre
Utiliser l’ammoniac à 95% permet de faire plonger les émissions de gaz à effet de serre de plus de 90% puisque le moteur n’émet que 3 ppm de N₂O (protoxyde d’azote). Autant dire rien du tout à l’échelle industrielle. Ammoniac pratiquement tous brûlés, performance thermique maintenue. Les promesses d’efficacité ne font l’objet d’aucune concession.
L’histoire ne s’arrête pas là : un modèle à 60 centimètres d’alésage est déjà dans les tuyaux pour étendre l’innovation aux cargos XXL. La flotte commerciale de demain lorgne déjà du côté d’une neutralité carbone réaliste, pas fantasmée.
Oui, l’ammoniac est dangereux mais on sait désormais le dompter
L’ammoniac est un poison. À forte concentration, il peut brûler les poumons, les yeux, la peau. Il faut des circuits parfaitement étanches, des capteurs sensibles, des systèmes de sécurité qui réagissent en quelques millisecondes.
J-ENG a intégré tout cela dans son moteur. Des boucles de surveillance automatiques, des zones confinées, des procédures d’arrêt immédiat. Ce n’est pas seulement une prouesse mécanique. C’est un acte de foi dans une transition énergétique exigeante, mais réaliste.
Surtout, contrairement à l’hydrogène, l’ammoniac est plus dense, plus facile à stocker, et déjà manipulé à grande échelle dans les ports du monde entier. Il pourrait devenir, dès cette décennie, le carburant de choix pour des milliers de navires.
Le Japon prend la barre du maritime du futur
Pendant que l’Europe tâtonne, que les États-Unis parient encore sur le méthanol, le Japon trace sa route.
J-ENG prépare déjà une version plus massive du moteur, avec un alésage de 60 centimètres, destinée aux plus gros cargos. L’entrée en service est prévue pour l’année fiscale 2028. De quoi répondre à la demande croissante des armateurs désireux de respecter les objectifs climat sans abandonner les longues distances.
Ce moteur, c’est le fruit d’un programme de recherche patient, rigoureux, long de plusieurs années, soutenu par le Green Innovation Fund du gouvernement japonais.
C’est la preuve qu’une autre voie maritime est possible. Sans fumée noire, sans compromis sur la performance, sans inertie politique.
Exemples de navires fonctionnant avec des nouvelles énergies
Nom du navire | Type d’énergie | Pays | Type de navire | Statut | Remarques |
---|---|---|---|---|---|
AFMGC (à venir) | Ammoniac (dual-fuel) | Japon | Méthanier de taille moyenne | En construction (mise en service 2026) | Premier moteur à ammoniac certifié (J-ENG) |
MS Green Ammonia | Ammoniac | Norvège | Cargo/transport d’engrais | Prévu pour 2025-2026 | Projet soutenu par Yara et Amon Maritime |
HydroBingo | Hydrogène (dual-fuel) | Japon | Ferry passagers | En service depuis 2021 | Fonctionne à 80 % hydrogène |
Energy Observer | Hydrogène + solaire + éolien | France | Navire laboratoire | En navigation depuis 2017 | Premier navire autonome en énergie |
Stena Germanica | Méthanol | Suède | Ferry | En service depuis 2015 | Premier ferry converti au méthanol |
Viking Glory | GNL + batteries | Finlande | Ferry de croisière | En service depuis 2022 | Réduction importante des NOx et SOx |
Yara Birkeland | Électrique (batteries) | Norvège | Cargo autonome | En service depuis 2022 | 100 % électrique, sans équipage |
Canopée | Voile rigide (assistance au vent) | France | Navire spatial (cargo ArianeGroup) | En service depuis 2023 | Économie de carburant jusqu’à 30 % |
China Merchant Methanol Carrier | Méthanol | Chine | Transport de produits chimiques | En service depuis 2023 | Nouvelle génération de moteurs méthanol |
Sea Change | Hydrogène | États-Unis | Ferry | Tests en 2024 | Premier ferry à hydrogène aux États-Unis |
Source : https://www.j-eng.co.jp/en/news/20250901.html